Couleurs de chez nous : « Le courant est venu »

Dimanche 15 Octobre 2017 - 15:36

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimable

 

Difficile pour les puristes de la langue de Molière de cerner les contours de cette phrase. Mais, au Congo, cette expression a toute sa place dans le langage « populaire ». Elle traduit une réalité que ce pays doit, assurément, partager avec bien d’autres sur le continent africain : le défi de l’électrification.

 

Dans les foyers de chez nous, l’électricité n’est jamais pérenne. Elle va et revient et ce phénomène a un nom : le délestage. L’électricité peut arriver à 6 heures et être interrompue à 12 heures ; elle peut durer trois jours d’affilée ou plus mais elle partira toujours. Un yo-yo qui laisse songeurs les «clients ». C’est par ce jeu de va-et-vient que la société qui fournit l’électricité a réussi à construire un mythe et un mystère autour de ce produit de grande consommation. Si bien que le retour du courant est accueilli avec joie par les enfants, d’abord, puis par les adultes. « Le courant est venu » ou « Le courant est revenu », c’est tout comme. Au-delà de cette scansion : la danse, les sautillages, etc., des scènes digne d’une victoire à l’issue d’un match de qualification sur fond de suspense.

Et cela ne s’arrête pas là. On pourrait même dire que nombre de Congolais sont désormais gagnés par le stress chaque fois qu’ils ont un programme alléchant à suivre à la télévision. Dans le cas d’un match de football, ils décampent et assiègent les « VIP » que vous connaissez car nous leur avons consacré une de ces chroniques. Même ici, la peur les suit. Aussi obligent-ils le tenancier des lieux à alterner sur le groupe électrogène.

« Le courant est revenu ? », peut-on entendre les Congolais se poser la question ou la poser à leurs interlocuteurs au téléphone. Il peut s’agir d’un enfant ou de l’épouse. La réponse obtenue leur fait adopter une attitude, souvent de prudence, pour ne pas aller subir le chaos. En quoi faisant ? En achetant des piles pour son petit poste récepteur, pour les férus de l’information ou pour les lampes électriques qui ne manquent plus dans la majorité des maisons congolaises. En passant, signalons les adieux qu’ils ont engagés avec les bougies, au nom des deuils que celles-ci ont occasionnés ou le désamour contraint avec les lampes à pétrole, celui-ci devenant véritablement de l’or (quoique noir).

Le comportement du courant en enrichissant le vocabulaire a « révolutionné » la vie sociale. Il n’est pas exagéré de dire que de plus en plus les Congolais se promènent avec le téléphone et ses accessoires, le chargeur en premier. Ils fréquentent les lieux dont ils sont rassurés par la disponibilité de l’électricité ; les bars, les taxis ou les cafés les plus prisés sont ceux qui replissent ce critère. D’où des travaux sont entrepris dans ces espaces de retrouvailles pour multiplier le nombre de prises électriques sur les murs même si la démarche à des allures de marketing pour attirer et fidéliser la clientèle.

Fidéliser ? Voilà encore un mot qui nourrit l’intelligence des femmes. Comment faire pour forcer son homme de vite rentrer ? Il suffit de l’appeler ou de le faire appeler par un enfant et de lui dire : « Le courant est revenu ». Il n’a plus d’alibi pour traîner au nom du JT qu’il a dit devoir suivre quelque part. les Congolais en ont plusieurs comme astuces et stratégies que leur a procurées la pénurie de l’électricité. Et que dire du délestage ? Le vrai mot pour évoquer ce phénomène ? A suivre…

 

 

 

Van Françis Ntaloubi

Notification: 

Non