Disparition : Mass Clari Massengo n’est plus

Samedi 28 Juin 2014 - 0:45

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Celui qui ne cessait de dire que la musique c’est la recherche a tiré sa révérence pendant la nuit du jeudi 26 au vendredi 27 juin des suites d’une courte maladie. Né le 28 novembre 1938, Rigobert Massengo, plus connu sous le pseudonyme de Mass Massengo ou Mass Clari pour les intimes, a été depuis 1964 jusqu’à sa mort, le chef d’orchestre du Négro Band. Son dernier vœu avant de quitter ce monde était d’obtenir pour son groupe du matériel de musique. Il avait lancé un appel au gouvernement de la République pour un éventuel soutien, mais hélas, en vain…

Mass Massengo est l’un des artistes qui a beaucoup donné pour l’épanouissement de la musique congolaise. Peu avant de trouver la mort, il a expliqué aux Dépêches de Brazzaville comment il était arrivé dans le monde musical.

Comme certains artistes, Mass Massengo est arrivé dans ce monde par vocation. Elève en classe de troisième au lycée Joseph-Chaminade, il décida d’abandonner ses études pour la musique.  À l’époque, il y avait un petit groupe de cinq à six musiciens qu’on appelait Sexy Jazz. C’est par la flute, puis ensuite par la clarinette, s’inspirant de Jean-Serge Essous, avant d'arriver au saxo qu’il a commencé sa carrière. À cette époque, il jouait chez Jacques Banquette à Bacongo. Puis vint un jour Franklin Boukaka, qui le sollicita pour qu’il aille à Kinshasa en RD-Congo.

Il partit avec Michel Boyimbanda, Tintin, Baguin, Nezy, Lili, pour des enregistrements à Kinshasa, où il y avait toutes les structures nécessaires, tenant compte des œuvres réalisées par les doyens Nino Malapet, Jean-Serge Essous, Edo Nganga, qui revenaient au pays sous l'impulsion du président-abbé Fulbert Youlou pour former les Bantous de la capitale. Quand ils arrivèrent à Kinshasa, M. Antonopoulos, de nationalité grecque, patron des Éditions Essengo, créa la marque Ndombé uniquement pour ces ressortissants venant de Brazzaville.  

C’est en 1959 qu’ils ont enregistré pour la première fois et ils ont apporté un plus à cette édition. Le succès obtenu lors de ces enregistrements qu’ils n’attendaient point a fait connaître le nom de Négro Band à travers l’Afrique, le monde entier au point qu’ils ont obtenu des invitations çà et là. La première invitation était celle du président centrafricain David Daco, en 1960 ; ensuite est venue celle du président Joseph Kassavubu en 1960 ; du président gabonais Léon Mba en 1962 ; du président tchadien François Tombalbaye en 1963 ; puis en Afrique australe et en Afrique occidentale, de même qu’en France. C’est ce groupe qui a inauguré la première télévision congolaise en 1962.

Les chansons du Négro Band comme Passi ya mokili, Mokili ekoningana, Sapato, Ndako na ngaï ékomi Ouenzé, Annie bala osépela, Ouana koutéla, Mado dima mokoumba, Marie Hélène… ont effrayé les Bantous de la capitale.

L’adversité avec les Bantous de la capitale 

C’était de bonne guerre. En fait, il n’y avait pas trop d’adversité. D’après Mass Massengo, tout a commencé quand ils ont enregistré les chansons Botika Likunia ou Ndako na nga ékomi Ouenzé que leurs doyens des Bantous de la capitale ont cru qu’ils s’adressaient à eux. C’est ainsi qu’est née l’adversité qui s’aggrava encore lorsque les doyens des Bantous se sont emparés de leurs femmes lorsqu’ils ont effectué une mission à Bangui en Centrafrique.

Outre cela, lors des soirées dînatoires à l’occasion de la célébration de la fête de l’indépendance à l’époque, le président de la République, choisissait lui-même ou les Bantous de la capitale ou le Négro Band. Ce n’est pas comme aujourd’hui, pense-t-il, où les courtisans se permettent d’inviter des groupes musicaux sans en informer le chef de l’État dans le seul but de se partager le cachet.

Un orchestre qu’il n’oubliera pas, même dans sa tombe

« L’orchestre Négro Band a fait de moi ce que je suis devenu aujourd’hui. C’est grâce à ce groupe que j’ai acheté ma parcelle et construit ma maison. L’autre souvenir que je garde de ce groupe est qu’il m’a propulsé. Je bénéficie de quelques privilèges lorsque je suis dans certains milieux. Quand je pense à tout cela, je comprends que nous avons fait de grandes choses dans ce pays. C’est pourquoi nous nous interrogeons, qu’avons-nous fait de mal pour que l’on ne nous aide pas ? On aide des gens qui n’ont rien fait dans ce pays. Pourquoi on nous oublie ? Quel péché avons-nous commis ? Et pourtant nous sommes des icones qui avons beaucoup fait dans ce pays en plus de cinquante ans de carrière. Pourquoi les gens veulent nous voir malheureux ou nous réduire à la mendicité ? Ce n’est pas normal », s’exclamait-il.

Mass Massengo se montrait aussi très sévère à l’endroit des jeunes qui font actuellement de la musique tant au Congo qu’ailleurs. Pour lui, ce qu’ils font, ce n’est pas de la musique, mais plutôt du folklore. Parce que la musique est une succession de sons variés formant une mélodie. Actuellement les gens confondent le folklore et la musique. Les jeunes se sont lancés dans les obscénités, dans la médiocrité. Ils dansent même à poil devant les autorités, se livrent à l’immoralité sexuelle. Alors que les artistes-musiciens ont pour rôle d’éduquer la population et non de les pousser aux obscénités. La musique, c’est la recherche, comme le fait l’orchestre cubain Aragon et non du folklore.

L’artiste est détenteur de nombreuses distinctions.

Bruno Okokana