Dossier 28 novembre 1958. Congo: l'autonomie avant l'indépendance

Lundi 26 Novembre 2018 - 16:38

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Cela a été un long chemin que celui emprunté par l’ex-territoire du Moyen-Congo sous la colonisation française, qui devient la République du Congo, le 28 novembre 1958, avant d’accéder à son indépendance, le 15 août 1960.

Le Congo commémore, ce jour 28 novembre 2018, les soixante ans de son existence en tant que République. Alors que cette date représente un tournant dans l’histoire du pays, ce n’est qu’en 2010 qu’elle s’est réellement rappelée au souvenir de la communauté nationale qui y consacre désormais une cérémonie solennelle renouvelée.

Par-delà les aspirations à la souveraineté qui se font jour avec acuité dans les colonies au lendemain de la Seconde Guerre mondiale (1939-1945), le processus menant à la proclamation de la République du Congo, le 28 novembre 1958, a été marqué par une série d’étapes franchies les unes après les autres, non sans difficultés.

L’une de ces étapes concerne la mise en œuvre de l’arrêté n° 1339 du 14 mai 1957 fixant la composition du Conseil du gouvernement du Moyen-Congo. Il est pris à la suite des élections à l’assemblée territoriale du 31 mars et en application de la Loi-Cadre Gaston-Defferre (ministre français d’Outre-Mer) du 23 juin 1956 qui autorise les colonies à se doter d’une instance de ce type. Ces élections sont remportées d’une courte tête par Jacques Opangault, leader du MSA (Mouvement socialiste africain) qui obtient vingt-trois sièges, contre vingt-deux à Fulbert Youlou, président de l’UDDIA (Union démocratique de défense des intérêts africains).

Au regard de ces résultats, Jacques Opangault est nommé Vice-président du Conseil du gouvernement, chargé de l’Administration générale et de l’information, la présidence étant assurée par un représentant de la métropole. Fulbert Youlou est alors ministre de l’Agriculture, des eaux et forêts et de la météorologie. Les huit autres portefeuilles reviennent respectivement à Simon Pierre Kikhounga-Ngot (Affaires économiques, paysannat et plan), Stéphane Tchitchelle (Affaires sociales, travail, santé, habitat, service social), Bernard Mambeke-Boucher (Enseignement, jeunesse et sports), Xavier-François Zakete (Affaires financières), Joseph Vial (Budget), Jean Mardon (Fonction publique), Charles Vandelli (Travaux publics et infrastructure aérienne), André Kerherve (Production industrielle, mines, transport et tourisme).

Ce cabinet composé pour partie de Congolais et pour partie de Français ne favorise guère la cohésion entre les nationaux. Opangault et Youlou, rivaux à travers leurs deux formations politiques, vont très vite être absorbés par les luttes idéologiques qui opposent, en France, les partis métropolitains de gauche et de droite, dont les leurs sont en réalité des sections locales. Il semble que la balance des représentants coloniaux se penche vers l’UDDIA qui ne cache pas ses accointances avec ces derniers. Quasi socialisant, le MSA agite chez eux la peur de voir la colonie basculée dans le giron communiste. La défection du député MSA, Georges Yambot, qui fait perdre la majorité à Opangault au profit de Youlou est à inscrire dans cette vision de l’administration coloniale de ne pas laisser le Moyen-Congo faire le lit d’une idéologie qui n’a pas bonne presse dans l’Hexagone.

Par la suite, un bras de fer s’engage entre les deux parties. Il se solde par la victoire de Fulbert Youlou qui, fort de sa nouvelle majorité, peut avancer plus loin dans son dessein de s’installer au pouvoir et durer. À Pointe-Noire, capitale du Moyen-Congo où se réunit l’assemblée territoriale pour élire les instances dirigeantes, le cas Yambot est évoqué par Opangault sans succès. Fulbert Youlou profite de la désertion des députés MSA pour peaufiner sa stratégie : l’assemblée territoriale devient l’Assemblée législative remplissant toutes les prérogatives que lui offre cette préséance. 

Elu Premier ministre dans ces conditions, Youlou perçoit le danger que représenterait l’installation de son gouvernement dans une ville de Pointe-Noire qui lui semble hostile. Rappelons que Jean-Félix Tchicaya, influent leader du PPC (Parti progressiste congolais) est alors l’allié de Jacques Opangault. Le Premier ministre décide du transfert de la capitale politique à Brazzaville. Les fidèles de son rival voient dans toutes ces manœuvres la perpétration d’un coup d’Etat constitutionnel qui n’est pas vu d’un mauvais œil par Paris. Il est vrai que les rivaux de Fulbert Youlou sont mis devant un fait accompli. On pense que les affrontements interethniques de 1959, qui opposent les partisans des deux camps à Brazzaville, faisant des dizaines de morts et d’importants dégâts matériels tirent leur origine de cette situation post-électorale sensible.   

Toujours est-il que cette seule journée du 28 novembre 1958 accouche d’une pléiade de textes qui, malgré leur caractère saccadé, finissent par donner forme à la république naissante. Citons-en les plus emblématiques en commençant par la « Loi constitutionnelle n°1 portant organisation des pouvoirs de la République du Congo et déterminant les conditions de préparation et d’approbation des lois constitutionnelles de la République du Congo ».

Puis la suivante, presque « naturelle » au regard de ce qui est dit plus haut, qui fixe « provisoirement » à Brazzaville le siège de l’Assemblée législative et du gouvernement « provisoire » de la République du Congo. Puis encore le décret n°58-1 nommant Stéphane Tchitchelle ministre de l’Intérieur. Après des démêlées avec Jean-Félix Tchicaya dont il était adjoint au PPC, ce dernier s’est rapproché de Fulbert Youlou et peut tenir tête à son ex-mentor dans le Kouilou et à Pointe-Noire pour le compte du Premier ministre. Enfin, le décret 58-2 portant nomination des membres du gouvernement provisoire. Il compte treize ministres dont quelques ressortissants français.

Premier président du Congo suivant la loi constitutionnelle n°11 du 21 novembre 1959, l’abbé Fulbert Youlou exerce la fonction suprême jusqu’à sa chute lors de la révolte syndicale, encore appelée la Révolution des 13,14,15 août 1963. Fulbert Youlou, Jacques Opangault et Jean-Félix Tchicaya* sont considérés comme les pères-fondateurs de la République. Tous les trois méritent le respect de la nation.

Gankama N'Siah

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