Ébola : l’Italie sur le pied de guerre

Dimanche 10 Août 2014 - 10:15

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Le gouvernement se meut sur deux fronts : la recherche en laboratoire et la solidarité avec les pays touchés

Jamais sans doute pays occidental n’aura été autant sensible que l’Italie à la mort, samedi matin à Monrovia, de Sœur Chantal Pascaline. Cette religieuse missionnaire congolaise accompagnait dans son travail le Père-médecin espagnol Miguel Pajares qui est le premier Européen malade d’Ébola, rapatrié durant la semaine dans son pays. Tout comme la religieuse congolaise et deux autres infirmières missionnaires, une Espagnole (rapatriée) et une Guinéenne, cette équipe avait contracté la maladie à l’hôpital Saint Joseph de Monrovia, géré par l’Ordre hospitalier de Saint Jean-de-Dieu, bien connu dans les milieux catholiques pour son dévouement particulier pour les malades.

L’Italie reste très sensible lorsqu’il est question d’infection de personnels de santé par le virus Ébola. En 1995, le pays paya un lourd tribut au mal : six religieuses de la congrégation des Petites pauvres de Bergame décidèrent de rester aux côtés de leurs malades à Kikwit, dans l’alors République du Zaïre. Elles succombèrent toutes les six en seulement trois mois, consumées par le virus hémorragique. Il y avait aussi, en réalité, des religieuses congolaises qui firent avec elles le même choix, même s’il semble que le processus de leur reconnaissance comme saintes traîne quelque peu au Vatican.

Mais cette tragédie fut vécue à l’échelle nationale en Italie, de sorte qu’aujourd’hui elle est de tous les pays européens, celui qui sait le mieux que cette maladie appelle les efforts de tous. Dans ses laboratoires de Padoue on s’active autour d’une molécule qui semble prometteuse pour contrer la pénétration du virus dans le corps humain. Et  le gouvernement de Rome a déjà mis sur pied une véritable task-force de médecins dépêchés en Guinée pour y prêter main forte. Et pendant ce temps une structure sanitaire de la péninsule a déjà mobilisé un département entier pour le cas où des infections venaient à se déclarer dans le pays.

Le directeur du Centre de médecine de voyage et de santé globale, Walter Pasini, se veut rassurant. « Pour le moment, le risque que l’Italie soit touchée est faible, sauf si l’épidémie devait faire sa percée dans les pays d’Afrique du Nord proches ». Mais l’alarme est lancée. Et dans les régions du sud, familières aux arrivées des migrants, potentiels porteurs du virus, on frôle la psychose dans les commissariats de police et les centres de rétention pour clandestins. Des élus de partis d’extrême droite recommandent même déjà le blocus complet de l’Italie avec la fermeture de ses frontières.

Mais le débat se concentre aussi sur la différence de traitements face à cette maladie. Ainsi la presse a largement commenté le fait que si la Sœur Chantal Pascaline avait été évacuée en Espagne avec son confrère et collègue espagnol jeudi, elle ne serait peut-être pas morte samedi. Mais à l’appel pressant de l’Ordre de Saint Jean-de-Dieu, les autorités espagnoles avaient répondu qu’elles ne rapatriaient que les malades espagnols. Cette disparité fait aussi que deux médecins américains infectés au Libéria et rapatriés aux USA y voient leur état de santé s’améliorer alors nombreux de leurs patients africains sont morts derrière eux.

Alors. deux poids et deux mesures, s’interroge-t-on ? La perplexité est d’autant plus grande en Italie que des voix n’hésitent pas à y murmurer que l’Église catholique elle-même ne semble pas trop préoccupée de rappeler les religieuses congolaises décédées par dévouement aux malades d’Ébola au Congo en 1995, l’histoire ayant tendance qu’à ne rappeler que l’héroïsme des religieuses italiennes de Bergame. Cela ajoute une préoccupation morale à une maladie qui semble très ravageuse, et qui voit le monde pratiquement sans défense.

 

Lucien Mpama