Infrastructures : le barrage d’Inga 3 risque de devenir un fardeau pour la RDC

Jeudi 6 Juillet 2017 - 18:15

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Pour la société civile qui s’appuie notamment sur l’analyse économique de ce projet faite par International Rivers, la construction de ce barrage risquerait de plonger la RDC dans un endettement.

La conférence de presse tenue le 6 juillet 2017 à Ngaliema à Kinshasa a permis à la société civile de tirer la sonnette d’alarme sur les risques que le Projet Inga 3 soit plus un fardeau qu’il ne booste le développement de la RDC. S’appuyant notamment sur le nouveau rapport publié par l’ONG International Rivers, ces organisations ont averti que le barrage d’Inga 3 risquerait de plonger la RDC dans un endettement étant donné qu’il lui sera difficile de produire des revenus qu’il aura engloutis pour sa réalisation ou de rendre le service attendu de lui, en fournissant du courant électrique aux populations. « Un nouveau rapport constate que la RDC risque de subir des pertes financières et continuer dans la pauvreté énergétique si elle poursuit le développement du projet hydroélectrique Inga 3 », ont-elles dit.

Cette première analyse approfondie du projet hydroélectrique Inga 3 en RDC intitulée « Endetté et à l’aveuglette » rédigée par l'économiste britannique Tim Jones d'International Rivers expose les défauts flagrants dans les hypothèses concernant la performance probable de ce barrage qui fait l’objet d’un contrat entre la RDC et la République Sud-africaine et dont le Congo attend la constitution d’un groupement unique (offre unique) par les deux derniers candidats développeurs restés en lice pour se lancer dans la construction de cet ouvrage.

Des hypothèses dangereusement optimistes

Pour la société civile, dès le début, Inga 3 a été en proie à des hypothèses dangereusement optimistes par rapport a sa performance, y compris une puissance supérieure aux centrales les plus efficaces au monde, des dépassements de coût nul et des pertes de transmission irréalistes. Alors qu’en se servant des données empiriques des performances des projets hydroélectriques similaires en Afrique et à l’échelle mondiale, Jones a testé les revendications des promoteurs concernant les avantages socioéconomiques d’Inga 3 et a ensuite estimé les performances potentielles du barrage dans une gamme de scénarios. « Ses résultats mettent en évidence les risques financiers graves associés au projet hydroélectrique Inga 3 qui devraient sérieusement inquiéter le gouvernement de la RDC, les citoyens congolais et les investisseurs potentiels », a avisé la société civile qui note avec Freddy Kasongo de l’Observatoire d'études et d'appui à la responsabilité sociale et environnementale (OEARSE) que « la RDC était l’un des pays les plus riches en ressources dans le monde, mais souffre d'une énorme pauvreté énergétique ».

Éviter le pire

L'analyse d'International Rivers montre que dans les scénarios les plus probables, le gouvernement congolais perdra de l’argent. « Même avec des estimations assez prudentes des dépassements de coûts et des hypothèses généreuses de l’électricité générée, des prix de l’électricité et des taux d'intérêt bas, la RDC pourrait perdre 618 millions de dollars par année sur le projet, soit près de 22 milliards de dollars au cours de la durée de vie de 35 ans du barrage », ont noté les ONG, en soulignant que ces pertes financières pourraient atteindre 1,5 à 2 milliards de dollars par année dans des conditions défavorables - jusqu'à 70 milliards de dollars sur la durée de vie du projet -en gonflant les niveaux d'endettement de la RDC et nuisant à sa santé économique à long terme. « Non seulement Inga 3 n’aura pas de revenus, mais cela augmentera probablement le fardeau de la dette de la RDC », a expliqué le directeur du programme Afrique d'International Rivers, Rudo Sanyanga, cité par ces organisations dans le communiqué de presse rédigé à l’occasion de cette conférence de presse. Et cela, a-t-il avisé, n’entraînera pas l’accès à l’énergie nécessaire pour les citoyens congolais. « Ce serait un investissement désastreux pour la RDC », a-t-il averti.

Satisfaire les besoins des communautés congolaises

Pour ces ONG, leurs actions visent à voir les intérêts des communautés congolaises être pris en compte et le pays se développer. Elles ont, par ailleurs, constaté, avec ce rapport qu' Inga 3 plongera la RDC dans une situation de dette, en exportant l’énergie indispensable à l’extérieur du pays, alors que les citoyens congolais recevrons trop peu ou pas d’énergie, tout en permettant aux investisseurs internationaux de récolter les bénéfices. « Les revendications concernant les avantages d’Inga 3 sont énormément exagérées », a explique Jones cité par ces ONG qui relèvent que le barrage constituerait un énorme fardeau financier pour le gouvernement et le peuple congolais et fournirait peu ou pas d’électricité.

S’appuyant sur cette analyse, ces ONG ont, par contre, proposé des alternatives qui, selon elles, pourraient être plus bénéfiques aux populations congolaises. Il s’agit, entre autres, de chercher à réhabiliter Inga 1 et Inga 2. « Il faut d’abord donner de l’électricité aux populations congolaises avant de chercher à l’exporter », a souligné le secrétaire technique de la Corap, Emmanuel Musuyu. Si Inga 3 ne pouvait pas, a-t-il dit, produire plus de 60 % d’énergie attendue alors que le contrat signé avec l’Afrique du Sud est contraignant, on risquerait de satisfaire l’Afrique du Sud et les entreprises minières alors que la population n'aura rien. Emmanuel Musuyu a donc souligné que cette étude a montré que le barrage Inga 3 appauvrira encore la RDC sans fournir l’énergie dont le pays a tant besoin.

Dans ses conclusions, cette étude d'International Rivers montre que la RDC pourrait avoir un meilleur accès à l’énergie pour sa population si elle utilisait les fonds destinés à Inga 3 pour développer des micro-barrages et capitaliser le potentiel du mix énergétique dont regorge le pays. « Un tel investissement permettrait à la RDC de générer suffisamment d’électricité pour augmenter l’accès d’environ 2,7 millions de personnes a travers le pays », est-il proposé.

Pour la directrice exécutive d'International Rivers, Kate Horner, citée par ces organisations, « si la RDC veut devenir un véritable leader économique qui définit un modèle d’accès énergétique en Afrique, elle devrait appuyer sur la touche pause du projet Inga 3 et explorer les solutions énergétiques qui peuvent faire une différence durable pour les Congolais ». Cette alerte conjointe a été lancée par la Coalition des organisations de la société civile pour le suivi des réformes et de l'action publique, International Rivers, Femmes solidaires et OEARSE.

Lucien Dianzenza

Légendes et crédits photo : 

Solide Nehema de Mission développement, Emmanuel Musungu de la Corap et Blandine Bonianga Inanga de Feso lors de la conférence de presse photo Adiac

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