Italie : l’immigré plus visible dans les médias mais toujours en négatifLundi 22 Décembre 2014 - 18:30 C’est Cécile Kyenge qui a été l’immigrée la plus citée dans les journaux italiens au cours de l’année qui s’achève. La nomination de la Première ministre noire d’origine africaine a joué comme un catalyseur : journalistes et médias italiens ont accordé plus d’espace aux questions et aux figures de l’immigration en Italie cette année. Naturellement, c’est la figure de Cécile Kyenge Kashetu, la première Italienne d’origine africaine à occuper un poste gouvernemental qui a été, si l’on peut dire, l’immigrée de l’année pour les médias italiens. Ses faits et gestes ont été traqués, disséqués et rapportés, tout autant que les insultes pesantes dont elle a fait l’objet de la part des mouvements et groupuscules extrémistes, voire des médias eux-mêmes. Il peut sembler dérisoire de souligner un regain de nouvelles sur l’immigration dans les médias si c’est pour tout de suite pondérer ce « saut de qualité » relatif par le fait que les informations ainsi rapportées ont été souvent à lire en négatif. Pourtant, souligne l’Association Charte de Rome qui a mené l’enquête en épluchant quatre principaux quotidiens de la péninsule, par rapport aux années passée, il semble bien que l’immigré soit sorti de la grisaille de l’anonymat. Jusqu’ici il existait presque comme une maladie, mais il était invisible. Pendant un an, l’association a examiné les Unes et les pages intérieures des journaux Corriere della Sera, la Repubblica, Il Giornale et l'Unità. Il en ressort que les quatre grands quotidiens ont affiché, dans 76% des cas, une posture d’ouverture même lorsque les faits rapportés étaient négatifs : naufrages d’immigrés, prises de parole de la ministre de l’Intégration Kyenge, etc. Dans la plupart de ces cas aussi, note l’association, les immigrés sont décrits comme victimes et plus comme protagonistes de l’immigration. D’ailleurs, la plupart du temps, ils perdent le qualificatif de « clandestins » pour celui - plus noble ?- d’immigrés. Mais l’enquête révèle aussi – et les journaux ne peuvent pas faire autrement que de le rapporter – une augmentation des attaques verbales et insultes racistes, de 19 à 27%. Primat remarquable s’il en était, 39% de ces insultes ont concerné Mme Kyenge, les milieux sportifs (23%) en ayant été les pourvoyeurs les plus zélés ! Dans le même temps diminuent les faits dits de « chronique », le vocable par lequel en italien on range tous les faits d’actualité de violence et de délinquance dans la vie ordinaire. Les immigrés n’y sont plus les principaux acteurs et n’en sont plus les auteurs directs, une diminution qui passe de 27% dans les années passées à 17%.
« Nous en appelons au bon journalisme », a plaidé Giovanni Maria Bellù, président de l’association en présentant ces données à la Chambre des députés, l’Assemblée nationale italienne, la semaine dernière. « Il s’agit de refléter honnêtement un phénomène social », pas de l’amplifier ou de le créer. Or, a relevé dans le même temps Marco de Giorgi, directeur de l’Unar, l’Office italien contre les discriminations raciales, 35% des cas de racisme dénoncés auprès de cette instance (1.200 dénonciations en tout) concernent… les médias, blogs et réseaux sociaux. C’est comme si en la matière les médias faisaient littéralement la nouvelle ! Lucien Mpama |