Jojo Shalaï : le coupé-décalé est une musique festive et éducative

Samedi 19 Juillet 2014 - 0:30

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Musique d’origine ivoirienne fondée par DouK Saga, le coupé-décalé a eu comme pionniers au Congo-Brazzaville DJ Nono et son groupe, Les Tchopeurs, parmi lesquels figurait DJ Migo One, puis d’autres décaleurs comme les DJ’s Terra Nova, Nzété Oussama, et Jojo Shalaï. Ce dernier défend ici cette musique en se basant sur sa propre expérience musicale

Nzinga Franck-Clével Josephat, dit Jojo Shalaï, est l’un des DJ en vogue dans la capitale. Chanteur de coupé-décalé, il publie son premier album, Ol-mol, en 2007, l’année même où il prépare et obtient son baccalauréat. Issu d’une famille évangélique pratiquante, Jojo Shalaï a appris à chanter dans les groupes religieux d’Écodi, des scouts et des CBE. Il bascule dans le coupé-décalé par l’influence des mélodies ivoiriennes, mais surtout grâce à sa cousine qui, rentrant de Paris, lui offre des CD de coupé-décalé dont il va s’inspirer.

Le coupé-décalé, décrié par les adultes pour les messages érotiques qu’il semble véhiculer, est, selon Jojo Shalaï, une musique festive destinée à faire danser, quel que soit le concept utilisé : sagacité, pongo, nkebanou, la widge, araignée, tsotsa ou la danse kichalala. Si le coupé-décalé n’a pas bonne presse chez les anciens, cela s’explique, dit-il, par le fait qu’ils ont grandi avec la rumba et ont été habitués à des mélodies plus calmes, au point que les rythmes saccadés du rap ou du coupé-décalé aujourd’hui, dont ils ne comprennent pas les concepts, apparaissent comme des bêtises.

Malgré les dérapages de certains décaleurs, pour Jojo Shalaï, le problème qui se pose réellement relève du conflit de générations. Un changement de style de musique qui ne cadre pas avec le goût des anciens. La musique du coupé-décalé, pense-t-il, est aussi une forme d’éducation des masses, méprisée à cause de certains préjugés. Dans l’une de ses chansons chantées en lingala, il interpelle les pères irresponsables qui négligent leur foyer au profit de leurs maîtresses. Quelques paroles :
Ah papa a bimi na tongo
Atiki mbongo ya zando té
Tango akéyi na libanda
Akutani na basi ya libanda
A pesi bango ba bongo
A sombéli bango massanga
Mwasi na bana nzala.
Kasi tango azongi na butu
Yé wana a zo tuna chéri
Est-ce que olambi té ?

Dans une autre chanson, Matéya (conseil en français), il sensibilise les jeunes aux dangers de l’alcoolisme, de la prostitution et du sida, ainsi que de l’influence de l’éducation diffuse qui compromet souvent la bonne éducation reçue au sein de la famille où à l’école.

Actuellement en studio, il prépare un nouvel album, Bilage, qui sera sur le marché en août. Album dans lequel il dénonce les « pauline », c'est-à-dire les jeunes filles-mères qui font beaucoup d’enfants tout en vivant toujours chez leurs parents, et qui, chaque nuit, traînent dans les débits de boisson et les night-clubs pour abuser d’alcool avec de multiples partenaires. Quelques paroles :
Soki olingi komona ba pauline na nganda ?
Pona koyeba bango
Ebélé ba méla chimboki
Bango ba lingi massanga
Ba lataka à moitié nue
Ba mèche na bango milayi

Les acteurs du coupé-décalé (décaleurs) ne sont pas des écervelés, comme on le pense parfois. Ils veulent aider les gens à surmonter, par l’animation, l’ambiance et la danse, le stress et les soucis du quotidien. Jojo Shalaï, né d’un père officier supérieur dans la police et d’une mère juriste, affirme ne pas vouvoir chanter des insanités qui attireraient inévitablement l’opprobre sur ses parents. Il trouve que la musique du coupé-décalé est un véritable vaccin moral pour la joie qu’elle procure aux mélomanes. Aussi recommande-t-il aux détracteurs de cette musique d’être attentifs, au-delà du rythme festif, au message véhiculé dans les chansons.

Propos recueillis par Aubin Banzouzi

Légendes et crédits photo : 

Photo: Jojo Shalaï. Crédit Photo: Sorom Color