Justice internationale : les actions de la CPI au cœur d’un débat à Brazzaville

Mercredi 5 Juillet 2017 - 18:12

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L'attention portée par la Cour pénale internationale (CPI)  uniquement sur l’Afrique par rapport aux autres continents pose problème et suscite des interrogations sur l’impact potentiel de cette Cour. Pour débattre de ce sujet, le cabinet Eminence Conseil a invité le 4 juin au Palais des congrès des grandes figures congolaises et africaines autour du thème « l’Afrique et la CPI : aux sources du malaise ».

 

Les entretiens de Brazzaville ont mis face à face trois conférenciers : Thierry Moungala, ministre congolais de la Communication et des médias, porte-parole du gouvernement, Alexis Thambwe Mwamba, ministre d’Etat en charge de la Justice et garde des sceaux de la République démocratique du Congo et Désiré Assogbavi, avocat togolais, représentant résident et chef du bureau international de liaison d’Oxfam auprès de l’Union africaine. Grand témoin, Dominique Perben, avocat international, ancien garde des sceaux de la République française.

Pour entretenir les conférenciers, la tâche a été confiée à Vincent Hervouét une grande figure de l’audiovisuel français, éditorialiste à LCI Sud Radio et à l’observateur du Maroc et de l’Afrique.

Au  prime abord, les conférenciers ont parlé de la CPI, de sa création, de son développement, de son action, des espoirs qu’elle a apportés, et des critiques au sein de l’Union africaine, des progrès espérés, du rapport de force politique et de tout ce qui pourrait remplacer la CPI.

Pour le ministre Alexis Thambwe Mwamba, l’intérêt du débat de Brazzaville était de savoir si la CPI fonctionne comme on l’aurait souhaité. « Nous sommes profondément choqués de voir que les mêmes faits qui ont été reprochés aux Africains sont accentués sous d’autres cieux alors qu’ils auraient dû faire l’objet des procès au niveau de la CPI. Mais au départ, nous considérons qu’il faut croire en la justice et souhaiter qu’elle reste sereine. Il faut espérer que la justice ne puisse en aucune manière devenir un instrument d’une politique des puissants par rapport aux faibles ». Il estime que si les justices nationales fonctionnaient correctement, la CPI aurait moins d’affaires à traiter.

Thierry Moungala dont le pays a ratifié le traité de Rome en 2004 approuve : « « Nous avons confiance en la justice internationale, mais il y a malaise, d’abord sur le temps qui passe. La CPI exerce ses activités depuis une quinzaine d’années. C’est donc le moment de pouvoir faire une sorte de bilan à la fois quantitatif et qualitatif. En tant que citoyen africain, je considère que cette justice internationale est aujourd’hui l’exact reflet du système de domination mondial ».

En revanche, Désiré Assogbavi pense que la justice est un attribut sérieux de la souveraineté, et que les Etats aimeraient organiser leur propre justice au sein de leur territoire, mais, a-t-il nuancé, « la procédure ne marche pas parce qu’il y a des criminels qui commettent des forfaits inacceptables aux yeux de l’humanité et qui s’évadent dans la nature. D’où la mise en place de la justice internationale ». Et de préciser, « Si les justices nationales fonctionnent normalement, la CPI  va chômer. Je proposerai les moyens pour la faire progresser ».

Ainsi, des questions comme : la cour pénale Internationale est-t-elle efficace ? Pourquoi est-elle souvent accusée de néocolonialisme envers les Africains ? etc. ont animé le débat lors de la séance de questions-réponses avec le public. Au cours de cet échange, les participants ont eu droit à la projection d’un documentaire sur la création de la CPI et sur son fonctionnement.

La CPI accusée de néocolonialisme…

La Cour pénale internationale est entrée en fonction à la Haye en 2002. 123 Etats ont jusqu’ici ratifié le statut de Rome, son fondement juridique. Indépendante, elle a été créée pour mettre fin à l’impunité des auteurs des crimes les plus graves qui touchent la communauté internationale.

Depuis sa création, plus d’une trentaine de mandats ont été lancés pour des affaires qui concernent 8 pays, tous africains. En 14 ans, sur les 35 personnes mises en cause par la CPI, seule une vingtaine de suspects ont comparu devant la cour. Bilan des procédures : 2 condamnations, 1 acquittement, 7 non-lieu, 12 accusés attendent la confirmation des charges ou la fin de leur procès, 6 d’entre eux sont actuellement incarcérés à la Haye, 4 suspects sont décédés sans jamais comparaitre devant la CPI, 2 sont détenus dans leur pays qui refuse de les livrer à la cour, enfin 7 suspects ne se sont jamais rendus à la CPI et sont considérés en fuite.

Tous ces prévenus sont Africains, ce qui suscite régulièrement de vives critiques à l’encontre de la CPI accusée de néocolonialisme. Pour retrouver sa légitimité contestée, la cour promet de juger également les crimes commis sur d’autres continents. Des examens préliminaires ont été ouverts dans une dizaine de pays dont l’Irack, la Colombie, l’Afghanistan, l’Ukraine ou encore la Palestine. Fin janvier 2016, la procureur de la CPI a ouvert sa première enquête hors du continent africain pour juger les crimes commis en Ossétie du Sud en 2008 lors de la guerre qui a opposé la Géorgie et la Russie. C’est sur cette question que les entretiens de Brazzaville ont posé la problématique.

En conclusion, Dominique Perben pense qu’il y a un attachement à la CPI en profondeur, mais aussi un peu de déception quant à sa manière de fonctionner. « Il y a une piste à suivre en termes de diplomatie internationale, en particulier les pays africains et européens pour être portés de manière à améliorer le fonctionnement de cette cour afin qu’elle apporte tout ce qu’on pourrait en attendre ».

Le 29 septembre prochain, à la grande salle internationale de Kintélé, le débat portera sur l’Agriculture.

 

 

 

 

 

 

Yvette Reine Nzaba

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