Kamel Daoud de nouveau pointé du doigt

Vendredi 4 Mars 2016 - 20:41

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Auteur de Meursault contre-enquête, l'écrivain et journaliste algérien Kamel Daoud est au coeur d'une polémique des deux côtés de la Méditerranée pour avoir dénoncé le « rapport malade à la femme » dans le monde arabo-musulman.

Dans une tribune sur les agressions sexuelles commises dans la nuit du 31 décembre à Cologne (Allemagne), Kamel Daoud, chroniqueur dans plusieurs médias en Europe et aux Etats-Unis, a signé un texte intitulé « Cologne, lieu de fantasmes », dans lequel, il lie les agressions sur des femmes commises par des groupes d'hommes arabes lors du réveillon à Cologne au rapport à la femme dans le monde arabo-musulman.

Son texte est d'abord publié dans le quotidien italien La Repubblica, puis début février dans le journal français Le Monde. « Le sexe, écrit-il, est la plus grande misère du monde d'Allah », où la femme est « niée, refusée, tuée, voilée, enfermée ou possédée ».

Très vite, il a été pointé du doigt par un collectif d’historiens, sociologues, anthropologues, politistes l’accusant de « recycler les clichés orientalistes les plus éculés » et de favoriser « l'islamophobie ». L'une des signataires, l'historienne et anthropologue franco-tunisienne Jocelyne Dakhlia, est revenue à la charge mardi pour l'accuser de « faire croire à un choc des cultures » selon l’AFP. Mais d'autres l'ont soutenu, comme la romancière franco-tunisienne Fawzia Zouari, estimant qu'il n'a eu que « le tort de pointer sans détour les travers des siens ».

Outre Fawzia Zouari, le jeune romancier sénégalais Mohamed Mbougar Sarr, prix Amadou Kourouma 2015 pour Terre Ceinte, vole dans son blog au secours de Kamel Daoud. Il y dénonce « l'arrogance » de ses détracteurs qui se réclament « d'une légitimité » scientifique, alors que le propos de l'écrivain « était relié à une expérience du rapport ambigu, malade lorsqu'il est radicalisé, de l'islam à la femme, à son corps, à la sexualité ». Dans le même esprit, Benjamin Stora, historien du Maghreb contemporain a confié à l’AFP, « je déteste que l'on se mette en groupe pour faire la chasse à un seul homme ». Il loue « la liberté de ton » de Kamel Daoud et souligne la difficulté à tenir sur une ligne de « double critique » : par exemple à la fois contre « l'islamisme » et contre le « « fascisme européen". Puis d’ajouter, « On somme Kamel Daoud d'être dans un camp ou dans l'autre », alors qu'il a écrit « un texte d'écrivain ».

Pour Manuel Valls, le « réquisitoire » dressé par des intellectuels, « au lieu d’éclairer, de nuancer, de critiquer », condamne « de manière péremptoire ».

Mercredi, soit un mois après la publication de sa tribune, l’écrivain affirme vouloir désormais se consacrer à la littérature, et même s'il dit que son abandon du journalisme n'est pas lié à la polémique, le Premier ministre français Manuel Valls a appelé à « ne pas abandonner cet écrivain à son sort ».

Admiré par de nombreux Algériens pour sa liberté de ton aussi bien contre les islamistes que contre le pouvoir algérien, l'écrivain reçoit en 2015 le prix Goncourt du premier roman pour Meursault contre-enquête. Traduit en plusieurs langues, le livre imagine une identité à l'Arabe anonyme tué sur une plage d'Alger par le narrateur de "L'Etranger" d'Albert Camus.

En 2014, il fait l'objet de menaces de mort pour "apostasie" d'un prédicateur salafiste algérien, dont le procès s'est ouvert mardi à Oran. Il avait alors reçu le soutien de nombreux écrivains et personnalités politiques en France.

Meryll Mezath avec AFP

Légendes et crédits photo : 

Kamel Daoud

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