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Le grand retour de la Russie en Afrique

Lundi 14 Octobre 2013 - 1:06

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Il est clair désormais que la Russie entend redevenir la grande puissance qu’elle fut jadis et peser à nouveau fortement sur la conduite des affaires du monde. S’il en allait autrement, elle n’aurait pas agi comme l’a fait tout au long de la crise syrienne, imposant aux États-Unis et aux pays européens qui les soutenaient un changement de politique aussi brutal qu’humiliant.

Pour expliquer cette renaissance, la plupart des observateurs soulignent que Moscou a des intérêts majeurs dans cette partie de la Méditerranée et, par conséquent, ne peut que s’y montrer attentif des évènements présents ou à venir. Ils oublient, ce faisant, deux réalités bien tangibles :
1. Le Proche et le Moyen-Orient constituent, certes, des zones stratégiques pour la Russie en raison de leur proximité géographique avec son territoire, mais ni l’un ni l’autre ne constituent aux yeux des dirigeants russes un objectif sur lequel il conviendrait de concentrer leur énergie ;
2. Tout aussi importante, sinon plus, redevient l’Afrique pour la renaissance d’une nation qui atteint au sortir de la Seconde Guerre mondiale le sommet de sa puissance, mais qui, ayant commis l’erreur de fonder cette puissance sur une idéologie dépassée, s’effondra cinquante ans plus tard.

Au cœur de l’analyse qui conduit aujourd’hui le Kremlin à replacer le continent africain au cœur de sa diplomatie se trouve la conviction – justifiée à tous égards – que les cartes sont en train de se rebattre sur la table où se joue la partie de poker planétaire. La dilution des puissances européennes dans un ensemble géographique trop vaste et trop divers pour donner naissance à une véritable communauté politique d’une part et, d’autre part, l’affaiblissement continu des États unis, que piège la dérive de leurs finances publiques tout autant sinon plus que les erreurs successives commises en différentes régions du monde, donnent à la Russie l’occasion rêvée de revenir sur le terrain, de rattraper en quelque sorte le temps perdu.

Vus de Moscou, les pays occidentaux sont aujourd’hui, et seront plus encore demain, victimes de leur acharnement à défendre un système ultra-capitaliste rendu dangereux par ses excès, exactement comme l’Union soviétique s’effondra pour s’être imaginée capable d’imposer au monde le système communiste imaginé par Karl Marx et ses disciples. Certes ils continueront de peser sur l’évolution du monde, mais ils n’auront plus, quoi qu’il arrive, la capacité d’imposer leurs vues au reste de la planète. Et par conséquent, la Russie doit consacrer son énergie au rééquilibrage des rapports de force mondiaux afin d’en tirer le meilleur parti.

Dans un pareil contexte, l’Afrique, avec ses immenses ressources naturelles, et surtout ses incroyables perspectives démographiques – un tiers de l’humanité au terme du présent siècle – ne peut que redevenir une cible privilégiée de la diplomatie russe pour Vladimir Poutine et ses successeurs. Et c’est précisément à ce grand retour que nous assistons depuis plusieurs mois, tout particulièrement en Afrique noire où les dirigeants russes se préoccupent activement de rétablir les relations de confiance qui existaient avec un grand nombre de gouvernements à l’époque de la guerre froide.

La Russie grand acteur de l’émergence du continent africain, qui l’aurait imaginé il y a dix ans ?

Jean-Paul Pigasse

Edition: 

Édition Quotidienne (DB)

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