Les polices du monde entier vont se retrouver au Vatican

Mardi 8 Avril 2014 - 13:22

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Pendant deux jours, les responsables des polices du monde vont participer à une concertation autour du pape François

La rencontre de mercredi et jeudi prochains est très insolite, mais s’insère logiquement dans la démarche du pape argentin qui bouscule décidément les habitudes. C’est lui qui a invité les responsables d’Interpol (police internationale) à venir au Vatican réfléchir sur les moyens de combattre contre la traite des êtres humains qu’il qualifie d’« esclavage des temps modernes ». La pensée du chef de l’Église sur cette question est d’une remarquable cohérence et la rencontre de mercredi, pour médiatique qu’elle soit, n’est que la suite d’une première réunion d’évaluation tenue il y a six mois.

Depuis son arrivée au pontificat, le pape n’a eu de cesse d’interpeller la communauté internationale sur, par exemple, le drame de l’immigration clandestine. On se rappelle que le 8 juillet de l’an dernier, il avait improvisé une visite à Lampedusa, petit port de Sicile (sud de l’Italie) devenu synonyme de drames effroyables pour les immigrés. Il s’y était rendu pour jeter un bouquet de fleurs dans la mer et « pleurer sur les 20 000 morts anonymes » par noyade. Il y avait dénoncé « une globalisation de l’indifférence » qui avait bouleversé le monde.

De sorte que lorsque, trois mois plus tard, plus de 300 immigrés se noieront toujours au même port de Lampedusa, « la porte de l’Europe », la mobilisation des autorités sera visible. L’Italie décrétera un deuil national et offrira, maigre consolation, des funérailles nationales aux 366 morts certifiés. Le président de la Commission européenne se rendra sur place avec 30 millions d’euros d’aide à la petite commune. Il ne fait aucun doute aujourd’hui que le pape, lui-même fils d’immigrés italiens en Argentine, montre une extrême sensibilité face au drame de ceux qui n’ont pour tort que d’aller « chercher de meilleures conditions de vie ailleurs ». Économiques ou politiques.

Sur ce terreau, des trafiquants de tous bords réalisent de juteuses affaires. Dans les pays de départ, les candidats à l’immigration doivent payer, cher, pour sortir ou traverser. Dans les pays de transit, notamment sur le pourtour méditerranéen, ils se font racketter, violer, violenter ou arnaquer de mille manières pour pouvoir atteindre les premières côtes de l’Europe, souvent l’Italie (Lampedusa), mais aussi l’Espagne (par le Maroc). Une conférence tenue au Vatican il y a quelques semaines montrait, photos à l’appui, que ces immigrants pouvaient être tués pour leurs organes, alors qu’un orphelinat géré par une association d’Érythréens en Côte d’Ivoire accueille aujourd’hui plus de 1 000 enfants nés du viol de leurs mères par des policiers de toutes nationalités.

Au drame de ceux qui sont victimes directes, s’ajoute celui des victimes consentantes. En Italie, il ne se passe pas de jour que l’on ne découvre le corps d’une prostituée sans vie, nigériane ou ukrainienne, venue « travailler » pour des souteneurs qui tiennent les filières. C’est sur eux que le pape entend attirer l’attention des limiers ; faire en sorte que ce trafic cesse. La rencontre de mercredi sera en fait la deuxième du genre depuis octobre dernier et le drame de Lampedusa. Et le 17 mars dernier, catholiques, anglicans et musulmans ont signé une déclaration conjointe les engageant à lutter contre cette traite.

Lucien Mpama