Lire ou relire: « Les tracas d'un rêve, conte vili »

Vendredi 31 Août 2018 - 21:15

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimable

L’Afrique possède une énorme richesse culturelle qui fut longtemps véhiculée par le biais de la tradition orale. Aujourd’hui, la possibilité y est de passer par l’écrit pour transmettre et conserver cette riche culture qui tend à disparaître. Ainsi Jean Dello se propose-t-il, dans son ouvrage qui relate un conte vili, de perpétuer la mémoire de son terroir.

Jean Dello met à la disposition du lecteur un conte qui regorge une profonde leçon de sagesse. C’est l'histoire d'un chef de terre qui avait deux garçons. Le premier s’appelait Mavoungou et le second Mabiala. Le fils aîné, Mavoungou, s’opposant aux conseils de son père, un dignitaire du territoire, passait son temps à recevoir de ses parents sorciers et grands-parents l’initiation aux vieilles coutumes et aux choses mystérieuses. Tellement sûr de cette force mystique reçue des grands-parents, il décida de renverser son père du pouvoir, c’est-à-dire devenir chef.

Un soir, voyant sa mère en train de décortiquer les arachides, Mavoungou usa de sa technique nuisible pour pénétrer dans un grain d’arachide qui, par la suite, fut picoré par une poule affamée. Celle-ci traînant derrière la maison fut attrapée par une belette qui l’amena en forêt et la mangea. A son tour la belette, par malheur, croisa le python qui était à la recherche d’une proie et ne la laissa pas partir. Comme d’habitude, le python après avoir mangé ne se déplace pas, il y fit sa demeure.

Trois jours après, tout le village se mit à rechercher Mavoungou mais malgré les rituels, il resta introuvable. Un jour, le père alla en forêt chercher les noix de palmier et croisa le python pris par la fatigue de la bouffe, incapable de se déplacer, et le tua. Au retour, on dépeça le python et on trouva à l’intérieur une belette, on fit de même pour cette dernière et on découvrit beaucoup de poules dans le ventre de la belette. On prit alors la plus grosse qui avait finalement avalé le grain d'arachide dans lequel était Mavoungou.

En le retrouvant tout le monde fut étonné. Après ce stade qui inquiétait ses parents, cette fois-ci il consulte les féticheurs qui lui donnèrent les conditions sans lesquelles le pouvoir lui serait inaccessible. Il fallait donc passer du premier au dernier village où règne un certain Mazampoungou qui devrait lui conférer le pouvoir qu’il cherchait. Il rencontra deux compagnons, Sieur Gazelle et Moe Nkabi ; avec eux ils firent cette aventure. A un certain moment ses compagnons le laissèrent continuer sa route. Mavoungou arriva chez Mazampoungou mais sa position n'allait pas en faveur de ce dernier, « il essuya donc un échec cuisant ». Toute l’assemblée du village décida de nommer Mabiala, son cadet, comme chef de terre incontestable. Sachant qu’il était passible d'une sanction, Mavoungou finit par abandonner ses ambitions, c’est ce qui a sauvé sa vie mais malgré la sorcellerie et autres pouvoirs hérités de ses grands-parents, il n’avait pas pu atteindre son but.

Jean Dello achève son conte par un sage avertissement: « Les enfants qui aiment les grandes aventures rencontrent bien souvent des déceptions très dures ». L’intérêt de cette réflexion, c’est d’apprendre à la jeunesse que vouloir supplanter les autres pour les asservir ne garantit pas l’avenir.

Voilà alors dans quelle mesure la culture africaine peut continuer à transmettre le savoir-être aux générations futures à travers les nouveaux modes d'expression à l'image du conte écrit. A propos, Jean Dello souligne: « Dans quelques décennies, en effet, si aucun travail de collecte, d’archivage et de promotion des données ethnolinguistiques et littéraires n’est fait en urgence, personne ne pourra redire les mots de la sagesse de nos ancêtres. Dans nos villages devenus cités urbaines, personne ne saura non plus profiter du clair de la lune pour émerveiller et éduquer nos plus petits par la magie du conte ; et les chants qui rythmèrent les épopées de nos empires, royaumes et chefferies s’effaceront définitivement de la mémoire collective des peuples ».

L’Africain se laisse influencer par la société occidentale, oubliant que chaque peuple a sa culture et aucune culture n’est au-dessus des autres car elles se valent toutes. Dans l'actuel ouvrage, Jean Dello révèle que « La fascination qu’éprouvent les Africains pour les modes de vie occidentaux se paye au prix du reniement des valeurs culturelles fondatrices de leur identité ». Quitte aux Africains de valoriser leur culture.

Aubin Banzouzi

Légendes et crédits photo : 

Photo: La couverture de l'ouvrage

Notification: 

Non