Maxime Mboungou : « Le jour où j’ai commencé ce combat, j’ai décidé d’en sortir victorieux »

Samedi 12 Novembre 2016 - 7:15

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Atteint d’une tuberculose qui a affecté son système nerveux, l’ancien international U23 congolais se bat pour retrouver l’usage de ses jambes. Pour la première fois, il évoque publiquement sa maladie, son combat quotidien, les conséquences pour sa famille, ses espoirs et le soutien immense que lui apporte sa femme. Et le natif de Goma Tsétsé, désormais étudiant en informatique, implore les footballeurs congolais à ne pas négliger l'instruction.

Les Dépêches de Brazzaville : Maxime, le grand public a perdu ta trace le 24 mai 2014, date de ton dernier match en Estonie. Tu souhaites aujourd’hui expliquer la raison de ton absence médiatique.

Maxime Mboungou : C’est une longue histoire, difficile à résumer en quelques mots. J’ai eu de graves problèmes de santé, qui m’ont conduit à être hospitalisé pendant plus d’une année. Cela a commencé juin 2014, à la fin de la saison 2013-2014 : j’ai été pris de fortes fièvres et j’ai été admis à l’hôpital une première fois, durant un mois, en Estonie. J’ai subi de nombreux examens, qui n’ont rien révélé. Une semaine après ma sortie, mon agent a voulu que je parte directement en Espagne, où il m’avait trouvé un essai dans un club. Mon épouse trouvait ça imprudent, car je n’étais pas vraiment en forme. Elle avait raison, mais c’était difficile de décliner cette invitation. Pourtant, c’est aujourd’hui une décision que je regrette.

LDB : Pourquoi ?

M.M : Après deux jours d’entraînement en Espagne, je me suis senti très mal. Ma femme a appelé mon agent, ils se sont disputés mais elle l’a convaincu de me remettre dans l’avion pour l’Estonie. À mon arrivée, elle m’a emmené directement à l’hôpital. Et elle a eu raison, car j’étais très mal.

LDB : Quelle maladie a été diagnostiquée ?

M.M : J’ai encore passé une batterie d’examens médicaux, plus approfondis cette fois, et ils ont découvert que je souffrais d’une tuberculose. Le docteur m’a alors demandé si j’avais déjà été atteint par la tuberculose dans mon enfance, ce que je ne savais pas. En demandant à ma mère, j’ai appris que j’avais contracté cette maladie à 11-12 ans. Le docteur a estimé qu’il était possible que j’aie gardé, durant des années, la souche en moi et qu’avec le froid estonien, surtout pendant les matchs joués en hiver, la maladie est revenue.

LDB : Quelle en était la gravité ?

M.M : J’ai commencé un traitement immédiatement, mais la tuberculose avait attaqué mon système nerveux. Ma moelle épinière a été touchée et j’ai perdu l’usage de mes membres inférieurs. Durant mon hospitalisation, une opération a été envisagée, mais il y avait des risques de paralysie totale. Les médecins ont donc opté pour un long travail de kinésithérapie puis de rééducation. Lorsque je suis sorti de l’hôpital, en août 2015, j’ai donc commencé ce long travail, tout en étant suivi par un neurologue, avec des contrôles trimestriels. Grâce à Dieu, lors du dernier contrôle, le docteur m’a annoncé que les cellules de ma moelle épinière se régénéraient.

LDB : Quelle a été la nature des soins que tu as suivis ?

M.M : À ma sortie de l’hôpital, j’ai d’abord eu des séances de massages et de kiné. Puis, j’ai suivi un premier programme de physio pour les membres supérieurs. Ensuite, j’ai travaillé les membres inférieurs avec des machines, des stimulations électriques. Dès le début, on a opté pour ce long processus, afin de me donner toutes les chances de guérir. Actuellement, je suis au repos, car j’ai repris mes études à l’université de Tartu rahvaulikooli. Et tout cela est assez épuisant. En janvier, je repars pour un programme de six mois de physiothérapie et massages.

LDB : À l’heure actuelle, as-tu retrouvé l’usage de tes jambes ?

M.M : Durant mon hospitalisation, je suis resté allongé sur le dos en permanence pendant six mois. Désormais, après de longues et nombreuses séances de kinésithérapie et de rééducation fonctionnelle, je suis en fauteuil roulant. Je ne peux pas encore marcher, mais je peux me mettre debout avec des supports. Parfois, j’aimerais que ça aille plus vite, mais le docteur me dit d’être patient, de ne pas prendre de risques. Dans ces moments, je me rappelle d’où je viens, avec des pertes de mémoire, alité…

LDB : Ta vie a-t-elle été menacée ?

M.M : Oui, à deux reprises le docteur m’a dit que ma situation pouvait s’aggraver. Ici, ce n’est pas comme chez nous, les docteurs osent te dire quand la situation est grave. Ma colonne vertébrale était très touchée. Ça a été très dur, mais heureusement, j’ai toujours pu compter sur une équipe médicale géniale.

LDB : Quand tu as compris que ta carrière était menacée, comment as-tu réagi ?

M.M : ça a été très difficile, mais j’ai pu compter, chaque jour, chaque minute, sur ma femme. Elle a été mon soutien, ma force, mon moteur. Quand je perds espoir, elle me remonte le moral pour faire face à toutes ces épreuves. Je ne sais pas ce que j’aurai fait sans elle, loin de ma famille, de mes proches.

LDB : Financièrement, comment as-tu fait face à ces soins longs et couteux ? Ton club t’a-t-il soutenu ?

M.M : Vous savez, j’étais en fin de contrat avec le FC Johvi Lokomotiv. Ils m’avaient proposé une prolongation de deux saisons. Avec mon agent, on avait décidé de ne pas signer pour donner une autre orientation à ma carrière. Deux semaines après la fin de mon contrat, je suis tombé malade. Je n’étais plus lié au club, qui n’avait aucune obligation. Du coup, j’étais livré à moi-même.

LDB : Comment as-tu fait, alors ?

M.M : Ayant travaillé pendant deux saisons avant ma maladie, j’ai un numéro de sécurité sociale, ce qui m’a permis de faire face.

LDB : As-tu reçu du soutien matériel des instances congolaises ?

M.M : Non, mais je tiens à dire que je n’en ai jamais demandé et que je ne souhaite pas que l’on accuse qui que ce soit. Dès le début, j’ai voulu rester discret quant à ma situation, c’était mon choix et je l’assume.

LDB : Pourquoi ne voulais-tu pas qu’on connaisse ta situation ?

M.M :  Car je connais les dérives qui peuvent arriver en Afrique.

LDB : Des rumeurs ?

M.M : Des rumeurs, oui, mais c’est secondaire. Car il y a eu plus grave, comme des fans qui sont allés chez mes parents pour faire la pagaille. Ils ont menacé ma famille et ont même essayé de brûler la maison…

LDB : Pourquoi ? 

M.M : Vous savez, en Afrique, quand un malheur arrive, on y voit souvent de la sorcellerie. C’est un problème psychologique que l’on doit résoudre. Donc, je voulais clarifier cette situation, car cela nous a affectés, ma famille et moi, à double titre : d’abord la maladie puis le regard, la violence et les rumeurs.

LDB : Avant de débuter cet entretien, tu as dit que tu voulais également passer un message à tes confrères footballeurs, en particulier les plus jeunes.

M.M : Oui, car dans ma malchance, j’ai eu la chance d’avoir toutes les conditions réunies pour avoir accès aux soins nécessaires. On ne sait jamais de quoi l’avenir sera fait, pour le meilleur et pour le pire. Et je constate que de nombreux frères partent un peu à l’aventure sans se préparer aux accidents de parcours. C’est quelque chose pour lequel on n’est pas préparé lorsqu’on évolue au pays. Et auquel on ne pense pas toujours lorsque on tente une carrière à l’étranger. Il y a des pays où tout est légiféré, avec une couverture sociale et médicale, mais ce n’est pas toujours le cas. Il faut y penser et mettre de l’argent de côté en cas de coup dur.

LDB : Durant ton hospitalisation, l’un de tes amis et aînés, Guelor Bhebey Ndey a été gravement blessé. On imagine que tu penses souvent à lui…

M.M : Oui, forcément. Guelor, c’est un frère et nous avons presque le même problème. Je me sens dans sa peau, car j’ai enduré et j’endure son combat au quotidien. C’est le genre d’accident qui peut arriver à chacun d’entre nous et c’est pour ça que j’exhorte nos frères footballeurs à la sagesse. Guelord a la chance d’être soutenu matériellement et moralement. Ce n’est pas toujours le cas.

LDB : Ce soutien moral, tu l’as reçu de ta femme, donc, mais l’as aussi puisé dans ta paternité. Ça aide à ne pas baisser les bras ?

M.M : Vous savez, je n’ai pas vu ma fille pendant un an, durant toute la durée de mon hospitalisation. C’est une épreuve difficile, mais aussi un moteur dans le combat contre la maladie.

LDB : Tu as 24 ans, ta carrière de footballeur est compromise. Comment vois-tu ton avenir ?

M.M : Avec l’évolution positive de ma situation, je conserve un espoir de rejouer au football. Je ne sais pas ce que le Ciel me réserve et en même temps, je suis conscient que ça sera difficile. C’est un sujet qui énerve ma femme, mais je garde l’espoir. Mais dans le même temps, je me suis inscrit à l’université, pour préparer une éventuelle reconversion.

LDB : Quelle matières étudies-tu ?

M.M : Actuellement, je suis un programme de cours d’estonien afin d’améliorer mes compétences, car je le comprends et le parle moyennement. Ensuite, mes études en IT (Informations Technologiques) et computer programming (ndlr)programmations logicielles vont commencer. En anglais que je parle couramment.

LDB : Jusqu’à quel niveau as-tu fréquenté au Congo ?

M.M : Grâce à mes parents, je suis allé jusqu’au baccalauréat. Lors de ma première convocation pour intégrer le CNFF, j’ai refusé pour obtenir mon bac. C’est un bagage qui ouvre des portes lorsque la carrière se termine ou si elle s’arrête accidentellement. Donc, je demande à mes frères et à leurs familles de ne pas négliger l’école. Étudier ne veut pas dire renoncer à une carrière. Je veux aussi leur dire de ne pas partir à l’aventure, de ne pas suivre le premier beau-parleur qui leur promet monts et merveilles. Entourez-vous bien, murissez votre projet sportif, car une fois en Europe, ce n’est pas toujours aussi facile qu’on le croit. Et en cas d’échec, le retour est difficile, très difficile même.

LDB : On te sent apaisé, serein, malgré l’épreuve que tu traverses depuis maintenant deux ans. Aujourd’hui, es-tu un homme heureux ?

M.M : J’ai fini par accepter cette épreuve et je sais que je dois avancer avec. Il y a des jours où c’est dur, très dur, et d’autres jours, où l’optimisme l’emporte. Donc, j’essaye de garder le cap, de faire en sorte que le positif domine le négatif. Le jour où j’ai commencé ce combat, j’ai décidé d’en sortir victorieux.

 

Maxime Mboungou, milieu de terrain défensif, né le 14 octobre 1992

International Espoirs congolais

Saint-Michel de Ouenzé, 2010-2011

AC Léopards de Dolisie, 2011-2012

Tammeka Tartu juillet 2012-février 2014

Lokomotiv Johvi, février 2014-juin 2014

Camille Delourme

Légendes et crédits photo : 

Photo 1: Maxime Mboungou en séance de rééducation fonctionnelle, en début d'année (droits réservés) Photo 2: L'ancien milieu de terrain de l'AC Léopards avec son épouse Roos, qui le soutient depuis le début du combat contre la maladie (droits réservés) Photo 3: Arrivé en 2012 au Tammeka Tartu, l'ancien international U23, n'a pas perdu l'espoir de rejouer au foot (droits réservés)

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