Musique : Victor Malonga, combattant de la culture musicale

Vendredi 16 Octobre 2020 - 13:29

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Ne l’appelez pas Sergent-chef ou Monsieur le président, appelez-le simplement Victor ! Un homme humble et chaleureux qui a écrit sa vie comme on écrit une partition. Aujourd’hui, il enseigne sans fausse note et gratuitement la musique aux enfants.

Rien ne le prédestinait à la musique au quartier Ouenzé de Brazzaville ; un père cheminot, une maman qui chante malgré tout dans un groupe folklorique amateur. En classe, le jeune Victor a peu de passion pour l’école et c’est chez un tailleur, quelques ruelles plus loin, qu’il s’évade en s’initiant timidement à la guitare, jusqu’à ce qu’il intègre l’orchestre Echo Festivals comme guitariste. Il n’a alors que treize ans. Son jeune apprentissage de la musique lui vaut les reproches d’un père qui peine à lui payer ses études. Si cheminot est un métier, musicien n’en est pas un. A la poursuite de son rêve, Victor quitte le giron familial pour aller vivre chez son oncle, modeste travailleur au port, là-bas à Pointe Noire. Mais les temps sont aussi durs qu’à Brazzaville et les études aussi peu passionnantes au lycée Victor-Augagneur alors, malgré le manque d’argent,  l’apprenti musicien s’entête jusqu’à fabriquer sa propre guitare. Quelques morceaux de contreplaqué, des mécaniques en forme de clés d’ouvre-boîte de corneed beaf, des câbles de frein de bicyclette pour faire usage de cordes, ainsi va la vie d’artiste.

Sa vie de lycéen s’arrête en classe de seconde avant qu’il n’apprenne que quelques militaires cherchent un guitariste d’accompagnement pour créer un orchestre. Victor aux doigts agiles passe le cap avec succès mais l’orchestre piétine, les membres quittent la formation, faute d’argent et de moyen, jusqu’à ce que le chef Micky revienne comme un vainqueur du Cabinda avec tout le matériel pour faire de cette formation hier appauvrie un véritable orchestre, son nom : Etoumba !  Repéré par quelques gradés, le brillant guitariste est alors appelé à grossir les rangs de l’APN [Armée populaire nationale] pour intégrer la fanfare en tant que saxophoniste ! Cela n’est pas pour déplaire au jeune Victor, 20 ans à cette époque, qui a pour idole Manu Dibango.   Militaire le jour, il quitte son uniforme le soir tombé pour s’aguerrir au jazz chez un Français, Hervé Balland, tout y en apprenant le solfège. Sachant lire et écrire la musique, devenu virtuose de son instrument, il se voit attribuer par l’armée une bourse pour aller étudier au Conservatoire national de musique à Versailles. Et c’est comme une vie de château en cette année 1983, un éclat de chance. Il retournera en France treize années plus tard pour un second cursus dans ce même conservatoire qui lui vaudra d’être élevé au rang de chef de fanfare.

Mais, de retour à Pointe-Noire, Victor Malonga est amer, déçu de ne recevoir aucune proposition de grade supérieur, lui le simple sergent-chef, et pourtant le plus talentueux de la fanfare militaire. L’armée rechigne à offrir quelques galons à celui qui, fort de ce talent, écume le soir jusqu’à point d’heure tous les cabarets et autres salles de la place, joue dans tous les orchestres. Alors le fil finira par lâcher, le sergent-chef prendra sa retraite anticipée à l’âge de 45 ans.  

L’année 2013 sera pour ce multi-instrumentiste marquée par son plus beau souvenir à ce jour : sa rencontre avec son idole de toujours, l’immense et éternel Manu Dibango, pour interpréter ensemble, sur la scène du Mess mixte de Garnison à Pointe Noire, le célèbre tube «  Soul Makossa » de celui qu’on surnomme Papagroove.  Aujourd’hui, Victor Malonga souhaite partager sa passion de la musique dans les règles de l’art. Il est le président et le professeur principal de l’association A.S.E.M.E [Association musicale en milieu jeune] à l’Espace  Philippe-Chevrier. A la disposition des jeunes élèves : des harpes celtiques, flûtes traversières, saxophones, trombones, trompettes, hautbois, violons, violoncelles, pianos, guitares, basses, contrebasse, batteries, percussions…  Et c’est un vrai paradis où les cours sont dispensés entièrement gratuitement !

 

Philippe Edouard

Légendes et crédits photo : 

Victor Malonga

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