Numéro spécial Francophonie : Paix stratégique en Afrique francophoneSamedi 15 Novembre 2014 - 17:15 Les derniers événements au Burkina Faso ont une fois de plus révélé le statut d’acteur résiduel de l’OIF en matière de prévention et de résolution des crises politiques et conflits armés. L’Afrique compte une trentaine de pays membres de l’organisation, et c’est en son sein que se portent spécifiquement certaines préoccupations en matière d’instabilité sociopolitique Les pays africains membres de l’OIF devraient être en cela porteurs d’une réflexion stratégique originale, selon les projections de cette organisation en Afrique, les méthodes et ressources qu’elle mobilise à ses fins. Par-delà les déclarations officielles de convenance et la surveillance du déroulement des processus électoraux, il s’impose à ces pays mieux qu’à d’autres d’en redéfinir en permanence le sens du véritable engagement. Pléthore du champ institutionnel africain et incapacités de l’OIF En revenant au cas de figure du Burkina Faso, la comptabilité des institutions étatiques en charge immédiate des questions politiques, économiques et de sécurité est impressionnante. En ne citant – de façon non exhaustive – au niveau de la sous-région que la Cédéao, l’Uémoa, puis au niveau continental l’UA, les opérateurs transactionnels sont légion, assurant à l’aune de certaines de leurs limites un rôle dont une lecture critique de l’opérationnalité est ordinairement faite. L’efficacité en est donc rendue moindre, compte tenu des enjeux. Les nécessités en sont par ailleurs fort nombreuses en termes de définition opportune des buts, de mobilisation des ressources (formation des hommes, capacités technologiques et adossements financiers) et de mise en œuvre concrète des résolutions prises. Ce trop-plein institutionnel coexiste donc avec cette forme de vide de fait et de déploiement, dans laquelle la discrétion des capacités de l’OIF ne peut manquer de prêter à équivoque. L’organisation dispose des missions premières qui lui sont assignées dans les contraintes situationnelles (politiques et budgétaires) qui sont les siennes. Il revient aux pays africains d’en prendre acte de manière opportune dans le commerce des relations internationales et des urgences qui sont spécifiquement africaines. Conforter l’OIF dans sa vocation première, l’asseoir dans le véritable rôle d’exercice de ses compétences originelles, voilà qui sied le mieux plutôt que de faire l’expérience par moment navrante de certains de ses égarements. Géopolitique de la paix dans l’espace francophone en Afrique L’espace géopolitique de la Francophonie en Afrique est riche d’une diversité qui doit être exploitée : la hiérarchie institutionnelle prédominante faisant donc a priori peu de cas de l’OIF, il s’agit de s’orienter résolument vers d’autres voies, en vue d’une consolidation des valeurs humanistes francophones. Revisitant les textes fondateurs qui inspirent la création de l’OIF, les Africains doivent y trouver les raisons stimulantes d’un universalisme d’abord au niveau de l’Afrique, puis entre les pays d’Afrique. Il n’est point mystère des carences et incomplétudes, des situations ubuesques que sont les contraintes et nécessités des Africains eux-mêmes dans leur continent. Les Africains doivent développer à l’échelle de cet espace qui est aussi à construire en Afrique tout l’environnement nécessaire au mieux vivre ensemble. Voilà un puissant outil de diffusion et de vulgarisation des valeurs francophones, dont la portée de l’humanisme constitue un instrument efficace de promotion de la paix. Si l’OIF ne peut disposer de moyens d’affirmation d’une présence comparable à celle d’autres organisations éminemment politiques et de sécurité, elle doit construire en Afrique une géopolitique de la paix qui s’appuierait sur la transmission des valeurs philosophiques, éducatives, culturelles et artistiques propres à la Francophonie. Cette géopolitique de la paix est urgente, différente à bien d’égards de celle des canons. Car, faut-il le rappeler, les enjeux des confrontations en Afrique se situent sur le plan des idées. Plusieurs pays membres (de plein droit ou observateurs) de l’OIF ont fait et font encore l’objet des rigueurs des courants radicaux d’un islamisme barbare : l’Algérie, la Tunisie, l’Égypte, le Mali, et bien d’autres aux confins du Nigeria, comme le Cameroun, la RCA, le Tchad et le Niger. Sans sous-estimer une certaine efficacité des dispositions de sécurité prises par les États, il faut bien admettre que c’est avec des idées que l’on combat d’autres idées. Les pays francophones (et francophiles) d’Afrique ont l’obligation d’avoir une vision commune qui leur est spécifique. Elle promouvrait mieux les échanges en matière d’éducation et de formation, de mutualisation des savoirs et des connaissances, en vue d’une véritable émergence de ce qui n’existe pas suffisamment : une communauté de la Francophonie dynamique en Afrique. Germain-Hervé Mbia-Yebega est politologue, chercheur associé au Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité et à la Fondation Paul-Ango-Ela de géopolitique en Afrique centrale, administrateur de l’Alliance francophone Germain-Hervé Mbia-Yebega |