Pr Alain Deloche : « Les premières opérations à cœur ouvert sont un grand événement pour le Congo-Brazzaville »

Jeudi 31 Octobre 2013 - 10:15

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Fondée en 1988 par le chirurgien français Alain Deloche, La Chaîne de l'Espoir opère des petits malades cardiaques venus du monde entier. Chaque année, près de cinq mille vies sont ainsi sauvées grâce à des opérations en France ou localement. Le Pr Deloche vient d'arriver à Brazzaville et a présenté aux Dépêches de Brazzaville les contours de la mission chirurgicale qu'il va accomplir au Congo

Le Pr. Alain Deloche lors d'une consultation à Brazzaville (crédits Pascal Deloche/Chaine de l'espoir)

Les Dépêches de Brazzaville : Professeur Deloche, pouvez-vous nous présenter le travail que vous allez accomplir à Brazzaville ?


Alain Deloche : Les premières opérations à cœur ouvert sont un grand événement pour le Congo-Brazzaville. J'arrive avec une équipe expérimentée de douze personnes venue de Toulouse, avec différentes spécialités : infirmières, anesthésistes, réanimateurs, chirurgiens et techniciens. Les premières opérations auront lieu lundi dans la partie rénovée du centre hospitalier universitaire (CHU) de Brazzaville qui est formidable. Il y a du matériel sur place et nous emportons quelques équipements spécifiques pour la chirurgie à cœur ouvert. C'est un peu comme une opération militaire : nous sommes venus au Congo à plusieurs reprises pour vérifier avec les techniciens locaux que tout marche bien et aujourd'hui, c'est le jour J. Nous attendons cela depuis des années avec nos amis congolais et c'est le premier pas vers quelque chose de plus important.

LDB : Combien de temps allez-vous travailler à Brazzaville ?

AD : L'équipe de Toulouse arrive samedi. Nous allons rester une dizaine de jours et nous avons déjà programmé une prochaine mission. Cette mission est la phase 1 : nous voulons nous assurer que tout fonctionne et nous allons ensuite augmenter la cadence. Nous interviendrons plus de quatre fois au cours de l'année 2014 et nous enverrons une équipe italienne en février ou en mars.

LDB : Comment le suivi post-opératoire va-t-il se faire ?

AD : Les cardiologues locaux et les pédiatres, avec lesquels nous travaillons depuis plus de quinze ans, assureront le suivi. Les cas difficiles seront envoyés en France.

LDB : Comment le Congo peut-il combler son retard dans ce domaine ?

AD : La chance pour le Congo, c'est que les choses se sont simplifiées avec le progrès de la médecine et ce retard représente finalement un avantage. Nous allons donner une place importante à la formation des jeunes sur place, mais aussi les envoyer se former en France ou en Italie. J'aime la comparaison avec le football qui est un sport que j'affectionne  : il est mieux de former un jeune joueur de 17 ans qu'un ancien joueur de 35. En chirurgie cardiaque, c'est la même chose : il vaut mieux former des jeunes aux nouvelles technologies afin qu'ils acquièrent des automatismes. D'ailleurs, l'un des buts de ces missions est de se familiariser avec les soignants sur place afin de repérer des potentiels. Il faut compter environ deux ans de formation et il est important de bâtir une équipe, car la chirurgie cardiaque est un travail d'équipe. Mais à ma connaissance, il n'y a pas en France de chirurgien du cœur congolais formé ou en formation.

LDB : Combien d'enfants congolais avez-vous déjà pris en charge avec La Chaîne de l'Espoir ?

AD : Jusqu'à présent, la plupart des enfants venaient en France pour se faire opérer. L'idée aujourd'hui est d'opérer les enfants sur place. Nous avons opéré plus de six cents enfants depuis les années 1990. Il est très touchant pour moi de les revoir en consultation. Il y aura d'ailleurs une consultation samedi. Certaines petites filles sont maintenant des jeunes femmes, l'une d'elles est devenue anesthésiste. On voit que l'on a construit  : nous avons déjà formé un certain nombre de médecins congolais et nous allons continuer. Pour reprendre ma comparaison avec le football, ce genre de mission, c'est comme une équipe de sélection où il y a des Français, des Congolais et d'autres, et chaque enfant sauvé est un but marqué.

LDB : Vos projets à Brazzaville vont s'inscrire dans la durée. Pouvez-vous nous toucher deux mots du projet de « hub du cœur » que vous portez ?

AD : C'est le président de la République, Denis Sassou N'Guesso, qui a trouvé ce terme. Il s'agit d'un projet de centre hospitalier spécialisé dans les pathologies cardiaques : les malades viendront de toute la sous-région pour se faire soigner à Brazzaville. Ce projet, sur lequel nous travaillons main dans la main avec les autorités, est sur de bons rails. Les plans sont déjà prêts et le terrain trouvé sur la Colline des Dix-Sept.

Pour en savoir plus : http://www.chainedelespoir.org/

 

Propos recueillis par Rose-Marie Bouboutou

Légendes et crédits photo : 

Le Pr Alain Deloche lors d'une consultation à Brazzaville (crédit photo Pascal Deloche/Chaîne de l'Espoir).