Projet de loi sur les télécoms et TIC : une association des journalistes s’insurge contre les modifications du texte par l'Assemblée nationale

Samedi 12 Mai 2018 - 14:13

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La presse économique, regroupée au sein de l’organisation Toile d’araignée, est montée au créneau, le 11 mai, pour dénoncer une volonté du législateur de brader les intérêts de la République démocratique du Congo (RDC).

 

 

Le coordonateur de la Toile d’araignée, Jérôme Sekana, a relevé plusieurs points « aberrants » qui visent à mettre l’Etat congolais hors jeu dans un secteur pourtant très stratégique pour le pays. À l’origine, soutient-il, le projet de loi déposé par le ministère des Télécommunications et Nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) contenait de nombreuses dispositions intéressantes sur tous les aspects de l’exploitation de ce secteur. Selon lui, le document avait prévu de nombreux détails qui touchent particulièrement la dimension commerciale, la sécurité nationale, la souveraineté et la sûreté de l’Etat ainsi que le contrôle par l’Etat congolais du cyberespace et du trafic entrant et sortant. Le but du projet de loi, dans sa première version, était d’apporter des concepts de base adaptés à l’évolution de la technologie, évitant toute équivoque sur la compréhension des différents aspects des activités commerciales dans ce secteur.

Après le passage du texte à la commission de la chambre basse, le résultat est déconcertant, affirme-t-il. Dans sa substance, le projet sorti de la commission Mayo fait fi des détails sur la sûreté nationale, la souveraineté de l’Etat et la protection des infrastructures de base, renchérit-il. Jérôme Sekana estime que l’Etat perd en même temps les moyens de contrôler et de maîtriser les trafics entrant et sortant pour la sécurité de son cyberespace. L’autre caractéristique alarmante du projet (version commission Mayo), a-t-il poursuivi, est la suppression du monopole pour ouvrir le secteur aux investisseurs privés, fragilisant par la même occasion l’emprise de l’Etat sur un secteur vital pour sa sécurité en tant qu’Etat souverain dans un monde dominé par l’espionnage. Enfin, la troisième caractéristique du projet de loi (version commission Mayo) est la libéralisation des infrastructures de base comme les aéroports et les autoroutes de la communication. Au total, plus de cent soixante-dix articles ont été transformés ou simplement supprimés dans le projet présenté par la commission de l’Assemblée nationale, a fait savoir Jérôme Sekena.

"La souveraineté de la nation bradée"

Pour la Toile d’araignée, la mise hors jeu de l’opérateur public, la Société nationale des postes et télécommunications (SCPT), est une grave erreur. « La SCPT ne sait plus remplir sa mission. Les députés de la RDC ont bradé la souveraineté de la nation au profit des opérateurs privés ». Comme l’explique Jérôme Sekana, au nom de la Toile d’araignée, il n’est pas concevable de naviguer à contre-courant au moment où les grandes nations africaines, occidentales et asiatiques protègent leurs opérateurs publics. « En RDC, le projet de la commission Mayo empêche la SCPT de jouer son rôle d’opérateur public en vue d’assurer le service universel sur l’ensemble du territoire national et maintenir le contrôle, la sécurité et la souveraineté nationale ». Le pays n’a pas que des intérêts à défendre, comme le soutient l’objet du projet présenté par la commission Mayo, il a d’autres objectifs liés à la sauvegarde des intérêts de l’Etat, a martelé Jérôme Sekana, ajoutant: « Cela ne doit souffrir d’aucune confusion ».

Dans son inventaire sans appel, la Toile d’araignée relève un total de trois cent quatre-vingt-un articles truffés d’incohérence, d’équivoque et d’insuffisance. Dans le cadre des définitions, par exemple, elle parle de quatre-vingt-une définitions cacophoniques dans le projet de la commission, contre cent soixante-huit définitions sans équivoque dans le premier projet. Plusieurs articles du projet révisé accusent des faiblesses et devraient, à en croire Jérôme Sekana, être revus obligatoirement par le Sénat, à qui revient désormais le tour d'examiner et adopter ce projet de loi en seconde lecture. S’adressant directement aux sénateurs, il a rappelé la nécessité de clarifier le rôle de l’opérateur public ; de rétablir les quatre régimes d’exploitation distincts s’appliquant aux réseaux, services et activités ; de restaurer le régime de l’exploitant public comme dans d’autres pays ; d’exclure la licence des réseaux d’infrastructures de base du régime de concession pour préserver les moyens de contrôle de l’Etat sur le secteur ; de bloquer toute libéralisation désordonnée en matière de construction des stations d’atterrage et centres de transit international (tâches qui reviennent au seul opérateur public) ; etc.

En définitive, la Toile arrive à la conclusion de la nécessité pour le parlement « d’adopter purement et simplement le projet de loi sur les Télécoms et Tic en RDC dans sa première version élaborée par le gouvernement central ». Par ailleurs, elle se réserve le droit, en cas de nécessité, de mener la même démarche auprès du président de la République pour obtenir une seconde lecture de la loi si le parlement l’adopte en ces termes.

Laurent Essolomwa

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