Santé publique : l’hôpital Pierre Mobengo redonne de l'espoir aux femmes fistuleuses

Lundi 22 Juillet 2013 - 18:26

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Au Congo Brazzaville, les femmes victimes de la fistule obstétricale, meurtries par la maternité et rejetées par leurs proches, reprennent espoir et vie. Car la lutte contre la fistule demeure pour l'État et les organismes affiliés, un des grands axes du combat contre la mortalité maternelle

La stratégie nationale de lutte contre la fistule nécessite qu’une campagne soit menée tous les trois mois. Mais faute de moyens, elle peine à être effective. Sept centres de prise en charge de la fistule sont retenus à travers tout le pays dont quatre à Brazzaville et deux à Pointe-Noire.

À l’hôpital des armées Pierre Mobengo, un des centres de prise en charge de la fistule obstétricale dans la capitale, 57 femmes  fistuleuses ont été opérées depuis juillet 2013, avec un taux de guérison de 7/10 soit 70%, selon le docteur Jean Bertin Illoye, chef de département de gynécologie obstétrique. « Une fistule est une communication anormale entre l'appareil génital et l'appareil urinaire de la femme. Ainsi, les urines sont détournées de leur voie d'écoulement normal de miction et coulent en permanence par la voie génitale », selon les gynécologues obstétriciens. « La fistule intervient pendant l'accouchement. La femme a eu un temps de travail plus prolongé que normal ; l'enfant entraîne une compression au niveau de la vessie et la compression se traduit par la fistule obstétricale », expliquent-ils, avant d'ajouter que la fistule gynécologique survient également après une opération chirurgicale.

Selon le docteur, les effets sont souvent dévastateurs : le bébé meurt dans la plupart des cas et la femme souffre d'une incontinence chronique. Elle est incapable de contrôler l'écoulement de l'urine ou l'excrétion des matières fécales. « J'étais tombée enceinte dans un village au Sud du pays, très loin d'un centre de santé. Quand j'ai voulu accoucher, ma belle-famille a fait venir une accoucheuse. J'ai eu des contractions pendant de longues heures, mais le bébé n'est pas sorti. On a dû m’amener, presque mourante, au centre de santé. Le médecin m'a fait une césarienne, mais l'enfant était mort-né », se souvient Nélouma Louise, une femme à la trentaine révolue. Quelques heures après son opération, la jeune femme est tombée malade, victime d'une fistule obstétricale.

Selon une sage-femme, très engagée dans la lutte contre ce fléau, la fistule constitue réellement une tragédie à de nombreux égards. En plus de leurs lésions physiques, ces femmes en viennent souvent à connaître de graves problèmes sociaux dont le divorce. Elles sont rejetées par leurs maris, par leurs familles et par toute la société. Elles sont tenues à l'écart de toutes les activités. « J'étais comme une pestiférée à la maison. Personne ne voulait s'approcher de moi à cause de mes défécations et urines », témoigne Néloum Louise, en larmes. Et quand elle a appris que dans la capitale, il y avait un hôpital qui soigne la maladie dont elle souffre, elle s'est dit qu'elle avait « enfin une chance de retrouver sa valeur d'antan ».

Les femmes qui vivent dans les zones rurales où  dans les villages éloignés des centres de santé sont les plus exposées, à plus de 90%. Jeunes, pauvres et illettrées, elles ont un accès limité aux soins médicaux. Beaucoup d'entre elles n'ont pas recours aux services de traitement, soit parce qu'elles ne savent pas que la fistule peut être guérie, soit parce qu'elles ne peuvent pas honorer le coût de l'opération. « Dès la première consultation jusqu’à la sortie après l’opération le coût est estimé à 400.000 FCFA pour une fistuleuse.  Nous avons déjà opéré 57 patientes avec un taux de guérison de 70%. Cette semaine nous avons d’ailleurs deux cas à opérer », révèle le docteur Jean Bertin Illoye.

Trois semaines après l'ablation de la sonde, la patiente rentre chez elle, si elle est domiciliée dans la capitale. Dans le cas échéant, elle est gardée au Centre pendant la convalescence où son alimentation est assurée jusqu'à ce qu'elle rentre chez elle. « Nous leur conseillons la contraception soit de courte durée, soit de longue durée. La contraception proposée est souvent acceptée par les patientes, puisque la grossesse n'est pas la bienvenue avant quatre années », affirme la sage-femme évoluant à l’hôpital des Armées Pierre Mobengo.

Outre le financement des opérations des femmes fistuleuses, à Brazzaville, le FNUAP assure également un travail de réinsertion socioéconomique et psychologique des malades après leur guérison. Pour la réinsertion psychologique, des conseils et des accompagnements sont offerts pour permettre à la femme opérée de la fistule de se sentir restaurée après cette longue période de traumatisme. La réinsertion socioéconomique est de faire en sorte que la femme ne soit pas désorientée quand elle regagne son milieu d'origine sur le plan économique.

Fortuné Ibara