Terrorisme : le nord du Burkina Faso en passe d’échapper à l’Etat

Lundi 30 Avril 2018 - 17:00

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La région est en proie à des attaques djihadistes récurrentes depuis trois ans, selon des analystes, qui signalent des assassinats ciblés se multipliant sur le terrain, la fermeture de plus de deux cents écoles et d’un tribunal pour « raison de sécurité ».

Face à la situation qui prévaut dans la région, Kouliga Nikiema, responsable d’un parti d’opposition, l’Union pour le progrès et le changement, a réagi. « Après la fermeture des mairies, c’est autour des palais de justice. Avons-nous perdu le nord et le Sahel de notre pays ? », s’est-il interrogé.

Des témoins affirment que quelque vingt mille élèves et huit cents enseignants sont actuellement privés d’écoles alors qu’à la mi-avril, un enseignant avait été kidnappé. Et c’est parce qu’il « parlait français aux élèves » que ce dernier a été enlevé, selon le groupe Etat islamique dans le grand Sahara qui avait revendiqué son enlèvement.

La semaine dernière, les autorités burkinabè ont décidé de fermer le tribunal de Djibo, chef-lieu de la province du Soum, frontalière du Mali, parce que le personnel craignait déjà des représailles djihadistes. « La population de Djibo peut voir dans cette fermeture un abandon de l’Etat central (…). Il est évident que la souveraineté nationale est profondément ébranlée par cette fermeture », a déclaré Kouliga Nikiema.

Depuis mars 2015, le Burkina Faso est confronté à des attaques djihadistes alors que le pays était épargné par les groupes armés actifs dans le Sahel. Ces attaques fréquentes et meurtrières visant la partie nord ont déjà fait cent trente-trois morts dans la région, selon un bilan officiel. Hormis cette zone, trois attaques avaient frappé  Ouagadougou, la capitale du pays, en deux ans, dont la dernière date de mars. Des attaques qui ont fait au total près d’une soixantaine de morts.

« Que ce soit les enlèvements de fonctionnaires ou d’élus locaux, les assassinats ciblés, l’utilisation d’engins explosifs et les incursions de djihadistes dans les écoles, les marchés, tout porte à croire que la région du Sahel burkinabè est sérieusement menacée », a estimé Karamoko Traoré, expert en sécurité. « Malgré de nombreux efforts, le manque d’effectifs et de moyens militaires conséquents entraîne un risque grandissant de perdre cette région ou de la voir devenir un no man’s land », a-t-il relevé, ajoutant que « les forces de l’ordre paraissent impuissantes devant les combattants prêts à mourir ».

Sept départements touchés par des attaques terroristes

De son côté, Souleymane Ouédraogo, un analyste politique, a déploré les incursions djihadistes dans le nord du pays. « Sept des neuf départements de la province du Soum ont déjà été touchés par des attaques terroristes, contraignant la population de ces localités à s’enfuir », a-t-il noté.

Pour cet activiste, quatorze mille à quinze mille personnes ont déjà quitté le nord du Burkina Faso du fait des attaques terroristes, mais la Croix-Rouge estime qu’il y a plus de cinq mille déplacés. « Les villages se vident peu à peu et ceux qui y restent sont constamment menacés par les combattants d’Ansarul Islam, qui font la navette entre le pays et le Mali », a-t-il indiqué.  

Ce groupe islamiste, fondé par le Burkinabè Malam Dicko, a revendiqué plusieurs attaques, dont celle qui avait tué douze soldats en décembre 2016, conduisant les Etats-Unis à placer ce groupe sur sa liste noire « terroriste », depuis fin février.

Les autorités burkinabè sont en voie de perdre le contrôle du nord de leur pays, alors que l’année dernière, le ministre de la Défense, Jean Claude Bouda, avait promis que « le Burkina ne cèdera pas un centimètre de son territoire. On va se défendre bec et ongles pour sauver notre pays », avait-il insisté, alors que l’armée loyaliste venait de reprendre l’ascendant sur les djihadistes, grâce aux opérations militaires conjointes menées avec le Mali et la force française Barkhane.

Pour tenter de rassurer la population, le gouvernement a promis, la semaine dernière, de « mobiliser plus de ressources pour renforcer la sécurité et permettre la réouverture progressive des écoles fermées dans la région ». Une annonce qui donne espoir aux déplacés impatients de regagner leurs localités et qui attendent que le gouvernement concrétise son programme d’urgence sur trois ans, doté de quatre cent quarante-cinq milliards de F CFA, lancé en 2017 pour améliorer la sécurité, l’éducation, la santé et l’approvisionnement en eau potable dans la région du Sahel.

 

 

 

 

Nestor N'Gampoula

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