Interview. Brenda Ndengue : « La conservation ne peut se faire sans le concours des communautés locales »

Samedi 28 Octobre 2023 - 13:00

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Aimable et accueillante, Brenda Ndengue, représentante pays de la Fondation Odzala-Kokoua-Lossi (Folk), facilite la collaboration entre la République du Congo et l’ONG sud-africaine, African Parks Network (APN), dans le cadre de la conservation et la protection de la biodiversité du Parc national d’Odzala-Kokoua (PNOK) et du sanctuaire de gorilles de Lossi (SGL). Un travail qu’elle fait avec beaucoup de plaisir. Brenda nous parle des difficultés auxquelles elle est confrontée et aussi des petites victoires au quotidien dans l’exercice de son travail.  

Les Depêches du Bassin du Congo (L.D.B.C.) : Érigé au rang de patrimoine mondial de l’Unesco le 16 septembre dernier à Ryad, en Arabie Saoudite, le massif forestier d’Odzala-Kokoua en sigle MFOK est devenu la fierté du peuple congolais. Pouvez-vous nous en dire un peu plus?

Brenda Ndengue (B.N.) : Le MFOK représente une grande fierté car nos efforts, associés à ceux  de l’Etat congolais et de son partenaire African Parks Network en matière de conservation et de protection de la biodiversité du Parc national d’Odzala-Kokoua,  ont été récompensés. Cette aire protégée conjugue à la fois la conservation de la nature, le développement économique (écotourisme) et le bien-être des communautés locales. Le PNOK est la plus vieille aire protégée du Congo et aussi la plus vaste de par sa superficie. Situé à cheval entre les départements de la Cuvette-Ouest et de la Sangha, le PNOK a une superficie de 13 546 km2, et est l’une des plus importantes aires protégées de la sous-région et du pays. De plus, le PNOK a été désigné réserve de biosphère en 1977, lui conférant le caractère unique de site mondial pour la biodiversité par sa richesse naturelle et les espèces rares qui y cohabitent. 

L.D.B.C. : Quel est votre rôle au sein  de cette structure ? 

B.N. : Tout d’abord, il est important de signifier que la Folk est le fruit du partenariat public privé (PPP) entre l’Etat congolais et l’ONG sud-africaine l’APN pour la gestion du PNOK et du SGL. Mon rôle principal au sein de la Folk est d’assurer la bonne mise en œuvre de ce partenariat dans lequel APN apporte un appui technique, et se charge de la recherche des financements, puis assure aux côtés de l’Etat congolais à travers le ministère de l’Economie forestière, la conservation et la protection de ces deux aires protégées que sont le PNOK et le SGL. Je crée une espèce de pont entre les deux partenaires afin de faciliter la collaboration entre toutes les parties prenantes. Cela implique beaucoup travail dans la communication, dans la gestion de relations, dans la gestion de l’image, et aussi dans la sensibilisation et la vulgarisation du PNOK et du SGL afin que les Congolais s’en approprient.

L.D.B.C. : Justement en parlant d’appropriation, est ce que le Congolais moyen peut avoir accès à ces aires protégées et à quel prix?

B.N. : Déjà il faut rappeler qu’au-delà de l’aspect touristique, notre objectif premier est avant tout de faire savoir aux Congolais et surtout à la population locale, l’importance de la conservation et la protection de ces aires protégées. Sinon l’accès au parc est quasiment gratuit, il est à 3000 francs CFA par jour pour les nationaux, 10.000 pour les résidents non congolais, et 20000 pour les visiteurs étrangers, et ces recettes sont reversées au fonds de développement local pour les populations autochtones, mais il est clair que si vous souhaitez y séjourner, il y aura un coût, vous pouvez toutefois vous rapprocher de nous pour vos réservations ou pour tout renseignement. Cependant, le problème fondamental reste celui de l’accessibilité au parc, au vu des infrastructures routières et aériennes qui demeurent quasi inexistantes. Mais je puis vous assurer que L’Etat congolais et le président de la République, qui est un fervent disciple de l’Afrique verte, travaillent activement afin de mettre en œuvre les infrastructures nécessaires pour rendre accessible à tous ce précieux site.

L.D.B.C. : Quelles sont les difficultés que vous rencontrez au quotidien ? 

B.N. : La difficulté la plus grande réside dans la compréhension des communautés riveraines à l’égard de nos activités et de leur importance pour leur propre bénéfice. Un travail de sensibilisation doit donc se faire de façon régulière et continue, car la conservation ne peut se faire sans le concours des communautés locales. Aujourd’hui, le MFOK érigé au rang de patrimoine mondial de l’Unesco signifie qu’en plus d’être une propriété nationale, elle est devenue une richesse internationale et les yeux sont rivés sur ce site du bassin du Congo qui représente le deuxième poumon écologique de la planète. Notre devoir est de faire comprendre à la population locale qu’elle a entre ses mains un trésor qu’il faut chérir et protéger, et surtout garder intact. Du coup, nous travaillons activement à détourner les communautés de la pratique d’activités illicites allant à l’encontre de la conservation de cette biodiversité. Avec le concours de nos experts en développement communautaire, nous accompagnons et appuyons les populations riveraines dans la mise en œuvre de certains projets en accord avec la conservation, tels que l’apiculture, l’agriculture, la transformation de produits locaux, etc. Mais le vrai combat reste celui de la lutte anti-braconnage et du conflit homme-faune. Quand par exemple des éléphants dévastent les cultures des communautés locales, il nous faut procéder à des compensations en attendant que l’Etat ne réagisse, en sachant bien que la FOKL ne dispose pas réellement d’un budget pour couvrir de telles dépenses. Donc avec les communautés et nos experts en matière de conflit homme-faune, nous trouvons des solutions pour pallier ces difficultés, en mettant en œuvre des projets financés par des bailleurs afin de limiter au maximum les conflits. Par exemple, nous travaillons actuellement sur un projet de clôture électrique qui consiste à entourer une zone agricole protégée et envoyer une petite décharge pour repousser les éléphants afin de les garder loin des cultures, et le tout sans aucun risque ou répercussion sur les éléphants.

Propos recueillis par Berna Marty

Légendes et crédits photo : 

Brenda Ndengue/DR

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