Débat sur la révision de la Constitution : les acteurs politiques de toutes obédiences s'expriment sans détour

Mercredi 2 Avril 2014 - 19:29

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La boîte de pandore a été ouverte à Dolisie, dans le Niari, lors de la récente tournée du président de la République dans cette partie du pays. Les sages et cadres de ce département, par la voix du président de l’Assemblée nationale, Justin Koumba, et celle du ministre de la Réforme foncière, Pierre Mabiala, tous deux natifs du Niari, avaient appelé le chef de l’État à la modification de la Constitution du 20 janvier 2002. Nous vous proposons les réactions de quelques hommes politiques à ce sujet

Nicéphore Fylla de Saint-Eudes, président du Parti républicain et libéral (PRL). Lors de sa rencontre avec les militants de l’arrondissement 6, Talangaï, le 29 mars, le président du PRL a indiqué qu’il épousait l’idée de la révision de la Constitution à condition, a-t-il souligné, de conserver les articles de la loi fondamentale portant sur la limitation du nombre de mandats du président de la République ainsi que sur l’intégrité de l’Etat.

Armand Mpourou, président de la Dynamique pour le développement du Congo (DDC). La révision de la Constitution n’est pas opportune pour l’heure. La loi fondamentale peut être revue après 2016. La paix obtenue difficilement après les conflits armés que le Congo a connus ne doit pas être vendue moins cher à travers la révision de la loi fondamentale, qui pourrait apporter des troubles sociaux.

Guy Romain Kinfoussia, président de l’Union pour la démocratie et la République-Mwinda (UDR-Mwinda). La Constitution du 20 janvier 2002 est révisable, sauf les articles limitant le nombre de mandats du chef de l’État, l’âge pour être candidat à l'élection présidentielle et l’intégrité de l’État. Les autres arguments ne sont que des élucubrations des hommes politiques.

Mathias Dzon, président de l’Union patriotique pour le renouveau national (UPRN). Lors de l’assemblée générale de la fédération de Brazzaville de son organisation politique, le 2 novembre 2013, Mathias Dzon a déclaré : « La Constitution actuelle a été taillée sur mesure par le président de la République, Denis Sassou N’Guesso. Elle lui accorde tous les pouvoirs et elle ne l’empêche nullement d’exercer ses fonctions jusqu’à la fin de son deuxième mandat, en 2016. En effet, l’article 185, alinéa 3 de la Constitution dispose qu’elle ne peut pas être révisée sur le nombre de mandats du président de la République, plafonné à deux. De ce fait, le nombre de mandats du chef de l’État ne peut être modifié. La Constitution ne peut être changée, car la loi fondamentale actuelle ne prévoit aucun dispositif relatif à un référendum d’initiative populaire. »

Pascal Tsaty Mabiala, premier secrétaire de l’Union panafricaine pour la démocratie sociale (UPADS). Ce débat est né depuis déjà quelques mois. Il a été porté sur la place publique intelligemment par la majorité présidentielle. Nous avons réagi à ce sujet et avons dit qu’on ne peut pas réviser la Constitution. Au plan du droit, le président de la République peut soumettre à l’Assemblée nationale et au référendum populaire un projet de révision constitutionnelle à l’exception notable de l’article 57 limitant le nombre de mandats à deux, et de l’article 185 qui verrouille cette disposition. Chaque Constitution depuis celle de 1961 a été toujours marquée par le président en exercice. Tous les présidents qui sont passés à la tête de notre pays avaient élaboré leur Constitution selon la forme qu’ils voulaient donner à l’État. C’est en 1992 que notre pays a eu, pour la première fois, une Constitution impersonnelle.

Pour ce qui est de la loi fondamentale actuelle, elle ne peut pas être révisée parce qu’il y a des dispositions qui sont gravées dans le marbre qu’on ne peut pas changer, notamment sur la limitation du nombre de mandats du président de la République et l’âge pour être candidat à la magistrature suprême. Le débat se pose maintenant sur le changement de la Constitution et non sur la révision. Car juridiquement, il n’y a pas de cas de force majeure politique qui peut justifier le changement de la Constitution. Le président aurait pu, au début de son deuxième mandat, essayer de toiletter la Constitution pour la postérité. Au plan du droit, rien n’interdit de soumettre au référendum une Constitution. Cependant, le président de la République ne peut plus le faire parce qu’il est en fin de mandat. Chaque fois qu’il y a eu changement de Constitution, il y a eu un évènement majeur dans le pays. Aujourd’hui, le pays fonctionne normalement, les institutions sont stables, la paix est revenue, donc il n’y a aucune opportunité politique pour changer la Constitution. Les réformes qui peuvent intervenir dans les différents textes et règlements qui régissent les institutions et les administrations publiques ne peuvent commander le changement de la Constitution.

Clément Miérassa, président du Parti social-démocrate congolais (PSDC). La majorité présidentielle a lancé non pas un appel à la révision, mais au changement de la constitution. Je pense qu’on ne devrait pas avoir ce débat parce que nous devons appliquer la loi fondamentale. Elle est claire : le président de la République exerce son deuxième et dernier mandat. Si nous parlons de révision, la loi fondamentale a prévu des dispositions et des procédures de révision relevant de la compétence du président de la République. Le changement de la Constitution est un non-débat. En 2016, il y aura des élections présidentielles et les Congolais choisiront un autre compatriote pour la présidence. La Charte africaine de la démocratie et des élections, adoptée au cours du mandat du président Denis Sassou N’Guesso  à l’Union africaine, interdit d’amender ou de réviser la Constitution lorsqu’elle porte atteinte à l’alternance démocratique. C’est un débat que la majorité présidentielle mène, mais qui, à mon avis, n’a pas sa place.

Les cadres du Niari. Dans une déclaration rendue publique le 29 mars dernier, ils ont rappelé le bien-fondé du programme de contact du président de la République avec les populations de l’hinterland pour lui permettre de toucher du doigt les réalités sociales, politiques et économiques vécues par les populations. Les cadres et natifs constatent malheureusement qu’au lieu d’être une occasion d’échanges positifs sur la base des intérêts de la population, cette visite a été utilisée pour obtenir une adhésion fictive au projet de perpétuation d’un système politique fondé sur l’hégémonie politique […]. Nous, cadres, sages et autres natifs du Niari, demandons au président de la République d’observer les dispositions de la Constitution du 20 janvier 2002 à l’effet de préserver la paix et la stabilité des institutions dans notre pays.

Josiane Mambou Loukoula

Légendes et crédits photo : 

Photo 1: Armand Mpourou. Photo 2 : Clément Miérassa. Photo 3 : Pascal Tsaty Mabiala. (© DR)