Atelier lumineux : cent-vingt œufs cassés pour symboliser le préjudice à la vie

Jeudi 25 Septembre 2014 - 19:27

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Cible de la centaine de projectiles constitués de coquilles brunes, Aïcha Muteba, le corps couvert de blanc et de jaune, réalisait sa performance à partir de l’ancien emplacement du célèbre Marché Rail de Lingwala détruit, désormais un terrain vague, en plaidoyer pour la conservation de la vie. 

Les mains chargées de quatre plateaux d’œufs, il s’était présenté quelques instants plus tôt habillé d’un jean et d’une marinière blanche à rayures rouges. Dévêtu aussitôt après avoir déposé les plateaux sur une table disposée là pour la circonstance, l’artiste avait lui-même donné le ton en cassant les premiers œufs sur son torse. Puis, à son exemple, quelques-uns des artistes présents se sont plu à le cribler de projectiles. Sans chercher à se dérober à ce supplice, il arrivait quelques fois qu’Aïcha traduise la douleur causée par un jet un peu trop puissant par une crispation ou un geste protecteur de la main. Le scénario a duré quelques minutes sous les regards interrogateurs de la foule qui entourait le performer et ses « agresseurs » jusqu’à l’entrée de  l’Académie des beaux-arts (ABA).

Objet de grande curiosité, le performer Aïcha Muteba a troublé la circulation, le temps de passer du terrain vague samedi après-midi à l’ABA. Pour la population environnante mais aussi les passants ainsi que les chauffeurs et passagers des véhicules empruntant l’avenue de la Libération (ex-24 Novembre) à ce moment précis, le spectacle était insolite. Bien curieux leur a semblé ce personnage dégoulinant de blanc et de jaune d’œufs de la tête aux pieds. Alors qu’il était encore la cible des coquilles d’œufs, ces projectiles lancés avec énergie, pieds nus et à peine vêtu d’un boxer, il marchait droit devant lui sans s’inquiéter de la circulation. L’assistance constituée en majeure partie de badauds gardait ses yeux sur la scène à portée de vue, assistant là à la revendication du devoir de l’État de veiller à « La conservation de la vie ». C’est du reste de la sorte qu’Aïcha avait intitulé sa performance du 20 septembre réalisée dans le cadre d’un projet en cours dont la restitution est prévue à Londres en septembre 2015.

Aïcha Muteba a tenu Les Dépêches de Brazzaville de considérer sa performance comme une revendication de portée politique mais aussi un appel à protéger son environnement de vie. En effet, il s’est dit outré, comme bon nombre d’habitants de la commune de Lingwala, par la destruction du marché susmentionné. D’un air un peu fâché, il a expliqué son désappointement ainsi  : « À l’époque, il y avait un marché à l’endroit où a commencé la performance. L’on y vendait des légumes et d’autres denrées alimentaires qui aidaient à la survie au quotidien des gens aux alentours. Parmi les nombreux articles en vente, il y avait aussi les œufs que j’ai choisis pour illustrer mon plaidoyer. Ils symbolisent les aliments qui contribuaient à la conservation de la vie, les casser équivaut à détruire la vie comme l’ont fait les hommes en costume venus détruire le marché. Les vendeuses assuraient leur survie à travers leur commerce et les clients avec l’achat des produits en vente ».

L’artiste dit ne pas trop bien comprendre les motivations de l’autorité qui avait décidé de la destruction du marché laissant là un terrain vague. « L’on avait prétexté la réhabilitation de la voie ferrée mais il n’en est toujours rien. Et rien n’a été prévu en remplacement du vide créé, c’est inadmissible ! », a-t-il dit.

Nioni Masela

Légendes et crédits photo : 

Photo : Aïcha Muteba en pleine performance