Ethiopie : Addis-Abeba veut en découdre avec les rebelles avant les pourparlers de paix

Jeudi 20 Octobre 2022 - 12:45

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L’espoir sur la tenue d’un dialogue entre le gouvernement fédéral et les rebelles du Tigré s’amenuise au fil des jours. La raison fondamentale de cet éventuel échec se trouve dans la position affichée par Addis-Abeba. Ses autorités ont répété cette semaine être disposées à des négociations de paix acceptées par les Tigréens tout en disant vouloir poursuivre des opérations militaires pour prendre le contrôle de sites fédéraux dans la région du Nord du pays, au lendemain d’un appel de l’Union africaine (UA) à y cesser « immédiatement » les hostilités.

Pour tout prétexte avancé afin de poursuivre les combats, le gouvernement s’est dit « contraint de prendre des mesures défensives pour protéger la souveraineté et l’intégrité territoriale du pays » face « aux attaques répétées » des autorités rebelles du Tigré, en « collusion active » avec des « puissances étrangères hostiles ». « Il est donc impératif que le gouvernement d’Ethiopie prenne le contrôle immédiat de tous les aéroports, autres infrastructures fédérales et installations dans la région » du Tigré, indique un communiqué de l’exécutif. Et « tout en poursuivant ces objectifs », le gouvernement se dit « déterminé à une résolution pacifique du conflit via les pourparlers de paix sous l’égide de l’UA », a-t-on précisé.

Sans attendre longtemps, les troupes loyalistes se sont emparées de trois villes du Tigré, région septentrionale d’Ethiopie en proie à un conflit meurtrier : la localité-clé de Shire disposant d’un aéroport et qui comptait 100 000 habitants avant le conflit – puis celles d’Alamata et de Korem, ayant chacune 70 000 et 35 000 habitants. Après des opérations militaires, les autorités éthiopiennes ont assuré se préparer à fournir de l’aide humanitaire dans les zones du Tigré passées sous leur contrôle, notamment via l’aéroport de Shire, et travailler au rétablissement des services essentiels (électricité, télécoms...) dont est privée la région.

L’organisation continentale, l'Union européenne et les Etats-Unis, entre autres, se sont inquiétés de l’intensification des offensives au Tigré, notamment au sujet de Shire, qui a été la cible de plusieurs jours de bombardements. Si l’armée fédérale dit avoir pris des « précautions maximales » pour protéger les civils et éviter « le sinistre scénario prédit par certains », le nouveau Haut-Commissaire de l’Organisation des Nations unies aux droits de l’Homme, Volker Türk, dénonce un bilan « profondément stupéfiant » chez les civils victimes des frappes aériennes et tirs d’artillerie au Tigré.

Le monde et les médias appelés à porter une attention particulière au conflit

Human rights watch (HRW) a aussi réagi en appelant à des sanctions ciblées et un embargo sur les armes face aux risques accrus que fait courir aux civils de la région éthiopienne rebelle l’actuelle offensive des forces gouvernementales et érythréennes. « La souffrance des civils en Ethiopie doit cesser d’être tolérée par opportunisme politique », a insisté HRW dans un communiqué, demandant aux Etats-Unis, à l’Union européenne et à l'Organisation des Nations unies de prendre les mesures qui s’imposent pour mettre fin à ce conflit.

Le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé, Tedros Adhanom Ghebreyesus, originaire du Tigré, a joint également sa voix à celles d’autres personnalités. « Le monde ne prête pas assez attention » à ce conflit, a-t-il fait remarquer lors d’un point de presse à Genève. Et exhortant « la communauté internationale et les médias à porter à cette crise toute l’attention qu’elle mérite », il a mis en garde contre l’existence d’« une fenêtre très étroite pour éviter un génocide » dans cette région du Nord de l’Ethiopie soumise à un siège des forces fédérales depuis deux ans.

Le règlement pacifique du conflit au Tigré a peu de chance de se réaliser d’autant que des appels à faire cesser les hostilités ne sont toujours pas respectés par les belligérants. En témoignent les efforts consentis par l’émissaire américain pour la Corne de l’Afrique, Mike Hammer, qui a une nouvelle fois rencontré à Addis-Abeba les dirigeants éthiopiens dont le vice-Premier ministre Demeke Mekonnen. Dans la même optique, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, l’Australie, le Danemark et la Hollande, pour ne citer que ces pays, n’ont eu de cesse d’exhorter en vain rebelles et pouvoir à entamer des pourparlers de paix sous l’égide de l’UA, et d’appeler l’Erythrée à retirer ses troupes de la zone.

Le conflit, qui oppose depuis deux ans le gouvernement fédéral du Premier ministre Abiy Ahmed et ses alliés aux autorités rebelles du Tigré, se déroule quasiment à huis clos, le Nord de l’Ethiopie étant largement interdit aux journalistes. Et selon des sources concordantes, le Tigré est actuellement pris en tenaille entre, au Nord, une offensive conjointe des armées éthiopiennes et érythréennes depuis l’Erythrée, et au Sud les troupes éthiopiennes aidées des forces des régions voisines de l’Amhara et de l’Afar.

 

 

Nestor N'Gampoula

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