Félix Ibara : "Une société sans poésie est comme un arbre sans racines"

Mercredi 15 Avril 2015 - 12:30

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La 17ème édition du Printemps des poètes a été célébrée sur le thème ‘’Insurrection poétique’’ en France dans la foulée même de la Journée mondiale de la poésie. Félix IBARA, poète congolais, Médaille d’Honneur de la Francophonie, jette son regard sur la place qu'occupe la poésie dans la société actuelle. Interview.

Les Dépêches de Brazzaville : Quel sens donnez-vous à la Journée internationale de la poésie ?

Félix IBARA : L’objectif de cette journée est d’encourager la lecture, la rédaction, la publication et l’enseignement de la poésie dans le monde entier. Il s’agit de même pour cette journée de donner une reconnaissance et une impulsion nouvelles aux mouvements poétiques nationaux, régionaux et internationaux. À l’heure où la poésie est en pleine expansion, cette journée sert de cadre aux actions et aux efforts réalisés à différents niveaux pour soutenir la poésie. La place de la poésie est considérable d’autant plus que celle-ci s’illustre comme une prédication des valeurs humaines, telles que l’amour, la liberté, la paix, la démocratie, la tradition. La poésie, comme la philosophie sont les lumières du monde et ses civilisations. Une société sans poésie est  comme un arbre sans racines. Cette société ne tiendra que par l’illusion de son identité précaire.

LDB : Cette année en France, Le Printemps des poètes a été célébré sous le thème de l'Insurrection poétique. Que représente pour vous l’engagement dans la poésie ?

F. I : Toute poésie est une démarche de l’engagement. Même un poème d’amour est un engagement pour une cause. Souvent les lecteurs considèrent, à tort, que le terme engagement est exclusivement lié au service de la politique. L’amour est un engagement comme le patriotisme l’est. Un poète est par essence une lumière qui s’engage contre les ténèbres. Quand le poète écrit, il s’engage pour une cause qui puisse être au service de l’homme, au service de l’humanité.

LDB : Pourquoi de nombreux écrivains éprouvent-ils des difficultés à publier la poésie ?

Félix IBARA : En effet, il se dégage dans ce débat une certitude : la poésie se publie de moins en moins au profit du genre romanesque, de l’essai ou du théâtre. C’est pour des raisons pécuniaires que le roman est devenu l’eldorado de l’écriture, tant il se vend mieux, et je dirais très bien même dans les sociétés occidentales. Peu d’éditeurs sur la place française sont restés fidèles à leur vocation de publication de la poésie .

Il y a aussi, d’une part, le mercantilisme des éditeurs qui se ruent sur la publication d’autres genres plus lucratifs, au détriment de la poésie, mais, d’autre part, il se pose avec acuité le problème de qualité de produit que proposent certains poètes. La poésie, il ne faut pas l’oublier, est un genre qui répond à des normes bien précises. La majorité des usagers conduisent sans permis de conduire. Un travail poétique parfaitement élaboré, selon les normes de l’art poétique trouve toujours un éditeur.

LDB : Pourquoi la poésie est-elle mal comprise en milieu scolaire ?

F.I : Si la poésie perd de plus en plus du terrain en milieu scolaire, cela est de la responsabilité des systèmes éducatifs des gouvernements. Souvenez-vous qu’à l’époque l’enseignement colonial valorisait la poésie. La poésie occupait une place de choix dans les programmes scolaires depuis l’école primaire.

L’intérêt et la valorisation de la poésie passent par une prise de conscience initiatrice des réformes. Prenez le cas du Sénégal, voilà l’unique pays africain ou la poésie est restée florissante, parce que la volonté politique initiée depuis Léopold Sédar Senghor a propulsé la dynamique. La poésie y fait son chemin. Aujourd’hui au Sénégal, un poète peut publier un stock de 2000 exemplaires de son recueil de poésie, et voir au bout d’un mois le stock épuisé en librairie. Pourquoi ? tout simplement parce que les lecteurs ont été formatés à ce genre.

LDB : Quelles sont les thématiques courantes de la poésie africaine ?

F. I : Depuis les années 30 la thématique de cette poésie s’est construite autour d’un chant qui met en exergue la tradition, la révisitation des origines, l’amour, la patrie, l’injustice, la révolution, la liberté, la fraternité, etc. De plus en plus la nouvelle génération d’artistes africains emprunte aux sources de l’incomparable mélodie traditionnelle. Je peux citer le cas des Bana Moye, Vocal Bantu, Kiburikiri chez les Bémbés, et bien d’autres.

LDB : Quelle est l’importance de la poésie dans la société ?

F.I : poésie désigne un genre littéraire antique très ancien aux formes diverses dans lequel l’importance dominante était avant tout liée à la forme ; forme qui au fil des siècles s’est vue libéralisée avec le mouvement du symbolisme, du dadaïsme et du surréalisme. La poésie est cet art du langage dont l’usager est le poète.  Par le recours aux vers, le poète chante à travers des images, des symboles, des mots et des rythmiques particulières à chaque auteur et à chaque culture. La poésie n’a pas été la même à chaque époque. Elle a évolué d’une civilisation à une autre, et d’un espace géographique à un autre. Elle œuvre à l’évolution des idées et des sensibilités idéologiques, en abordant les grandes questions que se posent les hommes dans le but d’analyser la condition humaine. Le poète se donne un pouvoir d’invention et de création verbale en exploitant toutes les ressources de la langue. La fonction du poète est de recréer le monde, les valeurs d’éthique et de souveraineté des peuples.

 

Hermione Désirée Ngoma