Goma : que cherche le Rwanda dans l'Est de la RDC ?

Jeudi 30 Janvier 2025 - 17:02

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Le M23, groupe armé antigouvernemental, et l'armée rwandaise, son alliée, contrôlent désormais la quasi-totalité de Goma, cœur économique d'une région riche en minerais. Selon des analystes, l’objectif est à la fois économique et sécuritaire. Explications.

 

Pourquoi l'armée rwandaise et le M23 ont-ils pris Goma ?

Le président rwandais, Paul Kagame, affirme que sa priorité pour l'Est de la République démocratique du Congo (RDC) est de détruire les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR). Ce groupe armé, créé par d'anciens responsables hutu du génocide des Tutsis au Rwanda en 1994, est installé dans l'Est de la RDC, ce que Kigali considère comme une menace permanente.

Beaucoup d'analystes considèrent cependant que le Rwanda est plus intéressé dans cette région par les riches ressources naturelles, notamment le tantale et l'étain, massivement utilisés dans les batteries et les équipements électroniques, ainsi que l'or. "Il y a une volonté de contrôler les ressources de l'Est du Congo", estime Thierry Vircoulon, de l'Institut français des relations internationales (Ifri), pour qui la menace des FDLR est un prétexte depuis 20 ans.

Mais Bram Verelst, de l'Institut d'études de sécurité (ISS) basé en Afrique du Sud, affirme que le monde devrait prendre au sérieux les inquiétudes du Rwanda, ou du moins comprendre le contexte qui les nourrit. "L'État rwandais a été bâti après le génocide de 1994. Il est extrêmement sensible à ce qu'il perçoit comme une idéologie génocidaire, ou toute autre forme d'opposition", explique-t-il.

Le génocide au Rwanda a fait plus de 800 000 morts en quelques mois, avant l'arrivée à Kigali de la rébellion tutsi menée par Paul Kagame, qui occupe depuis la Présidence. "La façon dont le Rwanda perçoit les FDLR comme une menace existentielle va au-delà des véritables capacités militaires du groupe", ajoute Bram Verelst, soulignant la dynamique profonde du conflit : "Beaucoup de ce qui se passe maintenant est le résultat de cette poursuite mutuelle d'une approche militaire qui mène à toujours plus d'escalade."

Le M23 peut-il tenir Goma ?

Le M23, né en 2012, a brièvement occupé Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu, à la fin de la même année, avant d'être vaincu militairement l'année suivante sur fond de divisions. Estimé à 3 000 hommes, le groupe a opéré une spectaculaire résurgence depuis la fin 2021. "Cette fois-ci, il est moins probable de voir une division parce que les Forces rwandaises de défense (l'armée rwandaise) sont plus profondément impliquées", affirme un analyste de Janes, une société d'intelligence spécialisée dans la défense, qui ne souhaite pas être nommée.

Le M23 est déterminé à montrer qu'il peut gouverner de manière efficace, ajoute-t-il. "Ils passent beaucoup de temps dans leur propagande à critiquer la mauvaise gouvernance et la corruption du gouvernement congolais", précise-t-il. De son côté, Thierry Vircoulon est sceptique quant aux chances du groupe. "Le M23, ce n'est pas beaucoup de combattants, dans le fond. Ça va être très compliqué de tenir une ville de plus d'un million d'habitants", juge-t-il.

Avec ce "coup de pression", le Rwanda veut forcer la RDC à entrer en négociations avec le M23, ce que le gouvernement congolais a toujours refusé, affirme Thierry Vircoulon."Tant que Kinshasa va rester sur cette position, Kagame ne bougera pas non plus. Et donc, on risque d'avoir une impasse qui dure", décrypte l'expert.

Le M23 ira-t-il plus loin ?

Des sources locales ont indiqué mercredi soir que le M23 a avancé sur un nouveau front en s'emparant de deux localités dans la province voisine du Sud-Kivu, sans combattre.

Pour l'ambassadeur itinérant du Rwanda pour la région des Grands Lacs, Vincent Karega, le M23 va continuer d'avancer bien au-delà de Goma, et peut-être même aller jusqu'à Kinshasa, à l'autre bout du pays. "C'est possible parce que toutes les forces (de la RDC) et les capacités militaires étaient concentrées à Goma. Le reste du pays n'est pas aussi protégé", estime-t-il.

Selon les analystes interrogés par l'AFP, cette option reste peu probable, étant donné notamment l'immensité du pays. Pour autant, le M23 va continuer de pousser au Nord vers Lubero, au Sud vers Bukavu et à l'Ouest vers Walikelo, dit Thierry Verelst. "C'est tout à fait une possibilité que nous observions une expansion (du conflit) sur de multiples fronts, mais c'est aussi assez incertain pour le moment, parce que le M23 doit consolider ses acquis", ajoute-t-il.

La récente offensive du groupe armé a aussi montré l'inefficacité de l'armée congolaise, jugent les analystes. "L'armée congolaise a connu des problèmes importants de corruption, de détournement de fonds destinés à des équipements", explique l'analyste de Janes, évoquant également des enjeux de paiement des salaires. Il poursuit que cette armée a investi 280 millions de dollars depuis 2022, notamment pour la formation, ou encore l'engagement de contractuels israéliens privés. Mais "même s'ils présentaient bien, nous avons vu qu'ils n'ont pas résisté au M23 et aux Forces rwandaises de défense."

Source AFP

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