Interview. Thérance Ralff Thyliann : « Les citoyens connaissent plus la photographie événementielle que l’art de la photographie »

Jeudi 19 Janvier 2023 - 18:44

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimable

Thérance Ralff Thyliann est un artiste visuel congolais qui manipule tous les médiums du domaine visuel à partir de la photographie, la vidéo et la réalisation. Dans l’interview accordée aux "Dépêches du Bassin du Congo", il parle de cet art et revient sur le vernissage en cours à l’Institut français du Congo (IFC) de Brazzaville, intitulé « Ange sans ailes ».

Les Dépêches du Bassin du Congo (L.D.B.C.) : M. Thérance Ralff Thyliann, l’art visuel est-il bien connu du grand public ?

Thérance Ralff Thyliann (T.R.T.) : Les citoyens connaissent plus la photographie événementielle que l’art de la photographie. Mais la photographie d’auteur, en l’occurrence celle que je fais, n’est pas vraiment connue du grand public. Voilà pourquoi nous entreprenons des initiatives pour qu’elle soit bien connue, et que les gens comprennent que ce n’est pas un art pratiqué lorsque l’on arrête avec les études.

L.D.B.C. : Quelles sont les caractéristiques de cet art ?

T.R.T. : Il faut dire que pour ce qui est de la photographie, elle vient du grec photo qui veut dire lumière et graphos qui est l’écriture, c’est donc écrire avec la lumière. Ce qui signifie, en d’autres termes, qu’un photographe utilise la lumière pour écrire. Et s’en suit l’interrogation autour de cette lumière. Il faut retenir qu’une image vaut mille mots, parce qu’on peut l’interpréter de plusieurs manières… Les photographes mettent en lumière certains éléments cachés. Moi, à travers la photo, je me suis permis de parler des minorités et de raconter la beauté qu’il y a mais aussi la résilience parce que l’Africain était photographié par le Blanc, qui ne le présentait pas comme il était. Maintenant que nous nous mettons dans ce domaine, en Congolais que nous sommes, nous devons mieux présenter la beauté de notre culture.

L.D.B.C. : Depuis quelques jours vous présentez un vernissage à l’IFC. Peut-on se faire une idée de cette activité ?

T.R.T. : Cette activité est ma première exposition en solo intitulée "Ange sans ailes". Ce travail, je l’ai démarré en 2018 lors de mon premier voyage dans la Likouala où j’ai passé une année, et au cours de ce voyage, j’ai fait la rencontre des autochtones Aka. Je me suis interrogé sur leur mode de vie, en prenant pour angle leur enfance. On dit que les enfants sont la relève de demain. Je me suis également intéressé aux autochtones de la Lékoumou et du Pool. Seulement, dans ces trois départements, nous constatons qu’ils sont victimes de ségrégation. Au-delà de ce travail, j’ai voulu aller loin dans le problème en montrant ce qu’il y a de beau et ce que nous devons aussi préserver. Ce qu’il y a à préserver, à mon sens, ce sont les enfants qui, de manière générale, se ressemblent et présentent un même sourire. Nous avons, à côté, la forêt qui est le lieu d’habitation par excellence des autochtones. Je voudrais ainsi interpeller le public et les dirigeants de notre pays sur ce qu’il y a à faire pour eux.

L.D.B.C. : Vous présentez ce peuple sur des photos avec un fond noir. Qu’est-ce que cela signifie ?

T.R.T. : J’ai voulu que les gens oublient la couleur. A côté du noir et blanc, j’ai une démarche à moi où j’utilise le clair-obscur qui consiste à montrer la dualité entre la condition actuelle qui est dure et les élans de résilience qui vont évoluer. Les vingt tableaux sont embarqués par une espèce de combats qui sont ombre et lumière. J’ajouterai qu’il y a vingt clichés et vingt messages, soit vingt mille mots, à raison de mille par tableau.

L.D.B.C : Pour terminer, qu’est-ce qui pointe à l’horizon pour cette année nouvelle ?

T.R.T. : J’ai un film documentaire, un court métrage intitulé "Okani", au-delà des préjugés. Il faut souligner que j’ai été sélectionné par les ateliers Impala, au Cameroun. C’est un projet qui a pour ambition de former une nouvelle génération des documentalistes africains, en Afrique centrale et en Afrique de l’Ouest, à raison de dix par sous-région. Le court métrage que j’ai tourné pourra sortir dans les jours à venir sur des chaînes étrangères ou être présenté à l’occasion des festivals. Toujours sur la même lancée, je travaille sur l’écriture. Tout ceci sur fonds propres.

Propos recueillis par Achille Tchikabaka

Légendes et crédits photo : 

Thérance Ralff Thyliann

Notification: 

Non