Le saviez-vous : origine, naissance et prolifération des ngandas à Brazzaville

Vendredi 30 Décembre 2022 - 12:16

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« Nganda », mot lingala qui signifie en français lieu ou espace de retrouvailles des consommateurs de bière, de boganda (boisson faite à base de maïs), de loungouila (boisson faite à base de canne à sucre) et autres boissons alcoolisées. Nganda est appelé aussi « Ekala ».

Dans le cadre qui nous préoccupe, on considère dans la vie congolaise mondaine deux sortes d’Ekala, à savoir "Ekala ya mbenda ya massanga" pour les consommateurs de boissons (débit de boissons). "Ekala ya mbenda", dans le jargon des toxicomanes, répond à un fumoir. Ici l’endroit est maintenu secret. Lors des etrouvailles, la consommation est spécifiquement composée de chanvre, cocaïne et autres drogues.

Au cours des décennies 1950, 1960 et 1970, les ngandas n’existaient pas dans notre ville capitale comme nous les observons maintenant, très fréquentés, dans chaque rue et avenue. Cependant, Brazzaville était inondée des bars dancing. On peut citer : Faignond, Super Jazz, Elysée-Bar, Macedo, Pigalle, Congo-Bar, Choisi-Bar, etc., où les « ambianceurs » allaient danser les jeudis, samedis et dimanches de 20 h à minuit et parfois jusqu’à l’aube aux rythmes des musiques produites par différents orchestres.

A noter également l’existence des buvettes et autres débits de boissons (espaces clôturés) dans certains quartiers, qui ouvraient leurs portes la matinée avec interdiction formelle de jouer la musique, celle-ci ne devait intervenir qu’à partir de 15 h d’après la loi des autorités municipales de l’époque.

La naissance des  ngandas  à Brazzaville a son origine au lendemain de l’assassinat du président Marien Ngouabi, le 18 mars 1977. Cet événement douloureux provoqua un traumatisme collectif, les autorités décrétèrent un couvre-feu de 18 h à 6 h du matin et un deuil national.

Toutes les activités mondaines étaient suspendues : bars dancing, boîtes de nuit et les regroupements de plus de cinq à dix personnes étaient strictement interdits.

En outre, l’ouverture des débits de boissons était fixée de 11 h à 18 h. Les ngandas à Brazzaville résultent de cette triple prohibition.

Ainsi donc, pour se divertir et s’adonner à l’alcool, les consommateurs choisirent la clandestinité en transformant les salons privés en débits de boissons.

Lorsque le couvre-feu fut levé progressivement deux mois plus tard, ces salons privés se transformèrent en lieux publics de mondanité appelés « ngandas ». Parmi les plus célèbres de l’époque, on peut citer Mère Bondo, Mère Gina, Béatrice Bander, Chez Maguy, etc.

L’habitude étant une seconde nature, au fil des temps, ce phénomène à caractère lucratif pour les tenanciers des ngandas prendra une ampleur après l’inhumation du président Marien Ngouabi et à la levée de toutes les mesures décrétées par les autorités à la suite de son décès. De nos jours, l’on assiste à une floraison des ngandas dans toute la ville dénommés par certains caves  et par d’autres VIP qui sont des endroits clos fréquentés par une catégorie de consommateurs à la quête des lieux de haut standing.

Au vu de cette mode, certains propriétaires transforment la devanture de leur parcelle en nganda à ciel ouvert, exposée aux intempéries et dont les tables et chaises envahissent une partie de la rue, d’autres  par contre utilisent les containers en guise de comptoir et de dépôt.

Dans les ngandas sus évoqués, souvent les boissons sont vendues en promotion, en l’occurrence les bières de Brasco et Bralico. Par cette formule, le client peut disposer de trois bières à 1000 FCA au lieu de 1500 avec un effet marketing très positif.

La plupart des ngandas disposent de barbecue où les brochettes de viande, de côtelettes de porc, de poisson et cuisses de poulet sont braisées et prêtes à la consommation ou à emporter selon le choix du client.

Les causeries et commentaires interminables sur les sujets d’actualité politique et footballistique fusant de partout, agrémentés par la musique à haut débit dont l’effet à encombrement sonore est avéré sur la paisible population constituent une chorégraphie recherchée par les « ambianceurs » du moment. 

Autre temps, autre mœurs, actuellement les heures d’ouverture et de fermeture des ngandas ne sont plus respectées ; les horaires sont continus 24 h sur 24 pour les uns et les autres, en fonction de l’affluence de la clientèle, débordent très  tard dans la nuit et parfois jusqu’à l’aube.

Ainsi va la vie dans les ngandas à Brazzaville.

Jade Ida Kabat

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