Les souvenirs de la musique congolaise : origine et explosion de la danse « Boucher » dans les deux rives du fleuve Congo (2)

Jeudi 23 Février 2023 - 18:44

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L’arrivée de la danse « Boucher » fut un véritable tournant dans la musique congolaise des années 1965, 1966 et 1967. Elle a pignon sur rue dans les bars dancing de Brazzaville et Léopoldville. Au plan rythmique, l’on assiste à une légère accélération du "Sébène" ou chauffé (comme on dit dans le jargon congolais). Des titres tels que « Ba nguebos bo  bouger » de Moujos et « Danse des bouchers » d'Alphonse Ntaloulou des Bantous de la capitale illustrent bien ce changement métronomique. Tous les orchestres des deux rives du fleuve Congo l’adoptent.

La formidable explosion de la danse « Boucher » s’explique par l’engouement auprès des jeunes, notamment les "Ngembos" , terme qui désigne tous ceux qui écoutent un concert à l’extérieur du bar et qui vont s’en approprier par la suite.

« Deux à trois pas en avant, envoi de la jambe droite accompagnée d’un coup de reins, le bras droit levé imitant le boucher coupant un morceau de viande à l’aide d’une machette ou d’un couperet, ceci en plusieurs retours », telle fut la gestuelle de la danse « Boucher » dont le géniteur fut, à titre de rappel,  un boucher du Marché Total de Bacongo, à Brazzaville au début de l’année 1965 qui s’appelait Ghonda. « Ya Ghonda », comme aimaient bien l’appeler ses admirateurs, un personnage très méticuleux et célèbre au Marché Total, portant toujours un tablier blanc et une toque blanche. Une tenue dont il imposa le port à tous les autres bouchers membres du Club des bouchers dont il assurait la présidence. Le bar Tahiti, situé en face du Marché Total (actuel site de la pharmacie Tahiti), fut le lieu d’exhibition de la danse « Boucher » du club.

Suite à la démonstration en public de cette danse par des jeunes, en l’occurrence Wello, Berba, Oro, Bringo et  Damas à l’occasion de l’ouverture des premiers Jeux africains le 24 juillet 1965, au stade Omnisport (actuel stade Alphonse-Massamba-Débat), le président Alphonse Massamba Débat déclara cette danse nationale à cause de sa gestuelle intrinsèquement traditionnelle.

A cette période, Brazzaville était en effervescence. Le « Boucher » était sur toutes les lèvres des ambianceurs et amoureux de la bonne musique.

Il sied de noter que la récupération de cette danse par les ballets Diaboua, Mfina, Bella fut un phénomène qui favorisa également son succès et contribua aussi à populariser ses pas. Les veillées mortuaires étaient parfois ponctuées par des exhibitions de cette danse par les jeunes, surtout à Poto-Poto.

Le vent de cette danse parti de Brazzaville franchit le Pool Malebo et gagna Léopoldville. Plus tard, Luambo Makiadi Franco invita le groupe des danseurs de brazzavillois, en l’occurrence Wello, Berba et autres à venir exhiber et démontrer la nouvelle danse lors des prestations de l’Ok Jazz dans les différents bars dancing de Léopoldville, démonstration magistrale qui émerveilla le public kinois qui l’adopta à son tour.

Des œuvres emblématiques de Franco telles que « Course au pouvoir », « Ngai Marie nzoto ebeba » « Dis tonton », « Chérie Lovy » de Vicky Longomba de l’Ok Jazz illustrent l’exhibition du « Boucher » qui deviendra populaire à Léopoldville. Ainsi, les deux capitales les plus proches du monde vibraient au rythme de cette danse. Des ambianceurs des deux rives traversaient parfois nuitamment le fleuve pour aller danser « Boucher » à Kin ou à Brazza. C’était la belle époque, disent les nostalgiques.

Auguste Ken-Nkenkela

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