Lire ou relire : « Le lévirat » de Dieudonné Nkounkou

Vendredi 11 Novembre 2022 - 12:30

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimable

Roman de 121 pages, « Le lévirat » est une publication des éditions ICE à Pointe-Noire. Le lévirat survit à la critique et débouche dans nombre des cas sur des mariages forcés ou consentis. Cette pratique est encore répandue dans certaines parties du monde.

Le lévirat est dénoncé comme étant une pratique rétrograde, limitant les droits des femmes et maintenant l'idée qu'« une veuve fait partie de l'héritage ». À l’issue du décès accidentel de son conjoint Baka-Kabadio, Julienne Baka-Kabadio avait vu sa vie chambouler. Cette mère de deux garçons ayant respectivement 8 ans et 6 ans était contrainte de se remarier au nom d’une vieille pratique ancestrale, le lévirat. Prétextant les souffrances liées à la pénibilité de la grossesse qu’elle portait de son feu mari, elle refusa tout contact charnel avec son nouvel époux qui n’était autre que son beau-frère, c’est-à-dire le cadet de son défunt époux, le nommé Thomas Bénazo.

Ayant été mandaté par la décision de la Cour traditionnelle du chef Nkéoua de devenir l’époux de la veuve, Thomas Bénazo tenait au devoir conjugal. Chef Nkéoua était très influent « “Chef“, comme le surnommaient les jeunes ou “tata Nkéoua“, comme on l’appelait respectueusement, était un “personnage“. En matière de droit coutumier, il était un jurisconsulte incontournable. D’ailleurs, il siégeait à la Cour suprême du Congo, lorsque celle-ci statuait en matière du droit privé traditionnel. Sa réputation n’était plus à faire (p. 29).

Julienne donna naissance à une charmante petite fille tout en ignorant encore le triste sort qui lui était réservé. Le nouveau conjoint perdit patience. « Thomas Bénazo est dans son droit. Il est le nouveau mari et doit user normalement de sa femme », lit-on. Il se voyait contraint de la connaître plusieurs fois par force. Pour sécher ses larmes et pour que justice soit faite, elle porta plainte... pour viol. Le tribunal de l'État décida de s'en mêler... Thomas Bénazo fut incarcéré. Il sera plus tard relaxé. La dame perdit ses trois enfants le même jour de façon incroyable. De Thomas Bénazo, elle aura des triplés. Mais elle mourra sans en prendre soin.

Dans nombre des sociétés concernées où la pauvreté restait présente, les parents jugeaient que le lévirat est un moyen de soutenir la femme et la progéniture. Aujourd’hui, le code de la famille interdit cette pratique dans la plupart des pays africains.

Bien écrit, l’œuvre romanesque de Dieudonné Nkoukou se lit d'un trait. La fonction éducative s’attache à ce livre qui relate le conflit entre tradition et modernité. La modernité est au cœur de nombreuses évolutions sociales, juridiques, politiques et morales. La nature du lien social dans un monde changeant peut mieux être définie par le Droit.

Décédé en 2020 en République démocratique du Congo, Dieudonné Nkounkou fut docteur en droit et avocat à la Cour d'appel de Montpellier, en France. Artiste musicien et écrivain, il a écrit plusieurs ouvrages, parmi lesquels « L’assassin du pont du centenaire » et «L’histoire secrète de Kimpa Vita ». Dieudonné Nkounkou dit "Marlot" fut récipiendaire de la médaille du dévouement congolais, remise par le président Marien Ngouabi, et Prix d’honneur de l’Association congolaise de l’amitié entre les peuples pour son œuvre dans les années 1970. Il a aussi obtenu le Grand Prix de la Radio/ Télévision congolaise avec son roman « Le Sororat ».

 

Aubin Banzouzi

Légendes et crédits photo : 

La couverture de l'ouvrage

Notification: 

Non