L’Italie s’interroge sur l’expansion possible chez elle de l’Etat islamiqueSamedi 7 Février 2015 - 15:30 Alors que la Libye voisine donne des signes inquiétants d’infiltration, à Rome on se demande jusqu’où arrivera le terrorisme de l’EI et comment l’endiguer. Est-ce une question de jours ou de mois ? Faut-il regarder la rive sud de la Méditerranée s’embraser et se rassurer par la présence de la barrière maritime qui sépare les villes de Libye de la première ville italienne ? Poser la question de cette manière ne dégagerait pas de divergences de fond dans la réponse, car tout le monde en Italie et en Europe est convaincu qu’il faut agir et vite. D’autant que jeudi l’ambassadeur libyen aux Emirats arabes unis a prononcé des paroles qui ne laissent plus de place à l’illusion. « L'Etat islamique (EI ou ISIS selon son acronyme anglais - Ndlr) se développe en Libye, de manière exponentielle. Il y commet des atrocités chaque jour ». Pour Aref Ali Nayed qui est aussi conseiller du Premier ministre libyen Abdullah al-Thani, « il n'est pas possible de combattre l'EI en Irak sans tenir compte aussi de la composante libyenne », a-t-il estimé. Ce que d’aucuns ont décrit comme un cancer fondamentaliste étendrait donc désormais ses métastases dans 7 villes libyennes déjà, et pourrait bientôt se signaler sur place par la présence de combattants recrutés au Yémen, en Tchétchénie mais surtout en Tunisie et en Algérie, deux pays voisins de la Libye qui connaissent déjà les effets sur leur territoire d’un activisme religieux violent. L’Italie ferait donc bien de se prémunir contre cette menace, disent les experts. L’Europe « se trouve à une heure de vol seulement » de la Libye, rappelle l’ambassadeur Ali Nayed. La menace est prise très au sérieux à Rome où les bâtiments stratégiques et les places publiques font l’objet d’une surveillance relevée. Le Vatican est sous surveillance stricte. Jeudi à l’assemblée, à Rome, les députés ont planché sur la question et réfléchi à la stratégie globale à mener contre la nébuleuse islamiste. « Entre l’ISIS et l’Occident, il ne s’agit pas d’une guerre de civilisation mais d’un conflit identitaire », a soutenu Paolo Alli, le chef du groupe des centristes à l’assemblée nationale italienne et membre de la commission des affaires étrangères de la Chambre. « En plus précis, il s’agit d’une guerre d’un fondamentalisme islamique qui veut imposer sa propre culture en profitant de la faiblesse de l’Europe dérivée de la faillite des modèles interculturels. Il s’agira de voir si les Etats-Unis continueront de se tenir aux côtés de l’Europe » dans ce combat, a dit le député. Le séminaire au cours duquel il intervenait avait un intitulé des plus explicites et donne la mesure des préoccupations italiennes en la matière : « L’Italie, l’Europe et l’Occident avant et après Paris ». Pour les spécialistes italiens du terrorisme, les attentats spectaculairement horribles contre le journal Charlie Hebdo le 7 juillet dernier à Paris, ne sont que le signe avant-coureur d’une situation qui pourrait aller en empirant si on ne fait rien pour l’endiguer. Car l’avis de tous semble aller vers la même conviction : l’Etat islamique veut exercer sa terreur pour des années. « Je ne serais pas surpris de voir 10 à 15 ans d’instabilité en Irak, en Syrie et en certains endroits en Afrique du Nord », a estimé vendredi John Jenkis, ambassadeur de Grande-Bretagne en Arabie Saoudite. Lucien Mpama |