Musique : les sobriquets des artistes congolaisVendredi 14 Octobre 2022 - 12:42 De Paul Kamba dans les années 1940 à ce jour, les artistes congolais se sont montrés très créatifs dans le choix de leurs noms de scène. Nous avons tenté d’expliquer les modes d’attribution et d’auto-attribution de ces sobriquets atypiques. A l’instar des artistes musiciens occidentaux, certains musiciens congolais font carrière sous leurs véritables identités tandis que la majorité d’entre eux performe sous le couvert de noms de scène, le plus souvent auto-attribués. Chaque nom de scène a une histoire et constitue un témoignage de la perception, la considération et surtout la représentation que l’artiste se fait de lui-même, ou celles que son entourage ou son public, qui le cas échéant, lui attribue le nom de scène, se fait de lui. C’est ainsi que dès les années 1940, pendant que Paul Kamba pratiquait son art sous le nom de Paulo Kamba avec son orchestre Victoria Brazza, sur l’autre rive du fleuve Congo, à Léopoldville (ancienne appellation de Kinshasa), Antoine Nkalosoy se faisait appeler Wendo Kolosoy. Wendo est en fait la déformation de Windsor. Il prit ce nom après que Léon Pétillon, gouverneur du Congo-Belge, dit de lui qu’ « il bondissait comme les amortisseurs du Chrysler Windsor » de ce dernier. Dès cette époque, les musiciens congolais n’ont pas tari d’imagination dans le choix de leur nom de scène. Ainsi, Joseph Kabasele dit Kallé Jeff, auteur du célèbre titre « Indépendance cha cha », fut connu comme le Grand Kallé depuis les années 1950. L’autre « Grand » de cette époque fut Luambo Makiadi François dit Franco « Le Grand maître ». Pascal Tabu devint le Seigneur Rochereau Tabu Ley, tandis que Ndomanueno Masiya se fit surnommer « Simaro Masiya le poète ». La plupart de ces artistes ont excellé dans leurs domaines respectifs devenant de fait de véritables références pour la postérité. Le phénomène est allé crescendo, traversant les générations, au point où les seuls sobriquets ne suffisent plus, les musiciens s’affublant en plus d’épithètes, d’attributs, voire de superlatifs tantôt circonstanciels, tantôt ne reflétant aucunement la réalité. Au passage, les différents conflits entre musiciens, nés de la dislocation d’orchestres, ont fortement contribué au développement de ce phénomène. C’est dans cette perspective que Jules Presley Shungu Wembadio, transfuge de Zaïko Langa-Langa, devint Papa Wemba, pendant que Benoît Mbenzu Bokili devint, de son côté, le Grand-père Bozi Boziana, ascendant naturel du « papa ». Obligé d’écraser les autres, Evoloko Atwamo prit le nom de Joker, la carte qui gagne à tous les coups, lorsque Verckys Kiamuangana se targuait d’être l’homme aux poumons d’acier. Une certaine catégorie de musiciens affiche néanmoins des sobriquets plutôt réfléchis à l’instar de Djoson le philosophe, des sentimentaux tels Doudou Copa de mi Amor, Cindy le cœur, des suprématistes comme Fally Dicap la Merveille El Pibe de Oro, King Kester Emeneya Nkua Mambu, mais également des agressifs comme Gypsie la tigresse, Cegra Karl le traumatiseur, le général Soto Nyoto, Shetani Gola... La génération Wenge n’est pas en reste. Elle a le mérite d’avoir produit la plus grande rivalité de l’histoire de la musique congolaise à ce jour, celle qui opposa pendant près de deux décennies Werrason à JB Mpiana. Cette génération a également produit son lot de rois et de souverains tels que Le roi de la forêt (ou de la jungle), Le roi soleil , Bin Adam le souverain 1er, Le roi des sapeurs Dominguez, etc… L’histoire retiendra cependant Koffi Olomidé comme le maître incontesté de l’auto-attribution circonstancielle de sobriquets. Il a notamment été Papa plus, Papa sucre, Papa top, Tchatcho, le Rambo du Zaïre, Nkolo lupemba, Mokolo bilanga, Nzété ya mbila, Mopao mokonzi le maximum, Number one, Mukulukulu, Le Grand Ché, Quadra Koraman après avoir été primé quatre fois en une seule soirée aux Koras Awards, dans quatre catégories différentes, Sarkozy Mopao à la suite de l’élection de Nicolas Sarkozy à la présidence française, le jeune Pato et plus récemment Boss ya mboka. Koffi Olomidé, considéré par plusieurs de ses pairs et ses détracteurs comme un narcissique égocentrique, est reconnu comme le roi de la provocation. Les titres de ses albums et ses « Mabangas » ou dédicaces sont, d’ailleurs, très évocateurs. En revanche, il s’agit là d’une autre histoire qui mériterait une attention toute particulière. Sasha Kitadi Légendes et crédits photo :Antoine Nkalosoy dit Wendo Kolosoy Notification:Non |