Noyades en Méditerranée : 156 des morts étaient des MaliensMercredi 29 Avril 2015 - 17:00 Il y avait des Maliens et des Sénégalais parmi les 700 morts de la traversée infernale du 19 avril. Les autres pays ne tiennent pas de statistiques ou font l’autruche. C’est le propre de l’immigration clandestine aujourd’hui. Lorsqu’on voit ces flux de migrants jeunes et moins jeunes tentant de débarquer sur les côtes italiennes de Sicile, l’image est informe. Les termes génériques ne saisissent que très rarement le drame humain que recouvre chaque cadavre flottant en mer ou retrouvé sur les abords de plage et enterré dans le plus grand anonymat ensuite. Or, il s’agit de citoyens de pays, pas tous en guerre ou en insurrection. Il faut des drames faisant le buzz pour approcher de la vérité (ou l’occulter). Ainsi il est établi que les immigrés musulmans qui ont jeté à la mer leurs compagnons d’infortune chrétiens il y a trois semaines étaient, bourreaux et victimes, des Nigérians, Ghanéens, Nigériens, Ivoiriens, Sénégalais et Guinéens. Donc provenant de pays dont l’instabilité ou même la pauvreté ne sont pas la première des caractéristiques. Des familles d’Addis-Abeba ont eu la double douleur de reconnaître sur une vidéo des enfants de quartier au moment où ils étaient égorgés par les partisans de l’Etat islamique qui les avaient capturés en Libye. Les familles ne savaient pas que les trois jeunes gens avaient quitté le pays et tenté l’aventure ! Le ministère des Maliens de l’Extérieur a fait savoir mardi que parmi les 700 noyés du chalutier qui a coulé en Méditerranée il y a dix jours figurent 156 Maliens. « Le ministère des Maliens de l'Extérieur a le regret d'informer l'opinion que le bilan des naufrages survenus sur les côtes italiennes (…) est passé aujourd'hui 28 avril à 156 personnes identifiées noyées. La plupart des victimes sont originaires de la région de Kayes », zone de forte émigration dans l'Ouest du pays, près de la frontière sénégalaise, indique le ministère. Les disparus sénégalais proviendraient eux aussi de cette zone frontalière. Le drame dans le drame est qu’il ne serait pas étonnant que des familles continuent d’ignorer ce deuil qui les touche pourtant de près. Les jeunes qui émigrent et tentent de gagner l’Europe par l’Italie s’arrangent pour ne pas posséder de pièce d’identité, pour ne pas être refoulés vers le pays qu’ils quittent en cas de contrôle anti-immigration. Cela ajoute à la complexité de la situation. Ainsi des clandestins érythréens ont été refoulés vers l’Ethiopie sur le seul critère du faciès, alors qu’il arrive souvent que les services spécialisés soient confondus en cas de refoulement de Sénégalais ou de Gambiens facilement pris les uns pour les autres. Pour la dernière tragédie du 19 avril, le Secrétariat d’Etat aux Sénégalais de l’Extérieur a indiqué qu’ « une cellule de crise a été mise en place pour suivre l'évolution de la situation en collaboration avec le comité international de la Croix-Rouge et l'Office des migrations internationales ». Il appelle les familles à venir s’informer ou informer les services officiels, selon le communiqué le secrétariat d'Etat aux Sénégalais de l'Extérieur. Un coup d’épée dans l’eau ? Peut-être. Ce qui est sûr, c’est que le drame de l’immigration concerne aujourd’hui tous les pays. L’émotion et la surprise ont été totales en mars dernier lorsque la marine turque a annoncé avoir secouru en mer 38 Congolais ! En Italie où, plus que jamais l’heure est à la traque des trafiquants, une opération déclenchée sur le territoire et dénommée « Glauco 2 » a permis le démantèlement d’un réseau de passeur. Deux trafiquants ont été arrêtés, tous érythréens. Il s’agit de Muktar Hussein, 22 ans et de Mudeser Mahaned Omer, 19 ans. Accusés par des survivants de la dangereuse traversée, ils se cachaient… dans un camp de réfugiés, près de Milan et de Catane. L’enquête a permis de déterminer qu’ils adressaient les « clients », moyennant argent, à des comparses dans l’une ou l’autre région italienne. Ceux-ci à leur tour se chargeaient de faire voyager les clandestins vers d’autres pays d’Europe. Comme quoi l’immigration est aussi une juteuse affaire. Lucien Mpama |