RDC : préservation du patrimoine architectural du Kongo central

Mercredi 17 Juin 2015 - 14:30

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Lors de  la conférence-débat qu’a abritée le Centre culturel belge la soirée du 15 juin, une organisation conjointe de l’Union des anciens étudiants de l’ULB et de la Délégation Wallonie-Bruxelles s’est particulièrement focalisée sur le Parquet de Mbanza –Ngungu et la résidence du gouverneur général de Boma, deux œuvres majeures de l’Afrique coloniale.

Une vue ancienne du Palais du gouverneur général de BomaL’assistance hétéroclite a trouvé intéressant les renseignements fournis par les quatre orateurs sur « La préservation du patrimoine architectural urbain en RDC ». La matière de la conférence débat qui avait pour toile de fond les quelques réalités du Kongo central a eu pour introduction la présentation de l’arsenal juridique en vigueur relatif à la protection du patrimoine architectural en RDC. Me Etienne Unega a abordé le sujet partant d’un survol historique de la législation, quitte à en évoquer le développement progressif et à faire des propositions de sorte à la rendre plus efficiente et en assurer une plus large vulgarisation.

Pour sa part, le Pr Joseph Ibongo a rejoint le premier orateur prônant la mise en œuvre d’une politique efficace de préservation du patrimoine culturel en RDC et a souligné au passage l’importance de l’avènement d’un musée national. Un office qui compterait au nombre de ses principaux axes de rentabilité la restauration et la rénovation des œuvres du patrimoine architectural. Le directeur général de l’Institut des musées nationaux du Congo (INMC) s’est du reste désolé que la majorité des textes juridiques ait subi l’usure du temps, ne soient pas actualisés et souvent se situent en dehors du contexte de l’Unesco. Il a souhaité la poursuite nécessaire du timide travail de classement des œuvres dignes de figurer dans le répertoire du patrimoine à préserver.

Les architectes et professeurs de l’Université Libre de Bruxelles (ULB), Yves Robert et Francis Metzger, associés à la rencontre ont mis à contribution leur expertise. Le premier est entré dans le vif du sujet avec la présentation de la carte postale de Boma présentée comme « une ville historique vivante ». Il s’est appesanti sur deux bâtiments du Kongo central, à savoir le Palais du gouverneur de Boma et le Parquet de Mbanza-Ngungu. La brève présentation faite des deux édifices a porté notamment sur leurs matériaux constitutifs et les caractéristiques générales des architectures coloniales. Souvent préfabriquées, elles présentaient des avantages, ces constructions faciles à monter et à démonter, pensées pour être transportées à dos d’hommes dans les provinces pouvaient être mis en place dans l’urgence. Le Parquet de Mbanza-Ngungu est apparu sur les photos comme ayant perdu de son prestige d’antan. Composé en majeure partie d’une structure métallique, il comporte des éléments en bois en dégradation avancée.

Susciter un engouement de patrimonialité

Yves Robert est d’avis que « si l’on ne prend pas en compte les architectures des fins XIXe et XXe siècles, il arrivera un moment où les jeunes générations congolaises ne pourront plus accéder in vivo aux vestiges de cette histoire coloniale ». Elles en seront réduites à étudier cette période du passé congolais dans les livres d’histoire. Et d’ajouter qu’en somme, « ils vivront leur histoire au travers de commentaires faits par d’autres ». Pour cette raison-là, il a jugé particulièrement important de préserver ce patrimoine partagé. De proposer alors un exemple-type de Porto-Novo au Bénin où une maison liée à la problématique des esclaves est transformée en maison du patrimoine et du tourisme. « Il ne s’agit pas à proprement parler d’un musée, il n’y a donc pas de collection, de problématique de conservation préventive des collections, de sécurisation. Mais c’est une sorte de lieu, en fonction des opportunités et des moments, il est possible à la fois d’avoir une information sous forme de panneau ou autre objet culturel qui invitent à découvrir pour un public très large les richesses du lieu », a-t-il expliqué. Et de conclure : « L’on peut donc imaginer que tant dans l’actuel Parquet de Mbanza-Ngungu que dans l’ancien Palais du gouverneur de Boma, créer un musée ou une maison du patrimoine et du tourisme. Il faut que l’histoire soit appropriable par la population congolaise, toutes générations confondues, à partir de ces témoignages historiques. Cela donnera peut-être lieu à un engouement de patrimonialité de sorte que des mesures de conservation seront presque réalisées naturellement et avec fierté par la population. Imaginez que le Parquet ou le Palais du gouverneur devienne une sorte d’office du tourisme où l’on peut y recueillir les informations sur ce que l’on peut voir, les grottes, les poissons aveugles, le massif de Lovo, l’ancien quartier Onatra, etc. Mais que l’on y mette aussi un cyber café avec un wifi gratuit. Un lieu où l’on peut éventuellement vendre des produits, des artistes exposent leurs travaux ». Ainsi donc à fin, une bonne restauration du patrimoine n’est pas à envisager sans associer à cette idée « la bonne programmation en trouvant la bonne fonction qui puisse trouver l’adhésion de la population congolaise ».La Cathédrale de Boma, un autre vestige du patrimoine architectural du Kongo central

Dernier à intervenir, Francis Metzger a parlé de son enchantement à la vue « de choses absolument incroyables, admirables, des bâtiments précoloniaux, coloniaux et postcoloniaux ». Dès lors, a-t-il dit : « Il se pose des questions sur ce qu’il faut restaurer ». Et au sujet de la démarche à mener, l’architecte passé maître en restauration, a souligné que le temps peut altérer des œuvres de sorte qu’au fil du temps, l’œuvre initiale va perdre son identité pour devenir un moment donné presque méconnaissable. Il a estimé qu’il convient alors de « reconquérir une identité pour cette œuvre qui peut être proche de son ancien état ou qui doit être réinventé à partir de ». Et de préciser que « l’objectif n’est pas de démolir ou de refaire exactement la même chose car aujourd’hui l’on a besoin d’un confort qui dépasse celui d’hier et donc, il nous appartient de réinvestir ce lieu dans une dimension actuelle ».

Nioni Masela

Légendes et crédits photo : 

Photo 1 : Une vue ancienne du Palais du gouverneur général de Boma Photo 2 : La Cathédrale de Boma, un autre vestige du patrimoine architectural du Kongo central

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