Rencontre : « Tram 83 », le livre de Fiston Mwanza Mujila, est un bijouDimanche 19 Octobre 2014 - 5:00 Depuis sa sortie aux Éditions Métailié en septembre, Tram 83, le premier roman aux allures de poésie de Fiston Mujila Mwanza a conquis le milieu littéraire qui ne tarit pas d’éloges à son égard. Remarqué, plébiscité, ce livre a valu à l’auteur le Prix de la littérature 2014 de la ville de Graz (Autriche) Fiston Mwanza Mujila, ce Lushois né il y a 33 ans, rêvait de devenir saxophoniste dans une ville, Lubumbashi, qui n’avait pas de saxophone. Arrivé en littérature par la force des choses, Fiston a publié depuis de la poésie, du théâtre et des nouvelles. Désormais romancier, ce jeune Congolais (RDC) entre avec ce premier roman dans la cour des grands. Tram 83 regorge en effet des ingrédients d’un bel ouvrage par ses univers singuliers. Au départ, la genèse de ce livre a été motivée en effet par le désir de l’écrivain de restituer l’atmosphère de la ruée vers l’or en Afrique. Fiston voulait parler de l’histoire du train en Afrique renvoyant à cette phrase du musicien sud-africain Hugh Masekela déclarant que « les histoires de train en Afrique sont des histoires malheureuses », contrairement à l’Occident. Si cette problématique directement liée au chemin de fer et au train en Afrique n’a pas été poursuivie, l’auteur s’est par ailleurs approprié l’idée du train pour planter son décor et ses personnages dans un bar qui sert à la fois de bordel, de lieu de concert, d’abattoir où l’on mange des brochettes de chien, et de tribune de débats politiques. État-bordel, Tram 83 pose également des questions sur la posture de l’écrivain en Afrique, particulièrement en RD-Congo, à travers le personnage de Lucien, écrivain en devenir qui veut vivre comme un écrivain européen malgré les travers et le chaos ambiant de sa société. Cet idéal européen, estime Fiston, n’est en effet pas envisageable en Afrique, d’où la nécessité de repenser la position de l’intellectuel africain dans un environnement où la bataille de l’eau, de l’électricité et du manger demeure essentielle. Ainsi, dit-il, « c’est de la folie dans un pays où tout le monde parle de dollars de prétendre à l’écriture ». Concernant la réception de son livre au Congo, ce géant africain avec ses 2 345 409 kilomètres carrés, Fiston assure : « Je n’ai pas pour mission de donner une vision au nom des Congolais, pas même au nom de ma mère ou de mon père. Ici je présente ma propre vision du Congo, du monde. » Loin du chaos décrit dans son livre, Fiston se montre positif lorsque l’on évoque l’avenir du continent : « L’Afrique contemporaine, depuis 1960, est jeune. Comparativement à l’Europe, on est en avance par rapport à notre propre histoire. Des Africains vont changer la donne, car il y a une prise de conscience et un certain dynamisme grâce en partie aux jeunes nés en Europe qui rentrent au pays. Il y a donc une circularité de la pensée africaine. » Sa vision du monde et de son Congo natal, Fiston les distille à travers les multiples rencontres qui s’organisent autour de lui depuis la sortie de Tram 83,un bijoux littéraire. Ambitieux, jubilatoire et original, selon les mots de l’incontournable bloggeur littéraire Laréus Gangoueus, ce livre poursuit sa lancée avec une parution prochaine en anglais, en italien, en catalan et en allemand, entre autres langues. Tram 83 de Fiston Nasser Mwanza, Paris, Métailié, septembre 2014, 208 p. Meryll Mezath |