Débat en Italie : faut-il rejeter les migrants musulmans ?

Le débat semble avoir trouvé le prétexte pour se poursuivre à l’infini et produire les propositions les plus folles contre l’immigration clandestine. Que faire devant ces flux massifs de migrants qui abordent l’Italie par la Méditerranée ? Que fait l’Europe ? s’interrogent les dirigeants italiens de tous bords. Les garde-côtes ont indiqué vendredi que plus de 11.000 migrants sont arrivés dans le pays au cours des six derniers jours, et que des centaines d'autres continuaient à arriver à bord d’embarcations de fortune parties de Libye.

Le drame est déjà effroyable de par son ampleur, mais les récits des arrivants conduisent au comble de l’horreur ou de l’indignation. Vendredi, on apprenait qu’une femme est morte dans l'explosion d'une bombonne de gaz sur le rafiot où elle avait embarqué avec près de 90 autres migrants, dont une quinzaine ont également été blessés. La guerre des milices en Libye a favorisé un recul des services de contrôle de l’Etat et de ce qui en reste ; le beau temps a fait le reste. Des milliers de migrants, surtout africains, prennent la mer dans l’espoir téméraire d’entrer en Europe et de s’y faire établir une carte de réfugié ou un titre de séjour.

Mais l’inquiétude en Italie maintenant ce n’est pas tant le nombre élevé des nouveaux venants, qui seront probablement refoulés pour la plupart d’entre eux, c’est la nature de ces migrants qui commence à poser question. Le fait que, mercredi, une rixe ait éclaté à bord d’un de ces bateaux entre clandestins musulmans et chrétiens conduisant à jeter par-dessus bord les migrants chrétiens suscite une forte émotion  dans la péninsule. En décembre, l’organisation extrémiste de l’Etat islamique avait menacé « Rome-la-croisée » de l’envahir en mettant à l’eau des milliers de bateaux remplis d’immigrés avec un noyau de djihadistes, les fameux « loups solitaires ». La Ligue du Nord et divers partis de droite estiment d’ores et déjà que cette menace est désormais mise à exécution.

« Si vraiment nous devons accueillir des immigrés, accueillons les réfugiés chrétiens ! Quelle solidarité pourrions-nous manifester envers des individus cruels au point de jeter en mer des compagnons d’infortune parce que chrétiens ? ». La question, posée dans les médias à grands tirages par Massimiliano Romeo, chef du groupe de la Ligue du Nord au Conseil régional de Lombardie, fait partie de celle qu’on se pose tout bas. Elle résume parfaitement en tout cas l’état d’esprit de l’homme de la rue. « Si c’est cela le début (de la menace de l’Etat islamique, Ndlr), alors les réfugiés musulmans doivent se chercher un pays d’accueil musulman comme l’Albanie, le Maroc, la Turquie ou n’importe où suivant leurs critères », a-t-il ajouté.

Les positions extrémistes de la Ligue du Nord, parti xénophobe, sont bien connues. Mais le contexte de la crise migratoire actuelle semble limer les extrémités chez tous. Pour Maurizio Gasparri de Forza Italia, le parti de droite de Silvio Berlusconi, ce « fait inquiétant » appelle une réaction de l’Europe et du gouvernement. « Une intervention est maintenant inévitable, car Renzi (Matteo Renzi, le Premier ministre, Ndlr) importe des fondamentalistes djihadistes et utilise pour cela des navires italiens comme taxis. C’est une menace à la démocratie ; une menace à nos racines », a-t-il dit.

La procureur de Palerme (Sicile) a procédé à l’arrestation des 15 migrants musulmans coupables d’avoir jeté à l’eau où ils ont probablement péri les 12 migrants chrétiens. Après les avoir interrogés pendant 24h, elle a formulé les accusations contre eux ; elles vont d’homicide volontaire à immigration clandestine. Les 15 hommes sont ivoiriens, sénégalais, guinéens et ghanéens : tous musulmans et tous candidats à l’immigration clandestine. Le tout est maintenant de déterminer s’ils ont agi sous le coup de la simple colère, ou s’ils ont exécuté les ordres d’une organisation musulmane extrémiste.