Bande dessinée : un secteur en quête de structuration en AfriqueMercredi 10 Juin 2015 - 14:01 Le constat a été fait, le 8 juin, lors de la conférence organisée à l'espace culturel l'Horloge du sud à Bruxelles sur le thème « La bande dessinée africaine : état des lieux d'un domaine dynamique et émergent». La conférence a été animée par les dessinateurs Barly Baruti (RDC) et Joëlle Ebongue « Elyon’s » (Cameroun), deux artistes issus de générations différentes mais avec une même vision de l’avenir du 9e art en Afrique. Le premier, après avoir évolué en Afrique, a choisi de poursuivre sa carrière en Europe où ses bandes dessinées (BD) ont été éditées ces dernières années. La seconde, pour sa part, a décidé de retourner au Cameroun après des études effectuée en Belgique. « Nous n’avons pas de visions contradictoires, il faut qu’il y ait des personnes qui réfléchissent comme lui et d’autres comme moi pour favoriser l’équilibre », a indiqué Joëlle Ebongue. BD africaine ou BD made in Afrique ; universalité du discours véhiculé dans ces BD, caricaturistes versus bédéistes, traduction des BD en langues locales, etc. Autant de questions abordées lors de cette conférence. Absence de maisons d'édition Le constat général qui s’est dégagé lors de cette conférence est que le secteur de la BD est dynamique mais demeure non structuré en Afrique autant qu’il l’est en Europe. C’est pourquoi de nombreux dessinateurs ont choisi de rejoindre le vieux continent afin de vivre de leur art. Les artistes font face notamment à l’absence de maisons d’édition spécialisées ainsi qu’au manque de canaux de distribution. « Il n’existe pas de vrais éditeurs de BD en Afrique. Ma BD « La voiture c’est l’aventure » a été éditée par Afrique éditions, un éditeur de livres scolaires. Après moi, plus aucun auteur de BD n’a été édité par cette structure. Pourtant, la BD pourrait constituer un créneau très intéressant. Le cadre de travail doit être mis en place par les pouvoirs publics afin de faciliter le travail des artistes. Mais ces derniers font les choses par eux-mêmes et préfèrent migrer en Europe », a déclaré Barly Baruti. Pour le dessinateur congolais, les bédéistes africains doivent eux-mêmes créer et éduquer leur public. Par ailleurs, ont fait savoir les deux auteurs, en Europe où certains ont choisi d’évoluer, les bédéistes africains doivent composer avec les exigences de certains éditeurs sur les stéréotypes et les clichés liés à l’Afrique. « Lorsque je présentais mon projet La vie d’ébène Duta qui raconte le quotidien d’une jeune fille noire loin de son pays d’origine, on me demandait toujours si elle était sans papiers. On place toujours l’auteur dans des cases ou des tiroirs spécifiques. Ils sont assez grossiers mais ils existent malheureusement. Mais, en même temps, on ne peut pas en vouloir à l’éditeur car il faut qu’il vende », a expliqué Joëlle Ebongue. Bédéistes vs Caricaturistes Sur un autre registre, les deux auteurs ont tenu à dissiper le flou qui existe parfois entre caricature et bande dessinée. Ainsi, ont-ils souligné, la caricature est liée à l’actualité et demeure ponctuelle tandis que la BD est intemporelle. « Ils n’ont pas les mêmes contraintes, n’ont pas le même public et le même budget », a fait savoir Elyon’s. Néanmoins, ont-ils fait savoir, des bédéistes talentueux existent sur le continent et souhaitent vivre pleinement de cette discipline. Et pour bénéficier de rentrées financières, certains sont ainsi obligés de passer par la caricature ou de mettre leurs dessins au service de campagnes sociales initiées par certaines organisations. Autofinancement via le crowdfunding Dans tous les cas, a-t-on appris lors de la conférence, Internet constitue aujourd’hui un puissant outil au service des artistes dans la production de leurs œuvres. Ainsi, Joëlle Ebongue a pu éditer le tome 1 de sa BD « La vie d’Ebène Duta » en anglais et en français, grâce à une campagne de Crowdfunding qui a pu recueillir plus de 15.000 euros en provenance de quarante-sept pays à travers le monde. Un succès qui a poussé d’autres jeunes entrepreneurs camerounais à emprunter la même voie de l’autofinancement. C’est le cas notamment d’Olivier Madiba, créateur de "Kiro'o Games" , premier studio de jeux vidéos en Afrique centrale, qui a pu récolter plus de 200.000 euros pour financer son projet d’un jeu vidéo africain.
Patrick Ndungidi Légendes et crédits photo :Joëlle Ebongue ( au centre) et Barly Baruti ( à droite) pendant la conférence Notification:Non |