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De l’ordonnateur au comptable : qui contrôle les engagements de l’État?Lundi 29 Février 2016 - 13:20 Les engagements sont des contrats de biens et services signés de gré à gré ou suivant appels d’offre contre paiements immédiats ou différés, entre l’Etat et ses partenaires. En vertu du principe universel de séparation des pouvoirs, leur contrôle par une institution indépendante de l’ordonnateur et du comptable, réduit le conflit d’intérêts entre les agents et améliore l’efficacité de la décision administrative. Qu’en est-il au Congo? 1) Du contrôleur des engagements de l’Etat : la loi n°4/62 du 20 janvier 1962, attribue le contrôle des finances publiques à la Cour des comptes et de discipline budgétaire (ministère de la Justice). Elle y exerce un contrôle a postériori, en constatant les écarts entre les réalisations et les prévisions à la fin des contrats, et en faisant des recommandations à l’Ordonnateur et/ou au Comptable pour corriger les contre performances. En cas de fraudes manifestes, elle peut saisir la justice. Le Plan national de lutte contre la corruption de 2009 a introduit le contrôle à priori qui s’exerce en permanence, en anticipant les écarts et en les corrigeant à tout instant. Mais, l’Etat a introduit des organes parallèles autonomes de contrôle au ministère des Finances (Comptable) : l’Agence nationale d'investigation financière (Décret n° 2008-64 du 31 mars 2008), et à la Primature (Ordonnateur): la Commission nationale de lutte contre la corruption, la concussion et la fraude ou CNLCCF (Décret n° 2004-323 du 08 juillet 2004), et l’Observatoire Anti-Corruption (loi n°16-2007 du 19 septembre 2007). Ce cumul des pouvoirs rend les contrats opaques, dilue le contrôle et favorise le conflit d’intérêts. 2) Du conflit d’intérêts : l’opacité des contrats engendre d’une part, le risque de sélection adverse, consistant pour l’ordonnateur, à choisir les fournisseurs les moins offrants, moyennant des commissions occultes, livrant clé en mains, des infrastructures à obsolescence programmée. Ces contrats excluant les clauses de transfert de technologie, nécessaires à l’appropriation des technologies, l’Etat ne peut assurer durablement son indépendance industrielle. D’autre part, le risque d’aléa moral, consistant pour le comptable, à anticiper les paiements avant l’exécution des contrats, moyennant des commissions occultes. Le pays sombre dans la délinquance financière, qui alimente son indice de corruption, passé de 142e rang mondial en 2006 au 152e rang en 2015 (Transparency International), alors que sa cote du climat d’affaires auprès des investisseurs se dégrade, en passant de B à D (Coface). 3) De l’inertie du contrôle : les engagements de la Municipalisation accélérée entre 2004 et 2016, valant plus de 1.000 milliards de FCFA, dont les entreprises adjudicatrices sont à 42,20% européennes, 40,10% asiatiques et 19,70% congolaises, ont été évalués par la CNLCCF pour la période de 2004 à 2013. Plus de 265 contrats sont irréguliers pour 83 milliards de FCFA, dont 74,83% ont été décaissés sur des projets réalisés à 43,67% seulement. Sur 311 chantiers contrôlés, 28,94% seulement sont achevés, 10,61% en cours d’exécution et 60,45% abandonnés ou inexistants. Lorsqu’ils sont retrouvés, les contractants indélicats sont rarement jugés et punis. Ainsi, dans un contexte de coopération asymétrique, le contrôle des engagements de l’Etat, est un enjeu de souveraineté nationale. Le cumul des pouvoirs le dilue et favorise le conflit d’intérêts entre l’Ordonnateur et le Comptable. La séparation des pouvoirs limite ce conflit. Elle nécessite le recentrage du contrôle autour de la Cour des comptes, d’où la promotion du contrôle à priori, inculquera aux administrateurs, les vertus de la «saine administration».
Emmanuel OKAMBA Maître de Conférences HDR en Sciences de Gest Edition:Édition Quotidienne (DB) Notification:Non |