Sylvain Mpili : " Mon choix d'accepter de diriger la Librairie Galerie Congo interroge non seulement l'économiste mais aussi ceux qu’intéresse le sort de la littérature"

Samedi 14 Mars 2015 - 13:15

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Sylvain Mpili, 51 ans, est le nouveau directeur général de la Librairie Galerie Congo. Diplômé de l'université de Paris-Dauphine et titulaire d'un DEA de finance et d'économie, il a fait l'essentiel de sa carrière dans la banque, et plus récemment au poste de directeur administratif et financier de Servair Congo SA, avant de se voir confier, en 2014, la fonction de directeur de cabinet près la direction générale de la banque Société générale Congo.

Les DépêSylvain Mpiliches de Brazzaville : Vous avez été nommé en début d’année, quelles orientations prévoyez-vous pour 2015 ?

Sylvain Mpili : J'ai entrepris de poursuivre le développement de cette entité créée par Jean-Paul Pigasse, à qui je rends un hommage appuyé dans vos colonnes pour cette remarquable initiative. Celle-ci consistait, en 2008, à redonner sa place au livre africain et aux auteurs de la sous-région Afrique centrale dans la ''capitale mondiale de la culture''. Une aubaine pour ces auteurs souvent en quête de visibilité, mais aussi pour la Librairie Galerie Congo, qui réalise là une part substantielle de son chiffre d'affaires.
L’édition en Afrique francophone reste encore difficile. Peu d’États ont mis en place une politique du livre qui offrirait un véritable soutien à l’édition : les livres sont encore assujettis à la TVA dans certains pays, les intrants pour la fabrication du livre sont importés et taxés, des dons de livres de l’extérieur gênent la promotion des livres édités localement, le réseau des libraires est encore faible et ne permet généralement pas de couvrir toutes les régions dans un pays… Les éditeurs africains n’ont pas encore accès aux marchés scolaires et le pouvoir d’achat faible des ménages ne permet pas l’acquisition de livres.
Et pourtant, quelques éditeurs africains continuent à travailler d’arrache-pied font vivre ainsi les cultures et les langues africaines. Quelques partenaires fidèles les aident dans leurs activités et nous recherchons avec eux, d’autres opportunités à exploiter.
Mon choix d'accepter de diriger la Librairie Galerie Congo est un choix sincère, vrai, parfois déconcertant, et qui interroge, non seulement l'économiste, mais aussi ceux qu’intéresse le sort de la littérature.

LDB : Quels sont vos objectifs pour cette année ?

SMP  : Dès ma prise de fonctions, je me suis fixé plusieurs objectifs simples : faire le choix de la diversité, perpétuer le leadership du concept « Livres et auteurs du Bassin du Congo » ; créer de nouveaux lieux d’expression artistique à travers la littérature et l’art, car je considère que la culture, au même titre que le fait de s’habiller, de se nourrir ou encore d’avoir un toit, est essentielle et permet d’aller plus loin dans la compréhension du monde et de faire tomber les barrières de la différence.
Nous voulons que le label « Livres et Auteurs du Bassin du Congo » introduit au Salon international du Livre de Paris par Bénédicte de Capèle  et Aminata Diop (respectivement directrice internationale des Dépêches de Brazzaville et Chef de projet  Livres et Auteurs du Bassin du Congo, ndlr) vive et s’enracine dans les mémoires, afin de créer un moment privilégié de convivialité et d’échange autour des cultures.

LDB : À propos de la compréhension du monde, la Librairie galerie Congo est-elle réellement ouverte à tous les mondes ?

SMP : La librairie galerie Congo a été créée fin 2008. Sa mission prioritaire, était de devenir l'une des vitrines culturelles de l’Afrique créatrice à Paris, afin de montrer au monde, les œuvres de ses grands artistes plasticiens de notre époque. L’espace a pris son essor et est devenu peu à peu, une référence connue pour l'accueil de nombreux auteurs, peintres, photographes et autres artistes qui y passent quotidiennement, sans distinction de nationalité. Même si sa fréquentation reste peu élevée comparativement à d'autres lieux sans doute plus connus à Paris, il s'y organise néanmoins plusieurs rencontres littéraires riches autour d’auteurs comme Daniel Maximin, compagnon de route d’Aimé Césaire, l’écrivain Sami Tchak, le photographe Samuel Nja Kwa, le professeur Jacques Chevrier, la jeune auteure Ndèye Fatou Khane, petite fille de  Cheikh Hamidou Anicet Etou Nianga, auteur de Papa Wemba, la voix de la musique congolaise moderne (L'Harmattan), une biographie du célèbre musicien congolais, pour n’en citer que quelques-uns. Chacune des rencontres nous a permis d’ouvrir davantage notre espace, et donc un peu de notre Congo à cette diversité culturelle africaine.
L’année dernière, au mois de juin, sous le même label, « Livres et auteurs du Bassin du Congo» a, lors de la 32ème édition du Marché de la Poésie, place Saint-Sulpice à Paris, co-organisé la participation de 13 poètes venus des pays du Bassin du Congo.
En février 2015, à l’occasion de l'anniversaire des 20 ans de la mort de Sony Labou Tansi, et des représentations de la pièce « Sony Congo ou la chouette petite vie bien osée de Sony Labou Tansi » au théâtre Le Tarmac à Paris, la Librairie Galerie Congo a organisé un hommage d’exception qui a rassemblé plusieurs auteurs de la diaspora congolaise en France, et bien d'autres invités autour de la figure emblématique de cet auteur congolais internationalement reconnu.

LDB : Quel est le but de la participation de la Librairie galerie Congo à ce grand rendez-vous annuel du livre au Parc des expositions de la Porte de Versailles à Paris ?

SMP : L'Afrique doit être consciente de ses atouts. Nous sommes en effet à notre 6ème participation au Salon du livre de Paris sous le label « Livres et auteurs du Bassin du Congo ». En quatre jours, une fusion va s’établir entre nos auteurs et écrivains venus tout spécialement du Congo et de la sous-région du Bassin du Congo, et leurs pairs de France et du reste du Monde.
L’expérience acquise durant ces 5 dernières années montre que l’espace « Livres et auteurs du Bassin du Congo » prend ses marques d'année en année, et est aujourd’hui considéré comme le lieu de rendez-vous incontournable des acteurs et des passionnés de littérature africaine francophone. « Livres et auteurs du Bassin du Congo » a également pour vocation de constituer un réseau de partenaires institutionnels et professionnels destiné à accompagner ses actions collectives : Organisation internationale de la francophonie, ministère des affaires étrangères français, Alliance internationale des éditeurs indépendants, Africultures, Unesco, pays du Bassin du Congo...
Ainsi, du 20 au 23 mars prochain, plus de 3 000 livres seront exposés sur une superficie de 280 m2 et 25 tables rondes seront organisées. Elles seront animées par des intervenants prestigieux venus de tous horizons.

LDB : Pouvez-vous nous donner quelques indications sur la programmation ?

SMP : Elle est riche comme chaque année ! On célèbrera entre autres, la vitalité actuelle du cinéma et de la poésie au Congo, hommage sera rendu Sony Labou Tansi, l’actualité littéraire sera évoquée notamment lors d’un entretien avec Henri Lopes autour de son nouvel ouvrage, Le Méridional (Gallimard, Continents noirs). Le Brésil, pays invité d'honneur du Salon nous bercera aux sources de la samba et des rythmes africains, créant ainsi le lien entre la très populaire samba du Brésil et l'Afrique.
L’histoire occupera une place de choix. Ainsi, en prélude à l’édification d’un espace de mémoire de la traite négrière sur le site historique de la baie de Loango, Livres et Auteurs du Bassin du Congo organisera lors du Salon, en partenariat avec le Centre culturel du Brésil, une conférence axée sur les nombreuses interactions historiques et culturelles existant entre l'Afrique et le Brésil. Une belle occasion pour mon pays, le Congo, de mettre en lumière trois hauts lieux de mémoire de la traite négrière : Gorée, Ouidah et la Baie de Loango en présence de nombreux spécialistes et représentants des chefs d'État du Sénégal, du Bénin et du Congo. Y participeront également, André Patient Bokiba, maître de conférences à l'université Marien-Ngouabi, le poète et écrivain sénégalais Hamidou Sall, Jean-Yves Paraïso, maître de conférences à l'université de Perpignan, Lydie Pongault, directrice du musée-galerie du Bassin du Congo à Brazzaville et conseillère du chef de l'État congolais à la culture et aux arts, qui présentera l'exposition Kiébé Kiébé, danse initiatique du Congo-Brazzaville qu'elle a par ailleurs présenté à l'université de Salvador de Bahia au Brésil cette année.

Propos recueillis par R-M Bouboutou et M A Ngoma

Légendes et crédits photo : 

Photo : Sylvain Mpili Crédit photo : Dépêches de Brazzaville