Evocation : "Nous n’avons pas assez aimé Eric"Vendredi 4 Septembre 2015 - 23:15 Jacques Eric Victorien Mampouya, Comédien, Metteur en scène de théâtre et Scénariste, a tiré sa révérence le lundi 31 août 2015 au CHU de Brazzaville à la suite d’un accident cardio-vasculaire. Il est parti comme il l’a vécu, sans bruit inutile ni fanfare. Discret, trop discret. Pourtant si talentueux et généreux de sa science théâtrale. Pour un natif de Brazzaville de 1963, année de la révolution congolaise, on aurait pensé qu’il verserait dans la dialectique des outils de propagande qui oblitèrent, aujourd’hui encore, l’horizon de la République.
Après des études primaires et secondaires de bonne facture, Jacques Eric Victorien Mampouya avait amorcé des études d’économie à l’Université Marien Ngouabi de Brazzaville, jusqu’à ce que, pris et dévoré par la passion du théâtre, il largue tout : équations et théories capitales. A lui la scène théâtrale ! Au public la symphonie des émotions ! La plongée dans le travail théâtral d’Eric Mampouya est étonnante et scandaleuse par le foisonnement des projets investigués, des mises en scène réalisées ainsi que des stages effectués ou animés. Des dates clé Quatre dates et situations constituent le portail d’entrée dans la vie d’artiste d’Eric Mampouya. 1982, premier grand rôle de comédien dans la pièce « Simba Mvita » mise en scène par Sony Labou Tansi ; 1984, premier stage académique de formation d’acteurs sous la direction de Pascal Nzonzi et Guy Lenoir. 1987, première participation en qualité d’assistant metteur en scène pour la pièce « L’étrange crime de Pancrace Amadeus » de Sylvain Bemba, mise en scène de Gilbert Nsangata. 1991 première mise en scène personnelle pour « Electre, mon amour » de Laszio Gyurko. En quatre dates, on retrouve une petite cartographie d’élections imaginaires propre à Eric Mampouya. Sony et Sylvain, deux monstres de la dramaturgie congolaise. Pascal Nzonzi, le plus grand comédien congolais de tous les temps et Gilbert Nsangata l’immense cinéaste qui n’a pas rendu au Congo toutes les créations, dont son talent est capable. Son esprit dans le vent, son baluchon sur le dos et maître de son expertise théâtrale, Jacques Eric Victorien Mampouya a commencé à arpenter le monde, le sud et le nord, l’est et l’ouest pour délivrer les métamorphoses de ses créations et de son jeu d’acteur sans s’économiser ni compter. Il a tout à tour rencontrer, explorer et traverser les univers de : Caya Makhele dans « la fable du cloître des cimetières » ; de Bernard-Marie Koltes « dans la solitude des champs de coton » ; de Sony Labou Tansi dans « Monologue d’or et noce d’argent » ; d'Emmanuel Bounzeki Dongala dans « La femme et le colonel » ; de Jean Racine dans « Andromaque en Aboymey » ; de Shakespeare dans « Hamlet » ; de Jean Marie Adiaffi dans « Mélédouman ou la quête d’identité » ; de Arthur Vé Batoumeni dans « Le pauvre petit gars d’à côté ». Chez Eric Mampouya, le comédien a également rencontré la télévision et le cinéma. Il faut retenir sa présence dans « La rue des mouches » réalisé par P. Laïk (FR3) ; dans « La bouteille de whisky » de Hyacinthe Mienandi (Tv Congo) ; dans « L’autre fils de Dieu » de Arthur Vé Batoumeni (médiAfrique communication) et dans « Le voyage à Ouaga » de Camile Mouyeke (prix du public, Fespaco 2003). La voix d’Eric radiophonique et vivante a été mise à contribution dans : « Antoine m’a vendu son destin » et « Lèse-majesté » de Sony (Rfi). Le metteur en scène qui a frappé l’imagination dans trois dispositions scéniques dune grande audace que sont Lèse-majesté de Sony en 2000, La femme et le colonel de Dongala en 2001 et la Contrebasse de Patrick Sükind en 2004, a décidé d’élargir sa quête professionnelle vers l’écriture et la réalisation cinématographique à partir de 2008. C’est ainsi que le projet documentaire, Les petits enfants de Père Jarrot, porté par Eric avait bénéficié en 2010 d’une bourse à la réécriture de l’Oif et demeuré disponible pour la réalisation dès que le plaidoyer financier aurait tenu ses effets. Comme pour tout échafaudage humain, la mécanique d’Eric Mampouya s’est retrouvée enrayée par la maladie depuis quelques années. Et sa cinétique créatrice s’est progressivement altérée. La solidarité publique et privée lui a été comptée. Bien que des nombreux comédiens lui doivent d’avoir mis le corps en scène et la voix à l’assaut de l’espace, il n’est pas tout à fait faux de dire aujourd’hui, le cœur gros et l’esprit en bataille, que « nous n’avons pas assez aimé Eric ». Cela vaut pour beaucoup et pour moi-même.
Jean Blaise Bilombo Samba Légendes et crédits photo :Eric Mampouya a tiré sa révérence ce lundi 31 aout 2015 au CHU de Brazzaville
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