Une année conflictuelle ? Si l’on s’en tient à l’avalanche des contestations, des revendications et des violences enregistrée au long des douze derniers mois dans nombre de pays, l’année 2013 qui vient de se terminer aura maintenu son thermomètre à une température très élevée. Ce qui a justifié, pour ce qui concerne l’Afrique centrale, précisément, une succession de sommets des chefs d’État de la sous-région consacrés à la Centrafrique, et plus loin, l’organisation à Paris, en France, d’un autre, baptisé sommet de l’Élysée pour la paix et la sécurité en Afrique.
RDC
En ce début 2014, l’attention de la communauté internationale est tournée vers la République démocratique du Congo en proie à l’instabilité dans l’est de son territoire. Depuis une dizaine d’années, en effet, le pays fait face à l’action de « groupes armés tant nationaux qu’étrangers » (insistait l’ONU lors du sommet d’Addis-Abeba), il accuse son voisin rwandais de tirer les ficelles, en particulier autour de la rébellion du M23. La région des Grands Lacs est menacée d’implosion.
Le 24 février, « un accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo et la région » est signé sous l’égide du Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, en présence des dirigeants de onze pays africains, parmi lesquels naturellement la RDC et le Rwanda, mais aussi le Congo impliqué au plus haut niveau à travers le président Denis Sassou-N’Guesso.
Dans le cadre de la mise en œuvre de cet accord, de longs pourparlers menés en Ouganda aboutissent le 5 novembre à la dissolution du M23. Tous les problèmes d’insécurité ne sont pas pour autant pas réglés en RDC. En témoignent les attaques simultanées des symboles de l’État le 30 décembre à Kinshasa, Lubumbashi et Kindu.
MALI
Bien avant la réunion d’Addis-Abeba sur la RDC, le Mali est entré en guerre contre des groupes islamistes dans le nord de son territoire avec l’appui décisif des forces françaises de l’opération Serval et un engagement là également déterminant du contingent tchadien. Les hostilités commencent le 11 janvier, après que la France a obtenu le feu vert du Conseil de sécurité de l’ONU à la demande des autorités maliennes de transition. Dans sa phase opérationnelle, Serval a fait connaître au monde, à travers les médias, les régions et les villes intérieures maliennes comme les Iforas, Kidal, Gao, mais aussi les noms des groupes djihadistes ou indépendantistes : Ansar Dine, Mujoa, MNLA, MMA.
En apparence, il faut encore du temps pour apaiser le Mali qui s’est engagé aussi, au-delà de la guerre dans le nord, sur des dossiers judiciaires plus ou moins coriaces concernant notamment l’ancien chef de la junte militaire Amadou Haya Sanogo, et l’ex-chef de l’État Amadou Toumani Touré. Le tombeur de Moussa Traoré encourt un procès pour haute trahison alors que son propre tombeur lui est, depuis, inculpé sous les chefs d’accusation de complicité d’enlèvements, meurtres et assassinats.
RCA
Croyait-on, peut-être, fort des accords de Libreville conclus le 11 janvier par les belligérants centrafricains, que ce pays avait franchi une étape importante sur le chemin de la réconciliation ? Non. Les choses se sont précipitées avec la prise du pouvoir par les rebelles de la Séléka le 24 mars. Conduits par Michel Djotodia, ces derniers renversent le président François Bozizé. La Communauté économique des États de l’Afrique centrale constate les dégâts et sauve l’essentiel, presque, en insistant sur l’intangibilité de la clause des accords concernant le rôle et la « longévité » du Premier ministre de transition, Nicolas Tiangaye.
Instable depuis les années de son indépendance, la Centrafrique le prouvera encore davantage avec la présence sur son sol de plusieurs soldats arrivés à la demande, en mission de paix, en provenance de pays voisins et du continent ainsi que de la France. Sur le terrain, les violences qui se poursuivent montrent à quel point ce pays mérite le soutien de tous, de sorte que ce qui lui arrive n’ait pas d’effets déstabilisateurs sur l’ensemble de la sous-région.
Soudan du Sud
Les positions se durcissent entre le président Salva Kiir et son ex-vice-président Riek Machar, en guerre depuis la mi-décembre. Les morts et les déplacés se comptent par milliers. La communauté internationale se mobilise pour que le jeune État, né le 9 juillet 2011, ne sombre pas dans une guerre civile dont les conséquences pourraient déstabiliser plusieurs pays de la région.
Et le Congo, alors ?
Lisons 2013 sur deux volets : un volet extérieur, sur les engagements du pays vis-à-vis de ses partenaires ; un volet intérieur, traitant du quotidien des Congolais. Au plan extérieur, Brazzaville a répondu présent aux appels de solidarité des pays amis et frères en difficulté. L’engagement sur la crise centrafricaine est demeuré constant. En sa qualité de médiateur, le président Denis Sassou-N’Guesso a reçu plusieurs fois les dirigeants de transition et s’est rendu en personne à Bangui. La solidarité à l’égard de la RDC ne s’est pas démentie, comme l’ont prouvé les nombreuses visites échangées par les dirigeants des deux pays. Le soutien logistique apporté au Tchad durant sa campagne malienne est à mettre au compte de cette solidarité africaine.
Par ailleurs, le Congo a été honoré par la visite du président chinois Xi Jinping, Brazzaville et Pékin préparant par ailleurs la célébration des 50 ans de leurs relations diplomatiques. Les relations avec la Côte d’Ivoire ont connu un regain d’intérêt avec le séjour de travail du président Alassane Ouattara, au même titre que celles liant le Congo au Rwanda, au Burundi et à l’Afrique du Sud.
Reçu par son homologue François Hollande au mois d’avril, Denis Sassou-N’Guesso avait plaidé pour le renforcement de la coopération avec Paris sur « le volet de la formation professionnelle et qualifiante ». Hôte du Medef International (le patronat français), il a incité les hommes d’affaires français à investir davantage au Congo, alors qu’à l’adresse de la diaspora congolaise, le chef de l’État lâchait tout simplement : « Le Congo a besoin de vous ». Plusieurs dirigeants africains et de nombreux experts ont pris part à Brazzaville, à l’initiative du magazine Forbes Afrique, au forum sur l’émergence des classes moyennes africaines.
Sujets qui fâchent
On ne peut passer sous silence la mise en examen, en France, du général Norbert Dabira par la justice française dans le cadre de l’affaire des disparus du Beach. On ne peut non plus ne pas évoquer la récurrente affaire dite des biens mal acquis, qui envenime autant que la première le climat entre Paris et Brazzaville. Dans la première affaire, le Congo, par la voix du ministère de la Justice et des Droits humains, Aimé-Emmanuel Yoka, dénonçait, lors d’une conférence de presse, le 26 août « un acharnement politique, une agression permanente et systématique aux relents colonialistes », invoquant l’autorité de la chose jugée. (Un procès sur l’affaire a eu lieu au Congo en 2005).
Dans la seconde, où il est visé par les plaintes des ONG Transparency International et Sherpa, le président de la République, dans une interview accordée à Paris-Match, le 4 décembre, parle de volonté de nuire : « J’ai fait une déclaration autorisant les banques à rendre publics les comptes éventuels que je pourrais détenir directement ou indirectement. À ce jour, je suis sans nouvelles de leur part. » Sur ces deux affaires, les relations entre le Congo et la France en restent là, froides. Celles avec l’Angola ont connu un pic de tension, en octobre, à la frontière de Kimongo, dans le Niari. Une cinquantaine de soldats congolais était retenue par des militaires angolais à Cabinda, avant que les choses ne rentrent dans l’ordre. « Les Congolais restent nos amis, et tout cela n’était qu’un malentendu », faisait savoir le ministre angolais des Affaires étrangères, George Chicoty, dans une interview en décembre, à Jeune Afrique.
Le quotidien
Revenons à l’année conflictuelle : les syndicats des enseignants ont mené une grève de plusieurs mois, qui a failli coûter aux élèves l’année scolaire. Les agents municipaux de Brazzaville et Pointe-Noire ont aussi observé un long arrêt de travail. Les greffiers ont reconduit jusqu’en janvier leur grève commencée en décembre 2012. Les sinistrés des explosions du 4-Mars ont élevé le ton plusieurs fois, jusqu’à se faire disperser par le police le 1er août. La police a aussi dispersé à Pointe-Noire une manifestation de hors-la-loi présumés qui protestaient contre le mort d’un « Kuluna ».
La force publique a aussi mené une opération de rétablissement de l’ordre public, le 16 décembre, à Brazzaville, qui a conduit à l’arrestation de l’ancien numéro deux du Conseil national de sécurité, le colonel Marcel Ntsourou. Les conseillers départementaux et municipaux, à la recherche d’un statut particulier, n’ont eu de cesse de réclamer une sorte de « reclassement » parlementaire donnant droit à un « meilleur » traitement.
Associés aux décisions de Dolisie, plusieurs partis de l’opposition modérée suspendaient, le 12 juin, leur participation dans les opérations du recensement administratif spécial en cours. Ce quotidien a été aussi celui du phénomène des demi-terrains, toujours en vigueur, des délestages dans la fourniture de l’eau et de l’électricité, des embouteillages monstres, que l’on peut attribuer, en partie, à la mise en chantier de plusieurs infrastructures routières dans la capitale congolaise.
Dans l’arène politique de ce quotidien, le fait saillant est la création de la Dynamique républicaine pour le développement (DRD), parti fondé par le ministre Matson-Hellot Mampouya, ancien « enfant terrible » du Mouvement congolais pour la démocratie et le développement intégral (MCDDI) de Bernard Kolélas. Née dans la douleur de la séparation avec ses anciens amis, la DRD est en train de se frayer son propre chemin, le lien avec le tutélaire Ya Bekol devenant de plus en plus disputé.
Par contre la naissance, enfin, des deux organisations féminine et juvénile du Parti congolais du travail (PCT), l’Organisation des femmes du Congo (OFC) et la Force montante congolaise (FMC) peut être le point de départ d’une refonte de l’ex-parti unique.
Les observateurs se sont effet posé la question de savoir pourquoi les dénominations des deux mouvements affiliés ne font pas référence au PCT. Ils oublient, peut-être, que l’Union révolutionnaire des femmes du Congo (URFC) et l’Union de la jeunesse socialiste congolaise (UJSC), ancêtres des nouvelles « succursales » du PCT n’ont guère manqué à leur devoir de fidélité vis-à-vis de celui-ci. Elles avaient d’ailleurs vu le jour avant le parti. Deux lignes pour terminer sur ce chapitre.
L’Union panafricaine pour la démocratie sociale (Upads), principale formation de l’opposition, s’est battue sur plusieurs fronts. Celui de son existence devant la contestation menée par ses anciens caciques, et celui de son indépendance de vues devant les partis signataires de la déclaration du 17 août. C’est sous cette appellation qu’est aujourd’hui rangé ce que l’on appelle chez nous l’opposition radicale.
Bons points
Ce tableau conflictuel ne peut faire oublier les moments de joie partagés au cours des douze derniers mois. Le 15 août, Djambala, chef-lieu du département des Plateaux était revêtu des couleurs de la République à l’occasion des festivités de l’indépendance. Une enveloppe de 438 milliards FCFA soutient la municipalisation du département. Toujours attendue, la future compagnie aérienne Air Cémac a installé son siège à Brazzaville le 7 mars.
C’est aussi pour accélérer l’intégration sous-régionale que les six pays de la Cémac ont décidé en juin de lancer en 2014 le passeport Cémac. Un bémol tout de même avec la volte-face de la Guinée équatoriale. Confronté à la fourniture de l’électricité, le Congo a conclu en juin un partenariat de performance liant la Société nationale d’électricité à Électricité de France. Les consommateurs en attendent les retombées.
Au plan agricole, le Congo a renoué avec l’exportation du cacao à la suite d’un accord signé en juin avec la société CIB-Olam. Dans le même ordre d’idée, la société malaisienne Eco Oil Energy s’est engagée à relancer les palmeraies de Mokéko. Pour sa part, Atama Production a conquis de vastes espaces dans la même région pour y développer le palmier à huile. Cela s’est plutôt bien passé, le Congo et l’Angola ont avancé dans le processus d’exploitation commune du champ pétrolier de Lianzi dont l’entrée en production attendra 2015.
À l’initiative du magazine Forbes, Brazzaville a réuni le 23 juillet de nombreux chefs d’État et experts pour parler de l’« émergence des classes moyennes africaines, l’entrepreneuriat et les nouveaux modes de consommation ». Des débats de haut niveau dont on espère que les enseignements partagés seront exploités à bon escient par les décideurs de tous les niveaux.
Terre de culture par excellence, le Congo a accueilli, en février, le célèbre festival Étonnants Voyageurs, puis en juillet, la neuvième édition du Festival panafricain de musique. Le pays récipiendaire de la lointaine Coupe d’Afrique des nations de football 1972 a conquis en septembre, à Nice, en France, dans la même discipline, la médaille d’or des septièmes Jeux de la Francophonie. Les jeunes de moins de vingt ans ont été reçus par le président de la République et mérité les hommages de la nation.
Solidarité, mais aussi reconnaissance, le Congo a rendu un hommage mérité à Nelson Mandela, salué la mémoire de Tabu Ley Rochereau et de Jacques Loubelo, l’inépuisable chanteur de Congo, l’hymne à la concorde nationale. Cette concorde dont tous les pays du monde ont tant besoin pour aller de l’avant.