Eboueur ou Caterpillar?

Le suspense n’a pas duré longtemps. Du fait de ses multiples enjeux, l'élection présidentielle américaine du 5 novembre a, dans tous les cas de figure, mis en lumière le poids des États-Unis d'Amérique sur la scène mondiale. Elle vient de consacrer la victoire du républicain Donald Trump contre la démocrate Kamala Harris au terme d'un processus haletant duquel la nation américaine ne sort pas tout à fait indemne.

Au rythme où s'est déroulée la campagne électorale, à l'interne, les divisions entre les deux camps pourraient continuer à s’accentuer. Mais le pays de l’Oncle Sam a su montrer avec une certaine grandeur qu’il n’est pas tombé dans des violences redoutées, globalement entre les « bons » et les « mauvais », selon les appartenances partisanes des uns et des autres. Les invectives ayant émaillé la campagne électorale laisseront des traces que pourraient surmonter les performances de la future nouvelle administration républicaine si elle fait preuve d’habileté. 

À l'international, il est possible que les lignes de fracture en place entre les « justes » et les « injustes », selon l’angle considéré, subissent des revirements. En tout état de cause le monde a les yeux rivés vers l'Europe de l’Est perturbée par la guerre russo-ukrainienne et vers un Proche-Orient empêtré dans le conflit opposant Israël au mouvement du Hamas avec la crainte de sa régionalisation. L’homme de l’année ou de la situation est-il donc potentiellement le 47^e président des Etats-Unis?

Victorieux quatre fois (couronnement chez les grands électeurs, vote populaire acquis, majorité au Sénat et à la chambre des Représentants), Donald Trump a les coudées franches pour mettre son programme à exécution. Revêtira-t-il à ce titre la chasuble d'un éboueur ou plutôt la salopette d'un conducteur de Caterpillar ? Dans le premier cas – rappelons-nous de sa veste rouge-orange à bord d’une benne à ordure lors d'un de ses shows de campagne - il devra assainir la société américaine de ses nombreux maux, les plus en vue, résume-t-il, étant la vie précaire du citoyen moyen et l’immigration clandestine. Cela vaudra pour la politique intérieure.

Au plan extérieur face aux ruines qui s’accumulent sur les principaux champs de bataille mentionnés plus haut, peut-être se hissera-t-il sur un Caterpillar entreprenant de nettoyer la façade internationale de ses défaillances, de sa politique des deux poids et « mille » mesures à l’origine de tant de frictions et d’incompréhensions. Dans cette optique, la question se posera de savoir si celui qui dans sept semaines retrouvera le bureau ovale a appris de certaines de ses méthodes décriées lors de son premier passage à la Maison Blanche : quand il usait de son téléphone, son outil de communication favori qu’il n’abandonnera certainement pas, pour nommer ou éconduire ses collaborateurs, renoncer aux engagements internationaux de Washington dévoilant ainsi son côté imprévisible.

Mais qu’il neige ou qu’il pleuve, éboueur ou Caterpillar, il suffira au président Donald Trump, à partir du 20 janvier 2025, jour de son entrée en fonction officielle, de mettre la forme dans sa conduite des affaires de la toujours Première puissance mondiale qu’est son pays. Une Première puissance qui devra retenir qu'elle n’a pas, ne pourra pas, et n’aura certainement pas les moyens suffisants pour faire, refaire ou défaire le monde à elle toute seule. Le secret du succès de la seconde présidence de l’homme d’affaires devenu un incontournable de la politique chez lui et à l’étranger réside peut-être dans cette lecture dépassionnée de la scène diplomatique internationale.