Micromega Bandefu : « En tant qu’artiste, je m’érige comme une voix des sans voix »

Samedi 29 Novembre 2014 - 20:00

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Au clair de ma voix, tout premier recueil de poèmes du slameur, est à la disposition du monde, sa société et du cercle restreint de sa famille, tout spécialement son frère Christian Bokoli vivant à Cape Town. Il appelle chacun à se disposer à l’écoute des textes qu’il leur adresse. Son message, même personnel, croit-il, a une valeur universelle. C’est au travers de ce recueil, sorti ce mois aux éditions Weyrich, qu’il a choisi de coucher ce que son cœur a dicté à sa plume.

Micromega Bandefu dédicaçant le recueil de poèmes Au clair de ma voixLes Dépêches de Brazzaville  : Comment devrait-on comprendre Au clair de ma voix-Poèmes à lire avec les oreilles ? Que laissez-vous entendre par ce titre  ?

Micromega Bandefu  : Pour commencer, Au clair de ma voix est un recueil de poèmes. Et je dis Poèmes à lire avec les oreilles parce qu’au départ mes écrits sont des textes de slam destinés à être entendus. Au clair de ma voix a été écrit pour être déclamé, slamé, pour que les gens l’écoutent. Donc, quand j’ai réalisé ce recueil j’ai voulu préciser qu’il y a d’abord ce côté audio, vocal et acoustique du livre à considérer, à savoir que c’est un livre qui parle. Et, un peu comme Au clair de la lune certains trouveraient à discuter sous la lumière de l’astre, Au clair de ma voix est une espèce de champ de lumière vocal qui se crée autour de ma voix. Avec Au clair de ma voix les gens se placent dans le champ où ma voix résonne.

LDB : Qu’est-ce qui vous met dans l’urgence d’écrire ?

M B  : Au départ, j’écris par passion et puis ensuite, l’écriture devient mon arme d’expression mais il arrive que je reçoive des demandes de gens qui me demandent d’écrire parce qu’eux-mêmes ne savent pas exprimer leur ressenti. En tant qu’artiste, je m’érige comme une voix des sans voix, alors j’écris aussi pour les autres. Mais c’est d’abord un point de vue personnel face à un malaise constaté dans la société ou qui touche à ma vie personnelle car je sais que les problèmes jugés personnels ne le sont pas vraiment. Si j’écris après un choc aujourd’hui, cela peut aider quelqu’un d’autre demain, le consoler face à la même situation. On vit ensemble. On a tous, après tout, les mêmes vérités, comme je le dis dans un texte.

LDB : De quoi parlent ces textes que vous voulez faire entendre  ?

M B : Nous avons tous besoin de parler. C’est une nécessité. Je crois que l’on parle pour toutes les raisons de la vie et particulièrement quand il y a des problèmes. Et là, face à la guerre dans l’Est, aux violences faites aux femmes, la misère des enfants abandonnés, je me dis qu’il y a un tas de problèmes sur lesquels il faut parler. Il y a aussi un appel aux jeunes qui s’étend à tout le monde à aimer la lecture. C’est tout cet ensemble de choses, de problèmes de notre société que j’ai crié, dénoncé. J’ai voulu emmener les gens à aimer les livres car je crois qu’ils doivent lire, s’instruire pour être à mesure de parler, déclarer et dénoncer. Car, ils pourraient un moment avoir le désir profond de parler, dénoncer et crier, mais s’ils ne s’instruisent pas, ils ne sauront pas le faire.

LDB : Au final, Au clair de ma voix ne ciblerait-il pas un public jeune tout simplement ?

M B  : Non. Il n’a pas de public cible. Au clair de ma voix s’adresse à tout le monde, ces vingt textes vont dans tous les sens. Certains évoquent les problèmes de notre société congolaise, d’autres du monde entier. Tout le monde peut le lire et s’y retrouver quoiqu’il y en a un tout particulièrement écrit pour les élèves.

LDB : Vos textes sont assez longs d’ordinaire. Y a-t-il une raison à cela ?

M B  : Oui. Mais textes sont habituellement plus ou moins longs. Ils prennent trois minutes de déclamation parce qu’ils sont écrits pour être portés à l’oral et il y a ce besoin d’étaler les choses. Le texte que j’ai écrit à mon frère est le plus long car j’y raconte tout ce que nous avons vécu depuis son départ jusqu’à aujourd’hui.

LDB : Comment se porte la scène slam de Kinshasa à ce jour et quelle place Microméga y occupe-t-il  ?

M B  : La scène slam se porte bien. Il y a beaucoup d’amis zélés qui se donnent avec acharnement au slam. Je citerai notamment Yekima et Peter Komondwa qui réalisent des albums slam en studio et ma contribution à moi, c’est ce recueil. Et du côté du public, il y a aussi un engouement, il y a des gens qui aiment vraiment le slam. Des Congolais mais aussi des expatriés veulent savoir et me demandent quand je prévois ma prochaine prestation. Le mouvement slam récolte à son passage beaucoup de fans et je crois qu’il a de l’avenir. C’est pour cela que nous essayons de nous battre pour qu’il prospère. Pour ce qui est de ma place, lorsque Grand corps malade est venu en 2013, j’étais parmi les trois slameurs qu’il a accepté de faire intervenir à ses côtés à son concert. Donc je crois que mon travail est reconnu et accepté et c’est cela qui m’encourage à aller de l’avant.

 

Nioni Masela

Légendes et crédits photo : 

Photo : Micromega Bandefu dédicaçant le recueil de poèmes Au clair de ma voix