Théâtre : Molière et Hippocrate, même combat

Jeudi 26 Février 2015 - 16:30

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Le public le réalisera au travers de « Délices  mortelles », une pièce qui sera mise sur scène le 4 mars prochain au Cfrad. La première mouture de cette pièce est écrite en 1997. Elle s’est, au fil du temps, enrichie des grandes évolutions réalisées tant au plan des stratégies de sensibilisation qu’à celui de l’accès aux antirétroviraux, dans la lutte contre le VIH/SIDA. On ne voit plus sur les artères principales des panneaux montrant les dessins des squelettes des malades cachectiques.

Depuis 1998, de nombreuses démarches en vue de sa mise en espace et de son édition n’ont reçu que des félicitations, des encouragements et parfois des promesses non tenues. Tant d’autres manuscrits sont d’ailleurs voués à ce sort. Triste traitement pour un art majeur dans lequel l’intellect est plus fortement sollicité qu’en musique par exemple, où les artistes-musiciens reçoivent plus facilement des appuis!

Le cri de cœur de l’économiste forestier et écrivain Henri Djombo à l’endroit des sponsors et mécènes, pour soutenir le théâtre afin que dans une dynamique de démocratisation, tous les arrondissements abritent régulièrement des spectacles de théâtre, vaut son pesant d’or. Il y a sans doute chez celui qui a succédé à l’immense poète Jean-Baptiste Tati Loutard à la tête de l’Union nationale des écrivains et artistes congolais (Unéac), une fibre théâtrale dont il veut être un passeur. « Aimer le théâtre, c’est aimer la vie », dixit Charles Baloukou, artiste comédien.

C’est l’oreille attentive de Madame Ana Elisa Susana Afonso, représentante de l’Unesco au Congo, qui permet finalement à ce manuscrit, ayant accompli le parcours du combattant, de sortir de l’ombre au moyen d’un partenariat entre la Représentation de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture et Action Perfect’Art (APA), une association culturelle.

« Délices mortelles », un drame en sept tableaux

Comme le titre ne l’indique pas, cette pièce qui met en jeu 18 personnages est plutôt un hymne à la vie. En ces temps de pandémie du Sida, elle fait appel à la responsabilité humaine. La scène est alors le lieu où se produit le déclic susceptible de pousser les gens à se remettre en question et à adopter un comportement responsable. C’est l’approche aristotélicienne de la purgation des passions. La scène théâtrale est dès lors l’espace de la catharsis. Théâtraliser par exemple le génocide rwandais, c’est non seulement faire acte de devoir de mémoire, c’est aussi un geste d’exorcisation de la bête qui se tapit en chaque humain, et probablement un fait de thérapie cognitive et comportementale.

Certes, le SIDA n’est plus le « syndrome imaginaire pour décourager les amoureux ». Mais force est de constater que subsistent quelques pesanteurs pour une prise de conscience effective de ce fléau. On continue, malheureusement, à assister à des déchirements familiaux pour un décès pourtant dû au VIH, mais pour lequel il faut absolument trouver un sorcier.

En écrivant : « … théâtraliser la parole en la portant à son paroxysme, pour donner au théâtre sa vraie mesure, qui est la démesure; le verbe lui-même doit être tendu jusqu’à ses limites ultimes… », Eugène Ionesco, dramaturge et théoricien du théâtre, se situe bien dans cette perception du théâtre comme espace de matérialisation des angoisses et, partant, d’apprivoisement de la réalité sociale et humaine.

À propos de la pièce…

Après une dizaine de jours de répétition, des jeunes, étudiants de l’enseignement supérieur et lycéens, qui ne sont donc pas des pros du théâtre, ont sous la direction d’Éric Aimé Kouizoulou, auteur ayant lui-même fait la mise en scène, se sont approprié, non sans panache, « Délices mortelles », un texte pourvu de longues tirades. Cependant, bien que n’étant pas de leur niveau, ces jeunes ont aimé le texte, et vont l’offrir aux amoureux du théâtre.

Nicolas Bissi qui, aux côtés de Sony Labou Tansi, compte parmi les grands comédiens et metteurs en scène congolais, eut la primeur de la lecture de ce manuscrit. Il suggéra à l’auteur que tel que construit (la distribution topographique des scènes), ce scénario se prêtait bien au tournage d’un film.

Après des années de marche dans l’ombre en quête d’expression ou de visibilité, « Délices mortelles » a sûrement pris le chemin qui le mènera à la rencontre du public : des planches à l’écran via l’édition.

 

La rédaction

Légendes et crédits photo : 

Les jeunes artistes à la fin d'une répétition