Est de la RDC : les deux Kivu s’empoignent pour les limites du lac

Lundi 12 Janvier 2015 - 16:00

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La tension est montée d’un cran entre les élus des deux provinces lors du vote du projet de Loi organique fixant les limites des nouvelles provinces à l’Assemblée nationale. Pour arriver à un compromis entre les deux Kivu sur une nouvelle délimitation du lac Kivu, il est demandé au gouvernement de la République de convoquer les experts « dans un délai raisonnable établi approximativement à trois mois » pour se pencher sur cette matière très sensible. 

Hôtel Cap Kivu

C’est la quintessence de la recommandation que la chambre basse s’apprête à adresser officiellement à l’exécutif national pour une solution durable à cette question qui risque de s’aggraver avec lesperspectives économiques très optimistes dans cette partie est de la RDC. En effet, il y a l’exploitation du gaz méthane dans le lac Kivu. Face aux arguments pertinents des députés nationaux des deux Kivu et à leurs propositions de nouvelles limites à imposer sur le lac Kivu, la commission Politique, administrative et judiciaire (PAJ) de l’Assemblée nationale a contourné le problème en évitant de l’attaquer de front pour ne pas raviver les tensions communautaires.

Jusque-là, ce « contentieux » n’a pas empêché aux communautés des deux Kivu de vivre en parfaite harmonie. En raison de la technicité et de la complexité de la matière, l’Assemblée nationale a préféré s’entourer de toute la prudence possible. En effet, les députés nationaux des provinces de l’est du pays ont formulé plusieurs amendements lors de l'examen du projet de loi. Pour le cas de l'article relatif au Sud-Kivu, au lieu de garder la limite de "la rive nord du Lac Kivu", certains élus préfèrent une référence directe à la frontière avec l’Ouganda et le Rwanda ainsi qu’une délimitation clairement établie sur le lac Kivu. « Nous n’avons retenu aucun amendement malgré la pertinence. Ces amendements feront l’objet d’une recommandation auprès du gouvernement qui appréciera l’opportunité et, le cas échéant, soumettra un projet de loi rectificatif au Parlement », a répliqué la commission.

Accéder au lac Kivu

Pour autant, exprimant un point de vue tout-à-fait personnel, la commission PAJ a penché en faveur des arguments avancés par les élus du Nord-Kivu. « Les Une vue du Lac Kivu à partir de Bukavu, Sud-Kivuamendements à ces articles se sont cristallisés jusqu’à la fin. Face à ce blocage, nous avons sollicité l’aide du président de l’Assemblée nationale. Après avoir suivi les explications des uns et des autres, nous avons reconnu quelques pertinences aux propos des collègues du Nord-Kivu ». En fait, il y a un vrai problème à l’origine d’une situation véritablement rocambolesque. « La situation se présente de la sorte. Vous êtes à Goma, dans le Nord-Kivu, vous êtes dans un hôtel quelconque qui donne sur le lac. Dès que vous mettez la main dans le lac, vous êtes au Sud-Kivu ».

Rechercher le consensus

Le Nord-Kivu exige d’avoir un accès au Lac Kivu au lieu de ne se contenter que du rivage. Mais une autre question s’est posée avec acuité. Fallait-il une simple recommandation là où le parlement peut s’imposer et contraindre le gouvernement à s’exécuter dans les délais ? Pour le président de l’Assemblée nationale, cette démarche doit nécessairement s’inscrire dans le temps. Il faut réunir les experts et réaliser des études préalables avant d’arrêter une décision définitive. Les parlementaires ne doivent pas limiter la force d’une recommandation, a expliqué le président de l'Assemblée nationale, Aubin Minaku.

La plénière s’est achevée avec le vote effectif du projet de loi et de la recommandation. Les provinces existantes découlent des anciens districts, et conformément à l’esprit de l’article 2 de la Constitution, les territoires de ces districts appartiennent logiquement aux nouvelles provinces. En somme, les prérogatives du Parlement ne devraient pas être de procéder à un découpage territorial. Bien entendu, pour des cas spécifiques, certaines dispositions de la Constitution n’excluent pas une dynamique visant à changer la configuration de certaines provinces.

 

Le projet de loi organique en quelques lignes

Comme l’exposé de motif de la loi le stipule, il s’agit de fixer les limites des provinces par rapport aux repères physiques réels qui peuvent être constatés sur le terrain. Au-delà de la délimitation de la ville province de Kinshasa, le projet de loi détermine également les chefs-lieux de ces provinces. Cet effort de délimitation des limites des provinces et chefs-lieux visent tout simplement à prévenir des crises tribales ou communautaires qui ne sauraient que retarder davantage l’installation effective des provinces. La compétence de l’Assemblée nationale s’étend également sur la délimitation du chef-lieu en cas de nécessité.

Laurent Essolomwa

Légendes et crédits photo : 

Photo 1 : Hotel Cap Kivu (Goma, Nord-Kivu) : le Sud-Kivu à partir du lac Photo 2 : une vue du lac Kivu avec les pêcheurs (Bukavu, Sud-Kivu)