Afrique/Minéraux critiques : le Japon accroît sa puissance en douceMercredi 23 Octobre 2024 - 15:26 L’Afrique subsaharienne héberge 30 % des réserves mondiales connues de minéraux critiques, selon un rapport du FMI. Des réserves qui attisent les convoitises des grandes puissances, faisant du continent africain un terrain de luttes géostratégiques. Si la Chine mène la course pendant que les Etats-Unis et l’UE essaient de refaire leurs retards, le Japon, quatrième puissance économique mondiale en 2023, étend aussi son influence sans se faire remarquer. Une présence japonaise croissante en Afrique L’empreinte d’une entreprise japonaise dans les minéraux critiques en Afrique remonte au moins à 2005, lorsque le groupe Sumitomo a lancé à Madagascar le projet de nickel Ambatovy. Ces dernières années, le Japon a considérablement élargi sa présence en Afrique au-delà de Madagascar grâce à des partenariats avec des entreprises minières présentes sur le continent. En septembre 2024 par exemple, le britannique Pensana a ainsi conclu un protocole d’accord pour vendre du carbonate mixte de terres rares au groupe japonais Hanwa, à partir de sa future mine de terres rares Longonjo en Angola. En août 2023, un investissement d'un milliard de dollars a été annoncé par le Japon pour explorer des minéraux rares en RDC. Ce pays d’Afrique centrale est le premier producteur mondial de cobalt et deuxième producteur mondial de cuivre, avec d’importantes réserves de lithium, d’étain et de tantale. « Le platine, le palladium, le rhodium, l’or, le cuivre et le nickel sont largement utilisés dans l’industrie japonaise […] et devraient jouer un rôle essentiel dans la décarbonisation », avait déjà souligné le PDG de Platinum Group Metals, Frank R. Hallam Diversifier les sources d’approvisionnement Les investissements croissants du Japon dans les minéraux rares en Afrique sont justifiés par un double objectif : sécuriser l’accès à ces minéraux en diversifiant ses sources d’approvisionnement. En ce sens, le Japon ne se différencie pas vraiment des autres grandes puissances qui se bousculent actuellement sur le continent. Les États-Unis comme l’UE multiplient les investissements dans le secteur minier en Afrique pour limiter leurs dépendances vis-à-vis de la Chine. Dans le cas du Japon, la Chine y est pour beaucoup dans la stratégie de diversification mise en place par l’archipel nippon qui importe presque 100 % des métaux dont ont besoin ses industries pour différentes technologies, allant des véhicules électriques à l’électronique grand public. En 2010, la Chine avait utilisé cette dépendance contre l’archipel nippon en suspendant ses exportations de terres rares vers le Japon à la suite d'un incident diplomatique entre les deux partenaires. Depuis cet incident, Tokyo a investi dans des mines de terres rares à l’étranger, ce qui a aidé à faire passer sa dépendance à la Chine de 90 % à l’époque à 60 % ces dernières années. Pour le gouvernement japonais, la Chine devrait représenter moins de 50 % de ses importations de terres rares d’ici 2025. L’intérêt pour l’Afrique L’intérêt croissant du Japon pour les minéraux critiques africains offre des opportunités aux pays africains. En ce moment, le principal défi pour le continent est d’attirer des investissements importants pour développer localement une chaîne de valeur incluant l’extraction et la transformation des minéraux. Limitée au statut d’exportateur de minerais bruts, l’Afrique devrait seulement capter 55 milliards de dollars sur un marché global estimé à 8800 milliards d'ici 2025. L’Afrique a attiré seulement 2,8 % des investissements directs étrangers alloués dans le monde à la transformation des minéraux critiques entre 2019 et 2023. Avec la multiplication des partenaires, les pays africains peuvent mieux s’organiser pour capter une part plus importante de ces revenus. La concurrence entre grandes puissances offre, en effet, au continent l’occasion d’investir davantage dans la transformation locale. Le Japon n’exclut d’ailleurs pas d’accompagner ce processus, comme en témoigne le protocole d’accord signé l’année dernière avec la Namibie. Il prévoit notamment des études sur la possibilité de faire du pays « une plaque tournante de l'industrie des terres rares en Namibie et dans les pays voisins, en envisageant la création d'une installation de concentration et de séparation en Namibie pour le minerai extrait en Namibie et dans les pays voisins ». Noël Ndong Notification:Non |