Assainissement : Brazzaville présente un paradoxe

Mercredi 18 Juin 2014 - 18:36

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Alors que le centre-ville de Brazzaville présente une belle image, les autres quartiers de la capitale, surtout en périphérie, ont du mal à faire peau neuve malgré les efforts d’assainissement entrepris par les autorités municipales. Constat…

Il suffit de se promener à travers la ville pour observer des tas d’immondices le long des grandes avenues. Pour remédier à ce problème, la mairie de Brazzaville a déployé des équipes de balayeurs, de plus en plus visibles dans chaque arrondissement. Cependant, leur travail est diversement apprécié par les Brazzavillois.

« Ils font du bon travail. Malheureusement, ils n’ont pas le matériel adéquat. Avec de simples balais et pelles comme outils de travail, que voulez-vous qu’ils fassent de mieux ? », explique Christian, 20 ans environ, de passage sur l’avenue de la Paix à Moungali, dans le quatrième arrondissement.

Prisca, par contre, estime que l’exercice auquel se livrent les agents d’entretien, chaque matin, le long des avenues ne suffit pas pour rendre la ville propre. « C’est une opération de charme. On les voit tous les jours, aux mêmes endroits et aux mêmes heures, en train de faire la même chose. On ne peut pas assainir une grande ville comme Brazzaville en travaillant à la main. Les petites machines balayeuses qui apparaissent de façon occasionnelle sur certaines avenues sont insuffisantes face à l’ampleur de la tâche », commente-t-elle.

Un budget dérisoire pour une mission colossale

Les agents d’entretien ont été recrutés, pour la majorité, lorsque les différentes communes urbaines du pays ont obtenu une subvention mensuelle de 21 000 000 FCFA. Cet argent a suscité l’enthousiasme des différents maires qui l’ont essentiellement consacré à l’assainissement. Une opportunité pour occuper de nombreux jeunes désœuvrés qui devraient profiter du vide créé par les départs en masse des sujets étrangers en situation irrégulière. En effet, ces derniers étaient reconnus comme éboueurs dans la plupart des villes.

Pour appuyer l’action des agents d’entretien, les mairies se sont dotées de moyens : véhicules de ramassage des ordures, engins spécialisés, sans compter le matériel léger tels que brouettes, pousse-pousse, etc.

Ces efforts ne comblent pas encore les attentes des Brazzavillois qui constatent que leur ville peine toujours à retrouver son nom de « Brazza la verte » — entendez : « Brazza la propre » —, comme aimaient à le chanter, jadis, de grands noms de la musique congolaise tel que Sebas Enemen. 

« Des efforts sont faits certes, mais ce n’est pas encore suffisant. Partout, on voit des tas d’immondices, même dans certains marchés. La saison sèche a commencé, mais les ordures drainées par les eaux de pluie se trouvent encore dans les caniveaux. Et puis, Brazzaville ce n’est pas seulement le centre-ville », a souligné un autre citadin.

L’autre défi : la gestion des ordures ménagères

Ici est posé le problème d’absence d’une politique efficace de gestion des ordures ménagères. Pour une ville moderne, la gestion des ordures présente de nombreux avantages : embellir la ville, créer des emplois et générer des revenus pour la municipalité. « Notre ville manque de poubelles publiques. Chaque ménage est obligé d’avoir un tonneau, un seau ou un autre récipient pour contenir ses déchets », se plaint une femme surprise après avoir déversé sa poubelle. Et d’ajouter : « La mairie doit déposer des poubelles dans chaque rue et prévoir des bacs à ordures dans les quartiers. »

En effet, à Brazzaville, chaque ménage gère ses déchets comme il le peut. « Nous ne pouvons pas garder la saleté dans nos maisons. Nous sommes obligés de transformer la rue qui appartient à l’État en poubelle à défaut d’un endroit plus approprié », soutient Élodie, une ménagère de 35 ans habitant Massengo, dans le 9e arrondissement, Djiri.

Des actes qui portent assurément atteinte à la santé des citoyens comme le reconnaît cet habitant de la rue Foura, à Talangai dans le 6e arrondissement : « Les mairies savent qu’elles ne disposent pas de véhicules pour aider les populations à vidanger les WC. C’est pourquoi elles sont impuissantes devant des actes normalement condamnables qui consistent à évacuer les eaux souillées dans la rue. Nous sommes conscients que ce n’est pas bien car notre santé en dépend aussi. Que peut-on faire ? »

Le manque de toilettes publiques contribue à l’insalubrité   

Autre fait qui occasionne l’insalubrité à Brazzaville et anéantit les efforts des différentes mairies : l’absence de toilettes publiques. Pour contourner la difficulté, les Brazzavillois ont transformé en urinoirs les troncs d’arbres (même en plein centre-ville), les murs des édifices publics et les abords des ruelles. Il arrive même que certains citoyens n’hésitent pas de déféquer à l’air libre, derrière des buissons ou dans les « merci maçons », ces maisons en cours de constructions ou abandonnées. « On voit aussi les hommes en voiture s’arrêter ici pour se soulager », témoigne un jeune vendeur de cartes téléphoniques, à l’entrée d’une ruelle souvent « sollicitée ».

Concluant le chapitre, Benjamin, un commerçant, affiche son optimisme et fait un appel du pied : « Avec les élections locales qui pointent à l’horizon, ceux qui seront élus feront de ces questions leurs priorités, comme l’est le déguerpissement aujourd’hui. »

Eudoxie Irène Antsoha, stagiaire

Légendes et crédits photo : 

Photo 1 : Un engin de la mairie. Photo 2 : Une ménagère qui vient de déverser ses ordures. (© Adiac).