Burkina Faso : le peuple ne semble plus croire aux promesses de paix du pouvoir

Mardi 4 Avril 2023 - 13:25

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimable

Depuis l’arrivée aux affaires des nouvelles autorités issues d’un coup d’Etat en septembre dernier, la vague de violences ne cesse de se déferler dans le pays, une preuve que la junte militaire rencontre de sérieuses difficultés pour braver les djihadistes. Le régime vient de procéder aux changements à la tête de l’armée et opterait déjà pour l’enrôlement forcé de citoyens afin de mener la guerre contre les insurgés.

Le capitaine Ibrahim Traoré, président de transition, a remplacé le chef d’état-major général des armées, le colonel-major David Kabré, en poste depuis février 2022, par le colonel-major Célestin Simporé, indique un décret présidentiel rendu public en fin de semaine dernière. La nouvelle suscite des commentaires controversés à travers le pays. 

Avant d’être nommé à ce poste, Célestin Simporé occupait les fonctions de chef d’état-major général adjoint et avait présidé, l’année dernière, les assises nationales ayant désigné le capitaine Ibrahim Traoré comme président de transition, peu après son accession au pouvoir en septembre. L’actuel président a également nommé le colonel Théophile Nikiema au poste de chef d’état-major de l’armée de terre.

Même si aucune explication n’a été donnée à ces changements intervenus au moment où le Burkina Faso est confronté à une multiplication d’attaques meurtrières attribuées aux djihadistes, tout porte à croire que c’est du fait de cette situation sécuritaire que les autorités en sont arrivées à cette décision. Or, le peuple languit du désir de renouer avec la paix.

Répondant à cette préoccupation, le gouvernement assure que les changements opérés à la tête de l’armée permettront de renforcer la sécurité partout. « Ce sont des meneurs d’hommes, chargés de conduire et coordonner les offensives au front dans la guerre pour la reconquête du territoire, voulue par le chef de l’Etat », explique une source sécuritaire de haut rang, y voyant le « passage à un nouveau cap, celui de l’offensive et la traque des terroristes ».

Pourtant, depuis une récente acquisition de moyens de combat aériens, l’armée clame haut et fort que la reconquête et la sécurisation de l’ensemble du territoire sont en cours. Et régulièrement, elle diffuse des vidéos de frappes sur des colonnes ou des regroupements de djihadistes présumés, mais les insurgés multiplient toujours des attaques meurtrières dans le pays. Ce qui fait que le peuple soit resté sceptique sur les stratégies du régime.

L’enrôlement forcé de citoyens dénoncé

Des assauts menés tout dernièrement à Zorkoum, localité située à une dizaine de kilomètres de Kaya et dans la province du Yatenga (Nord) ainsi que dans le village de Bagmoussa de la commune de Soudougui (Centre-Est), témoignent la recrudescence des violences djihadistes au Burkina Faso. Des actions qui affectent, entre autres, le secteur de l’éducation puisque près d’une école sur quatre y est fermée en raison de ces violences qui s’intensifient depuis plusieurs mois. « Plus d’un million d’enfants au Burkina Faso sont affectés par ces fermetures, souvent traumatisés par les déplacements et les conflits », déplore le Conseil norvégien pour les réfugiés.

Face à l’impuissance des forces de l’ordre, le gouvernement burkinabè procèderait actuellement à « l’enlèvement » et à « l’enrôlement forcé » de citoyens comme supplétifs de l’armée dans la lutte contre le djihadisme. Une pratique dénoncée par des organisations de la société civile. Le Mouvement burkinabè des droits de l’homme et des peuples et le Collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés, par exemple, ont confirmé ces actes déloyaux du régime et condamné la « négation récurrente et systématique des libertés d’opinion ».

Le Burkina Faso est pris depuis 2015 dans une spirale de violences attribuées aux groupes djihadistes qui ont fait plus de 10 000 morts - civils et militaires - selon des organisations non gouvernementales, et quelques deux millions de déplacés internes. Malgré cela, le nouvel homme fort du pays avait fait part en février de sa « détermination intacte » à combattre les terroristes, qui contrôlent environ 40% du pays. Mais il semble que cette volonté affichée et les mesures prises jusqu’à ce jour ne convainquent plus personne.

 

 

Nestor N’Gampoula

Notification: 

Non