Coup d’Etat au Burkina : la France dément son implication

Lundi 3 Octobre 2022 - 12:20

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Après le coup d’Etat  du capitaine Ibrahim Traoré, le 30 septembre, contre le président de la transition burkinabè, Paul-Henri Sandaogo Damida, lui-même arrivé au pouvoir par les armes en janvier dernier, les manifestants se sont attaqués à deux édifices français: l’ambassade et l’institut français de la recherche.  Paris dément toute implication et condamne les attaques.

Des militaires qui venaient de prendre  le pouvoir au Burkina Faso accusaient la France d’aider le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damida, renversé le 30 septembre. Le Quai d’Orsay a démenti l’implication de la France et a condamné l’attaque et l’incendie de son ambassade à Ouagadougou et de l’Institut français de recherche à Bobo-Diaoulasso, à l’ouest du pays, pris pour cible par des manifestants. La porte-parole, Anne-Marie Legendre, a déploré et condamné « avec la plus grande fermeté » ces violences. Ces attaques « sont le fait de manifestants hostiles, manipulés par une campagne de désinformation à notre encontre », a-t-elle estimé, appelant à assurer la sécurité des édifices diplomatiques, conformément aux conventions internationales.

Paris n’a pas d’intérêts mais des précédents qui l’accablent

Michel Galy, professeur de géopolitique, a estimé que la France n’a pas d’intérêt à défendre au Burkina Faso. Il a situé les attaques des manifestants notamment dans une perte d’influence, voire une hostilité, aggravée par les réseaux sociaux et « un certain nombre de maladresses des dirigeants français ». Il a vu, en ce coup d’Etat, une dimension  intérieure et une dimension internationale entre deux factions de l'armée burkinabé. L'une s'organisait autour de l'ancien président, le lieutenant-colonel Paul-Henri Damiba, et l'autre soutenait le nouvel homme fort, le capitaine Ibrahim Traoré. Des accusations « un peu comme au Mali, d'ingérence de la part de l'armée française du fait de l’existence d’une base militaire française appelée l'opération Sabre de lutte antijihadiste », a relevai-t-il.

Mais Michel Galy indiquait quelques précédents. Par exemple, lors de la chute de Blaise Compaoré, les armées française et ivoirienne avaient exfiltrer ce dernier pour échapper à la vindicte populaire et à un procès. Et au Tchad, « lors de la mort du maréchal Idriss Déby, le président Emmanuel Macron va se précipiter avec son ministre des Affaires étrangères pour organiser la succession ». Il a rappellé que la France n’a pas d’intérêt autour des minerais ou des ressources pétrolières, mais un intérêt géopolitique pour contenir, voire faire régresser, les attaques jihadistes. Concernant les rumeurs peu crédibles, selon lui, elles reviendraient aux réseaux sociaux.  Il a souligné également « la gouvernance à distance », citant l’époque du président Hollande, où la France avait fixé la date des élections au Mali. « Dans toute la région du Sahel, la force Serval puis la force Barkhane françaises étaient en quelque sorte dans une situation d'extraterritorialité au-dessus des États et des armées nationales. C'est une situation qui est très difficile à vivre pour la population et les classes politiques et qui ne pouvait pas durer très longtemps », a dit le Pr Michel Galy.

La bataille d’influence entre la France et la Russie

Les militaires putschistes ont invoqué le choix d’un nouvel allié pour justifier leur coup d’Etat, accusant Paris d’aider le lieutenant-colonel Damida à se rétablir au pouvoir, avant de revenir sur leurs propos. « Je sais que la France ne peut pas s’ingérer directement dans nos affaires. Si on a d'autres partenaires aujourd'hui, qui peuvent nous soutenir, ne voyez pas forcément la Russie. Les Américains sont nos partenaires actuellement, on peut avoir aussi la Russie comme partenaire, donc il ne s'agit pas de la France ou d'un problème de Russie et de Wagner », a expliqué un sous-lieutenant, lisant une déclaration du nouveau président, le capitaine Ibrahim Traoré.

Dans un message écrit diffusé sur la page Facebook de la présidence burkinabè, le lieutenant-colonel Damiba a démenti être réfugié au camp de Komboinsin : « Ce n'est qu'une intoxication pour manipuler l'opinion » , peut-on lire. Le président  démissionnaire de la Transition est critiqué par une partie des Burkinabè pour sa proximité  réelle ou supposée, avec la France. Depuis le 30 septembre, des drapeaux russes sont brandis lors des rassemblements de soutien aux putschistes et sur les réseaux sociaux. Washington se dit « profondément préoccupé » par la situation au Burkina Faso.

Les jeunes Burkinabè qui manifestent sur la voie publique contre la France sont les mêmes qui prendront le chemin du désert et des embarcations de fortune pour échouer en mer et mourir de noyade parce qu'ils veulent se retrouver en France à tout prix. Il leur revient à faire la part des responsabilités entre leurs dirigeants  et celle de la France, « bouc-émissairisée » à tout-va ces dernières années.

 

Noël Ndong

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