Débat sur la Constitution : les lignes n’ont pas bougéSamedi 9 Août 2014 - 15:46 Sûre de la légalité d’un référendum afin de modifier la Constitution, la majorité qui n’écoute que la voix de sa propre raison s'obstine à atteindre son objectif face à une opposition décidée à lui barrer la route. Les lignes n’ont véritablement pas bougé après le sommet États-Unis-Afrique. Les délégués de la majorité et de l’opposition qui se sont retrouvés à Washington à l’invitation de l’ONG américaine national endowment for Democracy (NED) ont eu à débattre le 4 août sur la perspective de la révision constitutionnelle qui hante ces dernières heures la classe politique congolaise. Processus électoral, alternance pacifique à l’horizon 2016, émergence, droits de l’Homme, etc., tout est passé au peigne fin dans ces échanges d’une profondeur remarquable, à en croire les correspondants sur place. L’activité périphérique au sommet des chefs d’État et de gouvernement organisée par NED aura donc juxtaposé les arguments des uns et des autres sur cette problématique de sorte à permettre à l’opinion internationale de se forger une réelle conviction. Les acteurs politiques de deux camps connus pour leur bagout ne se sont pas fait des cadeaux à Washington. Ils ont, comme il fallait s’y attendre, défendu leurs positions respectives, sans compromission par rapport à l’idéal politique qu’incarnent leurs regroupements politiques. Aucune éclaircie après ce débat, certes houleux, mais qui n’aura pas permis d’avancer. En fait, pour la majorité qui fait de la révision constitutionnelle son cheval de bataille, le credo est connu : « La Constitution de la République démocratique du Congo a prévu la manière dont elle peut être révisée. S’incruster dans cet interstice, c’est aussi respecter la Constitution ». Cette rhétorique chère à Évariste Boshab, défenseur acharné de la révision constitutionnelle, a de nouveau été mise en avant-plan à Washington. Le secrétaire général du PPRD dénonce l’absurdité de la rigidité de toute constitution qui, par dessus tout, reste un texte perfectible puisqu’émanant des hommes. En ce sens, elle doit s’adapter aux mutations sociopolitiques pour être en phase avec les exigences qu’impose l’évolution des sociétés. Née dans un contexte de belligérance des années 2000, la Constitution de la RDC requiert quelques retouches aux fins de son adaptation à la nouvelle donne politique et sociale, argumente la majorité. En tout état de cause, ajoute-t-elle, c’est au peuple souverain seul de se prononcer là-dessus à travers un référendum. Mettant de l’eau au moulin de son compère du parti présidentiel, Lambert Mende Omalanga estime, pour sa part, que l’opposition fait là un procès d’intention au chef de l’État qui ne s’est jamais prononcé sur cette question de révision constitutionnelle. Préoccupé qu’il est par sa mandature actuelle qui n’est d’ailleurs qu’à mi-parcours, Joseph Kabila, a-t-il soutenu, ne trouve aucun intérêt de s’engouffrer dans ce débat inopportun et, partant, sans panache. « S’il y a révision, elle sera constitutionnelle », a-t-il matraqué. Après avoir distrait le chef de l’État durant les premières années d’exécution de son mandat avec le fameux débat sur la « vérité des urnes », les mêmes opposants d’hier sont en passe de rééditer l’exploit en cherchant à perturber la fin de son quinquennat, a-t-il fait observer. Forte tension sociale en perspective Pour l’opposition pilotée par le tandem Vital Kamerhe-Martin Fayulu, il est hors de question, au nom de l’alternance au pouvoir, d’accorder un quelconque mandat supplémentaire à Joseph Kabila via une modification des dispositions verrouillées de l’article 220 de la Constitution. Outre le risque de plonger le pays dans une instabilité constitutionnelle, l’opposition a également mis en relief l’inopportunité de cette révision constitutionnelle puisqu’intervenant en plein processus électoral. « On ne change pas les règles de jeu en plein match », n’ont cessé de marteler les opposants. Loin d’être désarmée par cet argumentaire, la majorité a fait observer que le match électoral commence dès la convocation du corps électoral et prend fin avec la proclamation des résultats des élections. En fait, dans les deux camps, des arguments n’ont pas manqué, soit pour renier toute procédure de réforme constitutionnelle, soit pour la soutenir. De retour au pays, les uns et les autres continuent de radicaliser leurs positions. Déjà, en plein sommet États-Unis-Afrique, une frange de l’opposition restée au pays a manifesté son hostilité à toute manœuvre visant à accorder un troisième mandat à Joseph Kabila. Quelques opposants réunis à la place Sainte-Thérèse avaient organisé un meeting dans lequel ils se sont clairement exprimés contre toute révision de l’article 220. Celui-ci interdit de contourner la limite de deux mandats consécutifs. Joseph Kabila, au pouvoir depuis 2001 et élu démocratiquement depuis 2006, chercherait, d’après eux, de se représenter pour un troisième mandat en 2016. Sûre de la légalité d’un référendum afin de modifier la Constitution, la majorité qui n’écoute que la voix de sa propre raison, est bien décidée à atteindre son objectif. Ce qui présage une forte tension sociale avec une opposition décidée à lui barrer la route. La population, elle, est réduite dans l’expectative face à ce débat qui prend des proportions inquiétantes avec le risque, si on n’y prend garde, de plonger le pays dans une situation trouble. L’avenir nous le dira.
Alain Diasso Légendes et crédits photo :1. Evariste Boshab
2. Vital Kamerhe |