Décès d'Ousmane Sow, le sculpteur des grands hommes expressifs

Samedi 3 Décembre 2016 - 6:13

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L’art a perdu une de ses plus grandes figures : le sculpteur Ousmane Sow est décédé à l'âge de 81 ans à l'Hôpital Principal de Dakar, sans autres précisions sur ce dont il souffrait ni sur la durée de son hospitalisation de la part de sa famille.

Ousmane SowOusmane Sow a réussi sa percée en qualité de sculpteur grâce à ses œuvres monumentales de guerriers qui ont fait le tour du monde. Tel, lui-même, un robuste monument sénégalais mesurant 1m93, né le 10 octobre 1935 à Dakar, il n'est devenu artiste-sculpteur qu'à l'âge de 50 ans, après avoir exercé comme kinésithérapeute en banlieue parisienne et au Sénégal.

Et pourtant, « il a été très bien assisté médicalement », a simplement indiqué une source familiale, ajoutant : « Il emporte avec lui ses rêves et projets que son organisme trop fatigué n'a pas voulu suivre ». Jusqu'à jeudi après-midi, aucune précision n'avait pu être obtenue sur la date de ses obsèques à Dakar où il menait une vie très discrète.

« Un grand artiste du Sénégal vient de nous quitter. J'appréciais l'homme autant que son œuvre. Mes condoléances à la famille d'Ousmane Sow », a écrit le président sénégalais Macky Sall sur son compte Twitter, publiant une vidéo de 57 secondes dans laquelle le sculpteur s'exprime sur son art. 

En substance, l’artiste a expliqué : « Il n'y a pas de corps parfait, ça me donne la liberté de ne pas faire comme les Grecs, c'est-à-dire des sculptures bien calibrées, et ça, je l'ai acquis par mon métier de kinésithérapeute ». La présidence sénégalaise avait déjà salué « un artiste de génie », rappelant qu'il a été le « premier Africain à rejoindre l'Académie française des beaux-arts » en tant que membre associé étranger en 2013. De Paris, le chef de l'État français François Hollande a salué en Ousmane Sow « un immense artiste et un ami de la France ». « Ses œuvres sont le reflet de ses engagements, et ses géants se tenaient toujours debout », a-t-il ajouté.

De ses croyances, Ousmane Sow en parlait librement : «Je suis né musulman, j'appartiens à cette culture. Mais d'une façon distanciée. Jeune homme, j'ai été un kiné athée. Un athée assez particulier, auquel il arrivait de maudire Dieu lorsque je voyais les souffrances de certains gosses. Mais, comme je suis curieux de tout, des matières, des gens, je n'ai jamais pu me déprendre d'une interrogation sur Dieu. J'ai lu beaucoup de bouquins mystiques. Je me suis penché sur les témoignages de ces gens qui ont été à la frontière de la mort et qui en sont revenus. Je suis arrivé au sentiment d'une transcendance ? La main de Dieu, une présence effective. On ne peut pas attribuer tous ses malheurs à Dieu, pas plus que tous ses bonheurs. Certaines choses, malgré tout, vous forcent à croire qu'il y a un sens dans la destinée.»

Parlant de ses œuvres expressives et humanistes, il les épargnait du domaine de l’idolâtrie : «Pour en revenir à l'art, je ne me suis jamais posé la question de la représentation en termes d'interdit. C'est vrai cependant qu'il y a un tabou en Afrique, autour de moi, non seulement sur la nudité mais même sur la sculpture. L'islam en a une conception assez pure, mais certains en ont rajouté, en méconnaissant que si Mahomet a interdit la sculpture, c'est dans la mesure où elle servait l'idolâtrie. C'est la même histoire que pour Moïse et le Veau d'or. Le souci du prophète, c'était l'idolâtrie, pas la sculpture. Moi, je n'y mets aucun fétichisme. Une sculpture est une œuvre qui peut susciter l'émotion, jamais un objet devant lequel on peut s'agenouiller pour prier».

Marie Alfred Ngoma

Légendes et crédits photo : 

Photo : Ousmane Sow Crédit photo : Eric Cabanis / AFP

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